« Maman Germaine », comme l’appellent affectueusement les Gué d’hossois, n’aime pas faire parler d’elle. L’existence de la vice-doyenne du village mérite pourtant d’être contée.
Germaine Demon est née le 18 octobre 1919, jour de la St-Luc, à Dudzele, près de Bruges, en Flandre Occidentale. Sa famille s’installe en France, alors qu’elle a 4 ans, pour exploiter une ferme au Trou du Blanc, sur le territoire de la commune de Rocroi, au milieu des bois, sans électricité ni eau courante.
Chaque matin, parents et enfants – Germaine a deux frères, Alphonse et Gérard – parcourent à pied dix kilomètres aller-retour pour se rendre à la messe de 7 heures, à l’église du Brûly. On les appelle alors “les Flamands”. De cette période, la nonagénaire dit : “En ce temps-là, on était jeune et… heureux.”
Une lessive épouvantable
En décembre 1939, elle épouse Eugène Christel, commerçant en produits laitiers, qui habite Gué d’Hossus. La guerre sépare les jeunes époux pendant cinq longues années. Puis, deux enfants viennent au monde : Jean-Claude, en 1945, exploitant agricole, et Olga, en 1948, épouse d’Avriel Copin, gendame. Tous deux habitent encore le village.
En arrivant à Gué d’Hossus, Germaine a renoué avec St Luc, puisque la paroisse lui est dédiée. Que ce soit à l’église ou dans la vie de tous les jours, elle est serviable, naturellement. Jean-Claude parle avec émotion de sa maman, une femme courageuse qui, au volant de son tub, sillonnait la Thiérache pour ramasser du lait, des œufs, du beurre (toujours enveloppé dans du linge blanc) qu’elle allait revendre sur les marchés de Revin, Vireux, Fumay, Givet.
Longtemps, le lundi, elle a lavé son linge à la main, à la fontaine. “Une lessive épouvantable”, confie son fils.
Malgré d’interminables journées de travail, Germaine trouve le temps de s’investir dans la vie locale : conseillère municipale pendant une trentaine d’années, elle s’active aussi dans l’Association Familiale du Plateau de Rocroi. Pendant 70 ans, catholique fervente, elle fleurit et nettoie l’église, recueille les recommandises pour la Toussaint, s’occupe des pèlerins de Lourdes.
La vaillance faite femme
Le 3 octobre 2009, les paroissiens ont honoré cette personnalité exemplaire pour ses 90 ans. Une foule joyeuse s’était rassemblée en l’église St Luc autour de « maman Germaine ». La messe – en français et en néerlandais – avait été chantée par « Les Troubadours de l’Eau Noire ».
Lors de son homélie, l’abbé Gantelet a fait d’elle ce portrait : “Vous êtes cette femme vaillante (…) dont il est dit qu’elle travaille avec entrain, que ses doigts s’ouvrent en faveur des pauvres. A travers ces mots s’est dessiné tout ce que vous avez donné aux autres, à l’Eglise”.
Aujourd’hui, alors qu’elle passe de longues heures à écouter la radio, calée dans son fauteul, Germaine Christel accueille toujours le visiteur avec bonne humeur. « Vous prendrez bien un café ? » ne manque-t-elle jamais de proposer. Même le quidam pressé ne saurait refuser. Parce que le temps s’arrête quand une âme comme ça vous ouvre les bras.