Dans le cadre des Ailleurs de Contrebande, Fabien Milet a présenté un numéro de mât chinois original, « A corps illimité », dont le thème est le handicap. L’acrobate sera présent le 2 juin prochain à Revin.
Fabien Milet, 25 ans, est originaire de Périgueux (Dordogne). Il a commencé à faire du cirque en loisirs, vers l’âge de 14-15 ans. Après avoir pratiqué en amateur pendant plus de cinq ans, il a voulu se profession-naliser, commençant un long cursus de formation. Tout d’a-bord à l’école du cirque de Bordeaux (2 ans), puis à Chambéry (1 an). Actuellement, il a-chève sa troisième année d’études au centre régional des arts du cirque de Lomme, près de Lille.
« Au début, raconte Fabien, j’étais jongleur et jongleur diabolo, ce que j’ai gardé comme deuxième spécialité. Mais au fur et à mesure, j’ai aimé l’acrobatie, utiliser mon corps. Du coup, j’ai essayé de faire du diabolo sur le mât chinois. Je m’étais dit : Pourquoi ne pas essayer d’allier les deux ? Finalement, je me suis aperçu qu’il fallait quand même avoir un bon niveau technique en mât chinois. J’ai développé cette technique. Et finalement, au bout de trois années d’études, j’en ai fait un numéro de mât chinois. » Parce qu’il a tendance à vouloir aller plus loin, Fabien Milet a même commencé à travailler les sauts entre deux mâts.
Intégrer une compagnie
Le jeune Périgourdin aimerait intégrer une compagnie. C’est l’un des objectifs de sa formation actuelle. « On nous pousse à sortir de l’école avec un numéro, confirme-t-il. C’est comme un exercice, mais il s’agit en fait d’un projet. » L’étudiant doit trouver un sujet, créer un numéro, remplir un dossier. « Pour nous, précise l’artiste, il s’agit de chercher à créer, de montrer ce dont nous avons envie, de le mettre sur scène, sur un format « numéro », c’est-à-dire entre six et dix minutes. »
Par la suite, ce numéro de fin d’études se trouve susceptible d’être présenté lors d’auditions, afin que les directeurs de compagnie puissent évaluer le niveau technique du postulant, son univers, le découvrir sur scène, apprécier sa façon de bouger et de s’exprimer.
En avant-première
« A corps illimité » a été joué hier en avant-première dans le cadre des Ailleurs de Contrebande, aux Mazures. Il s’agit d’un spectacle dont le sujet est plutôt inattendu, puisqu’il s’agit du handicap locomoteur. Contre toute attente, ce thème emballe et transporte le spectateur dans un univers poétique, aérien. Normal, puisqu’il s’agit d’acrobatie. Mais quand même….
Un homme fait l’expérience du handicap. Un jeu ?… Survient un premier dysfonctionnement, qui étonne. Petit à petit, le personnage se voit « rentrer » dans son infirmité et devient progressivement handicapé, inséparable de ses béquilles. « Cela devient un luxe pour lui de faire avec ce handicap, analyse Fabien Milet, de l’accepter pour une rééducation, pour l’amener à faire corps avec son handicap, afin de vivre et de s’en servir comme quelque chose de beau, de difficile et – si possible – rechercher, développer, créer un autre mode de fonctionnement. La créativité est ici au service d’un défi majeur. « Il n’y a qu’en étant confronté à ce genre de problème qu’on cherche avec sa force en soi », estime le jeune équilibirste.
Donner le maximum
La relation entre l’artiste et les spectateurs est une préoccupation de tous les instants. Le public représente un peu le miroir dans lequel l’artiste recherche la confirmation de son talent.
« Quand on est sur scène, expose Fabien, on essaie de donner le maximum, en restant juste quand même, parce qu’il ne faut pas trop en faire. On sent le public, mais parfois, ce n’est pas le cas. Là, j’avais du mal à le sentir. C’est le problème de la rue. Il y a des spectateurs qui s’installent devant la scène. Ceux-là, on sait qu’on peut les « accrocher », parce qu’ils sont en face de nous. Mais pour les personnes qui se trouvent sur les côtés ou dans la rue, à quelques dizaines de mètres, on se demande : Est-ce qu’ils sont là ? Pourquoi n’avancent-ils pas? Est-ce parce qu’ils n’aiment pas ? Même sur scène, on se pose ces questions-là et des fois, ça peut faire sortir du numéro. »
Cette relation intime avec le public, l’équilibriste en a viscéralement besoin. « On cherche à toujours garder le contact avec les spectateurs, avoue le jeune homme. Si on sent qu’il est en train de se perdre, ça peut nous perdre nous-même. Mais après, il faut aussi se faire confiance. »
A voir ces voltigeurs évoluer avec une facilité apparente, on ne se doute pas qu’ils sont en train d’évaluer la solidité d’un cordon ombilical les reliant à ceux qui les applaudiront à la fin de leur numéro. « Quand on est sur le numéro, réitère F. Milet, on ressent ces choses-là, on en tient compte. Il le faut, parce que si on ne le fait pas, on se fait avoir, on risque l’accident. Il faut toujours être à l’affût de tout. Il y a beaucoup de paramètres à gérer sur scène : le public, soi-même, le sol, l’extérieur, les réactions. »
Encore faut-il, pour avoir confiance en soi, que les conditions matérielles soient réunies. Ce n’était pas le top aux Mazures, à cause du soleil, du vent et d’un sol en légère déclivité. Des conditions perturbantes pour un acrobate. Fabien Milet n’a pas pu fixer l’horizon comme il en a l’habitude : un voile l’empêchait de se repérer. « Vu que ce numéro-là est encore très « frais » pour moi, s’excuse-t-il, je suis encore dans la mémoire des choses. J’espère, d’ici quelque temps, arriver à le vivre pleinement. »
Les Mazurois sont convaincus que c’est déjà le cas. Et les festivaliers de Contrebande pourront en être juges le jeudi 2 juin, puisque Fabien Milet présentera son numéro « A corps illimité », quai Edgar Quinet, à 15h45 et 19h15.