jeudi 14 avril 2011 :: Infos locales :: Alerter la modération
A Bourg-Fidèle (Ardennes), l’association Ensemble pour Aurélien et Jason vient d’organiser une session de formation à la méthode A.B.A. L’occasion pour les participantes de rompre leur isolement et de partager leurs expériences.
Vingt-deux personnes se sont retrouvées samedi pour conclure la première session de formation à la méthode A.B.A. initiée par l’association Ensemble pour Aurélien et Jason. Ce stage a été financé partiellement par le Lions Club de Rethel. Parmi les participantes, une douzaine de mamans, mais aussi une orthophoniste, des auxiliaires de vie et des éducatrices spécialisées. Le succès rencontré lors de ces trois journées est à la mesure des besoins exprimés par les familles d’enfants autistes.
Monter des projets ensemble
La présidente de l’association s’est déclarée satisfaite : « Ce qui est encourageant, a-t-elle reconnu, c’est de voir que non seulement les professionnels suivent, mais qu’ils adhèrent complètement et se rendent compte qu’on a un peu de retard en France sur pas mal de choses. Ils voient aussi ce qui est proposé avec l’A.B.A., une méthode qui peut faire progresser rapidement l’enfant. Les professionnels se sont rendu compte aussi que ce n’était pas du dressage. Ca leur permet de découvrir concrètement la réalité des choses. Nous sommes assez contentes de ça. »
Un mouvement d’entraide s’est créé. Les mamans présentes vont continuer à se voir au sein de l’association et monter des projets ensemble. « Ca, c’est très positif« , remarque la présidente d’Epaj. Elles sont plusieurs à avoir effectué des démarches personnelles pour faire connaître l’association. Les participantes à la formation sont toutes devenues adhérentes. « Nous sommes bien parties pour créer une dynamique de groupe, » plaisante Stéphanie.
La souffrance de Magali
Magali a quitté la Seine-et-Marne pour s’installer à Attigny avec son mari, qui espérait retrouver plus facilement un emploi de chauffeur d’autocar après avoir été licencié. Elle est la maman d’Adam, 12 ans, et de Timéo, bientôt 3 ans. La jeune femme est en grande souffrance depuis que son cadet a été diagnostiqué. « Depuis janvier 2010, je me débats toute seule », confie cette maman soulagée d’avoir rompu son isolement. Elle a pris contact avec l’association Ensemble pour Aurélien et Jason voici trois semaines après en avoir entendu parler par la presse et Facebook.
En fin de formation, elle se sent un peu rassurée, envisage des projets simples, mais essentiels pour son petit Timéo : acheter des puzzles afin de le stimuler par le jeu, lire un livre sur la méthode A.B.A. « J’ai trouvé ici les réponses que je n’avais pas obtenues auprès des professionnels, des médecins, des neurologues, lance-t-elle avec un air de reproche. On m’a explqiué, par exemple, comment gérer les colères , les stéréotypies de mon enfant. J’ai appris comment essayer de le canaliser. Ca peut paraître simple, mais en fait c’est très compliqué. J’ai dû m’adapter à Timéo. » Entre chaque séance de formation, elle a expérimenté quelques petits trucs avec succès. « Et ça marche ! » est-elle heureuse d’annoncer.
Dès le premier jour, Magali s’est libérée de son enfermement. « En entendant les mamans parler, décrire les symptômes de leur enfant, j’ai craqué, confie-t-elle la gorge nouée. Je me suis dit : Je suis dedans. Le tout, c’est de réaliser qu’on a un enfant comme ça. Ce n’est pas évident en fin de compte. » Comme il n’est pas facile d’accepter le regard des autres sur la chair de votre chair. Ainsi, sortir en famille au restaurant est-il une épreuve pour ces femmes, qui se sentent cataloguées « mauvaises mères », parce que leur enfant n’a pas en public le comportement attendu par la société.
« On a pu échanger nos ressentis, recevoir des conseils », rapporte Magali. Parfois, il s’agit d’un détail auquel on ne pense pas, et qui est tellement simple. Mais le mettre en pratique peut changer le quotidien de l’enfant et des siens. « On est tellement en peine chez soi, murmure-t-elle dans un souffle. Là, je me sens reboostée. J’ai retrouvé l’espoir, car déjà on ne se sent plus seul. On parle avec des gens qui nous comprennent, qui vivent ça au quotidien. Car sans espoir, seul, on ne peut pas combattre ce handicap. » Ensemble pour Aurélien et Jason, c’est un peu la bouée qui empêche Magali de couler à pic. D’ailleurs, elle serait prête à déménager et à se rapprocher de Bourg-Fidèle si l’association parvenait à ouvrir une école A.B.A. D’autres familles sauteraient le pas également pour donner le maximum de chances à leur enfant.
Une vie de famille bouleversée
En plaisantant, ces femmes évoquent leur vie de couple. Pas facile. L’enfant autiste requiert une attention – et une stimulation – de tous les instants. Finies, les sorties en amoureux. On file chacun son tour pour s’aérer, pendant que le conjoint reste à la maison. Confier son poussin à la grand-mère, pour la soirée, c’est prendre le risque que ça se passe mal. Les récits de baby-sottings mal gérés font rire et effraient à la fois : »J’ai mis une semaine à ranger la maison« ,confie cette maman qui n’a pas renouvelé l’expérience. Alors, comme on n’a pas forcément dans son entourage une personne capable de prendre en charge un autiste, on finit par renoncer à avoir une vie sociale.
Les mères se sentent parfois coupables de sacrifier leurs autres enfants. Armand, le grand frère d’Aurélien, a de la chance. Sa maman lui consacre une soirée par mois. Cette sortie est un moment rare et privilégié dont ils ne gaspillent pas une seconde. Elle apporte également une bouffée d’oxygène dans un quotidien aux rituels pesants. Lorsqu’on écoute les mamans d’autistes, on se dit qu’elles ont une vie épuisante, stressante, désespérante et qu’on serait bien incapable de la mener.
Parmi les stagiaires d’Epaj, une seule a pu conserver son emploi. Enseignante, elle est soutenue par une famille très présente. Toutes les autres ont dû abandonner avec des conséquences financières importantes pour leur foyer : avoir un enfant autiste, ça coûte cher. Aucune ne regrette d’avoir fait le sacrifice d’un métier qu’elles aimaient, mais il faut reconnaître que les femmes paient le prix fort. Aussi comprend-on qu’elles vivent comme un miracle chaque progrès réalisé par leur enfant malade.
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