mercredi 13 avril 2011 :: Ardennes :: Alerter la modération
François Fillon s’est engagé devant les députés à faire cesser l’exploration et l’exploitation des gisements de gaz de schiste. De nouvelles technologies, moins polluantes, pourraient toutefois changer la donne.
Le Premier Ministre a négocié cet après-midi un virage à 180° lors de la séance des questions au Gouvernement. Sans remettre en question la légitimité de la prospection pétrolière et gazière, il a pris acte des inquiétudes générées par les permis d’exploration et d’exploitation de gisements de gaz et huiles de schiste par hydrofracturation. Les conséquences sur l’environnement et la santé publique que cette technique induit aux USA depuis les années 90 font l’objet d’une médiatisation internationale. Dernièrement, « The New York Times » s’en est fait l’écho. Quant au documentaire « Gasland », de l’américain Josh Fox, s’il a d’abord été relayé sur le net par des mouvements alternatifs ou écologistes, il est à l’affiche des cinémas de l’Hexagone depuis le 6 avril et devrait intéresser un public élargi.
Les premières levées de boucliers ont eu lieu dans le Sud de la France, fin 2010. José Bové s’est fait l’un des porte-drapeaux de cette nouvelle lutte. Des manifestations ont réuni des milliers d’opposants aux forages un peu partout en France (plus de 10 000 personnes en Ardèche, ce 26 février). C’est dire si le phénomène dépasse largement la sphère écolo. Le gouvernement semble payer une gestion opaque du dossier. François Fillon a d’ailleurs reconnu devant les députés que « les autorisations qui ont été données l’ont été dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes. Il n’y a pas eu assez de concertation et il n’y a pas eu assez d’information. » Une mesure abrogeant les permis de recherche et interdisant l’exploitation des gaz de schiste devrait être soumise aux députés le 10 mai prochain.
Une interrogation légitime
Dans un courrier datant du 11 mars 2011 et adressé aux ministres de l’Ecologie, de l’Intérieur et de l’Economie, le Chef du gouvernement avait déjà fait mention de « l’interrogation légitime des populations résidant auprès des sites potentiellement concernés. » Il avait alors invoqué la Charte de l’environnement (2004), intégrée à la Constitution, qui prône l’exercice du principe de précaution. François Fillon demandait alors à ses ministres de veiller à ce qu’aucune « opération de forage non conventionnelle ne soit engagée avant que les rapports n’aient été rendus publics et sans que les mesures d’information et de consultation du public prévues par la Charte de l’environnement n’aient été respectées« . On peut toutefois se demander pourquoi l’esprit et la lettre de la charte n’ont pas guidé plus tôt les responsables de l’Etat. Un effet du lobbying pétrolier ?
Comme le précise le courrier du Premier ministre, deux rapports devraient être publiés dans la première quinzaine de juin. Le 4 février 2011, le gouvernement a confié aux corps d’inspection de l’Etat une mission sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux liés à l’exploitation des gaz et huiles de schiste. De son côté, la commission du développement durable de l’Assemblée nationale a mandaté deux de ses membres, les députés François-Michel Gonnot (UMP) et Philippe Martin (PS), sur le même sujet.
L’indemnisation des pétroliers
Les annulations des permis d’exploitation posent évidemment la question de l’indemnisation des compagnies pétrolières, qui ont investi par millions. Leur silence assourdissant pose d’ailleurs question. L’Etat étant leur interlocuteur contractuel, il pourrait se voir contraint à leur régler des dédommagements faramineux. Selon certaines sources, il ne devrait pas en être de même pour les compagnies bénéficiant de permis de recherche. En ce qui concerne la région Champagne-Ardenne, Thermpoyles SAS et Pilatus Energy SA avaient mis 1,5 million d’euros dans la balance (permis des Ardennes, 2008), et Lundin International, 3 millions d’euros (permis d’Est Champagne, 2009). Quoi qu’il en soit, le contribuable risque de faire les frais de ce rétropédalage.
Un sursis électoral
Si le gouvernement affiche désormais une apparente volonté de transparence, l’échéancier électoral n’est sans doute pas étranger non plus à cette volte-face encore inenvisageable voici quelques semaines. Aussi ne faut-il pas se leurrer. Les opposants à l’exploitation des gaz de schiste auront fort à faire dès la fin 2014. Le Premier Ministre a d’ailleurs réaffirmé devant les députés sa volonté d’exploiter les gaz et huiles de schiste avec d’autres techniques, car « il n’est pas question de sacrifier notre environnement mais il n’est pas question non plus de fermer la porte à des progrès technologiques qui permettraient demain d’accéder à de nouvelles ressources énergétiques. » Les ministères de l’Industrie et de l’Environnement vont donc poursuivre la mission qui leur a été confiée : mettre en oeuvre ces nouvelles technologies capables d’exploiter les gisements du futur.
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