La municipalité s’est prononcée en faveur du nouveau projet de carte de l’intercommunalité. L’intégration de Revin et Anchamps suscite toutefois des réserves chez les élus rocroyens.
Le conseil municipal a délibéré hier soir sur la proposition de Schéma Départemental de Coopération Intercommunale (SDCI) qui avait été présentée par le Préfet le 26 avril dernier devant les 42 membres de la Commission Départementale de Coopération Intercommunale (CDCI), à l’occasion de son installation.
Les différentes collectivités concernées sont appelées à délibérer pour émettre un avis global sur cette nouvelle mouture, bien différente de celle présentée en 2006. Elles ont trois mois pour le faire (jusqu’au 4 août 2011). Au terme de ce délai, la CDCI sera de nouveau convoquée.
La municipalité rocroyenne est l’une des premières collectivités à se prononcer officiellement. Le projet de carte de l’intercommunalité a été adopté (11 oui, 3 contre et 3 abstentions).
Le cadre de la loi
Michel Sobanska, maire de Rocroi, et président de la communauté de communes Val et Plateau d’Ardenne, a rappelé les éléments principaux qui caractérisent la réforme de l’intercommunalité : plus de communes blanches, disparition des communautés de communes dont la population est inférieure à 5 000 habitants, et simplification de l’interco.
A ce titre, les syndicats intercommunataires vont disparaître. “Aujourd’hui, a précisé le maire, il existe 178 syndicats intercommunautaires à vocation unique ou multiple. Le Préfet veut que 30 à 35 % d’entre eux disparaissent rapidement. Le vœu de l’Etat est d’en supprimer 57 à 67 %.”
Le département des Ardennes compte actuellement 17 intercommunalités. Sept d’entre elles doivent disparaître, dont six n’atteignent pas le minimum d’habitants requis : Balcons de la Meuse ( 3514), Région de Signy-le-Petit (3804), Plaines du Porcien ( 3989), Junivillois (4108), La Thiérache ardennaise (4170), Plaines et Forêts de l’Ouest Ardennais (4296), selon les chiffres d l’insee (2006).
Concertation
Présenté par certains comme une décision autoritaire, le projet de schéma ne fait pas l’unanimité dans la classe politique ardennaise. M. Sobanska a toutefois rappelé que “le Préfet a[vait] reçu un grand nombre d’élus : des maires, des présidents d’intercos ou de syndicats, les présidents des deux associations de maires (…). Il devait rendre sa copie avant le 30 avril. Sachant que la proposition a été présentée à la CDCI le 26 avril, toutes les collectivités vont être consultées – jusqu’au 4 août. Le Préfet synthétisera ensuite les délibérations et provoquera une nouvelle réunion. Le calendrier impose que le schéma du Préfet soit adopté d’ici le 31 décembre 2011.”
Dans le cas contraire, la CDCI devra faire des propositions validées à la majorité des 2/3. Sinon, c’est le projet préfectoral qui sera validé. En cas de difficultés persistantes, “le Préfet a les cartes en mains. Il dispose d’un délai – jusqu’au 1er juin 2013 – pour prendre des décisions autoritaires”.
“Dépecés”
Michel Sobanska a taclé les élus qui se sont épanchés dans la presse locale, “chacun essayant de bâtir son fief en fonction de considérations diverses, et même politiques« . Des considérations qui avaient conduit au “dépeçage” de Val et Plateau d’Ardenne, comme l’a rappelé son président. “Notre communauté de communes intéressait à la fois la communauté d’agglo et Ardenne Rives de Meuse”, a-t-il affirmé.
L’élu rocroyen n’a pas caché qu’il ne voyait pas de lien entre Givet et Rocroi. La Vallée de la Meuse et le Plateau, ce n’est pas la même chose ! .Pour être honnête, on pense exactement la même chose à Revin et Anchamps.
La commune dirigée par Philippe Vuilque n’est l’objet d’aucun ostracisme de la part de M. Sobanska. “Revin est une commune comme une autre, assure l’élu UMP, quelle que soit sa couleur politique. Sur le plan de la gestion, la situation n’est pas si mal que ça.”
Le premier magistrat rocroyen a regretté que les problèmes du Nord des Ardennes soient devenus ceux de Val et Plateau d’Ardenne. “Revin et Anchamps n’avaient pas grâce aux yeux des deux intercommunalités du Nord du département, Ardenne Rives de Meuse et Meuse et Semoy. Fumay a des propos assez durs envers la ville de Revin”, a-t-il ajouté.
Réaliste, M. Sobanska a négocié l’entrée des deux communes “indésirables” dans la Vallée : “Il faut quand même qu’on garde de la substance fiscalement.” C’est-à-dire que Les Mazures et Tournes-Cliron intègrent la corbeille de la mariée.
La troisième interco
Même s’il a pu dire que le Préfet était conscience des incohérences de son projet et qu’il n’était pas dupe de certaines manipulations d’élus, Michel Sobanska s’est déclaré satisfait globalement du nouveau périmètre intercommunal : Val et Plateau d’Ardenne (sans Etalle, Maubert-Fontaine et Regniowez), Plaines et Forêts de l’Ouest ardennais, Murtin-Bogny (commune blanche qui souhaitait intégrer VPA), Revin et Anchamps. Soit 24 425 habitants (chiffres Insee 2006). Ce qui placerait la nouvelle interco au troisième rang départemental (hors communauté d’agglo).
Mais, le président de Val et Plateau d’Ardenne ne prend pas de gants pour le dire : “Je n’accepterai pas que le siège de l’intercommunalité déménage. Nous avons ici un personnel compétent. Il n’est pas question de le faire bouger”.
Au fil de la discussion, l’objectif d’un grand Nord-Ouest ardennais a toutefois été regretté, mais l’obligation de respecter le calendrier imposé par la loi interdit de s’attarder sur un sujet qui a pas mal de défenseurs sur le territoire.
“Nous avions plaidé pour retrouver le périmètre de Rièzes et Sarts, qui avait été mon objectif à la mise en place des intercos, a rappelé Michel Sobanska. Les francs-tireurs ont laissé passer le train. Il faudra peut-être attendre 30 ou 40 ans pour atteindre les objectifs avec les dégâts qu’il y aura eu entre-temps.” Un point de vue largement partagé par les élus.
Points de friction
Selon le maire de Rocroi, le fait qu’Ardenne Rives de Meuse – et dans une moindre mesure Meuse et Semoy – s’opposent farouchement à l’intégration de Revin et d’Anchamps montre qu’il y a un problème pour le Nord du département.
Faisant allusion à la dernière réunion de la CDCI, au cours de laquelle le député-maire n’a pas mâché ses mots, Michel Sobanska est venu à son secours : “Philippe Vuilque n’a peut-être pas utilisé les mots adéquats, mais à sa place, on aurait réagi de la même façon. La place de Revin et d’Anchamps est dans la Vallée de la Meuse.”
Autre sujet de bataille : la zone industrielle de Tournes-Cliron. Michel Sobanska a souligné le problème posé, selon lui, par la position de Claudine Ledoux, présidente de Coeur d’Ardenne, qui considère que ladite zone doit revenir à sa communauté de communes. “Elle voulait s’approprier Tournes et Cliron, a rapporté l’édile rocroyen. Le reste ne l’intéressait pas.”
Pour le président de Val et Plateau d’Ardenne, la création d’une grande communauté d’agglomération entre Sedan et Charleville-Mézières ne doit pas se faire au détriment des communes rurales. “La ruralité a besoin de l’urbain, et l’urbain de la ruralité”, a-t-il martelé.
Entre inquiétudes et arguments
Lors du débat qui a précédé le vote, les élus ont exprimé leurs inquiétudes quant au projet de schéma. Revin s’est taillé la part du lion dans cette discussion. Patrice Germain, adjoint, a réaffirmé que la place de Revin était dans la Vallée de la Meuse.
L’argument du Préfet selon lequel le Plateau et Revin font partie du même bassin ne le choque pas. “Des Rocroyens vont y travailler, fait-il remarquer Les chiffres démontrent que la situation financière de Revin n’est pas catastrophique. Quand les entreprises ferment, la municipalité s’en ressent, estime l’adjoint aux finances, avant de conclure avec humour : “Le trait est peut-être passé en fonction de certains hommes plutôt qu’en fonction de l’aménagement du territoire”. Une boutade qui reflètait toutefois l’opinion générale.
L’importance du rattachement de Revin à la future autoroute a semblé une évidence aux membres de l’assemblée communale. Le maire a plaidé pour le maintien d’une cohérence de territoire tout au long de l’A304. “Sans structuration autour de cet axe, a-t-il averti, elle ne servira pas à grand-chose pour notre territoire, qui ne sera qu’un canal de fuite« . M. Sobanska espère des retombées économiques d’ici cinq à dix ans.
Problèmes de compétences
S’il est un problème récurrent qui a bridé les élans de Val et Plateau d’Ardenne, c’est bien celui des compétences.
Revenant sur le manque d’ambitions et de projets de cette dernière, son président a montré son mécontentement. “Nous sommes la seule intercommunalité qui n’ait pas touché de DDR (dotation de développement rural,ndlr), a dénoncé M. Sobanska. Nous avons perdu des centaines de milliers d’euros, parce que nous n’avons pas pris de compétences, que nous n’avions pas de projets, hormis le Parc Naturel Régional et les ordures ménagères”.
La réforme territoriale va impliquer que ces fameuses compétences soient transférées aux nouvelles structures. Michel Sobanska craint que les maires des communes ne deviennent des “potiches” tout justes bonnes à “inaugurer les chrysanthèmes”.
Autre conséquence de la réforme pour Rocroi, le syndicat du collège disparaîtra. Celui de la piscine devra être repris par la future interco. “Un longs temps de discussion est à prévoir”, a prévenu le premier magistrat.
Compte-tenu des éléments fournis, il était difficile aux élus rocroyens de voter contre le projet de schéma, même si – comme l’a clamé Xavier Dauchelle, “ ce n’est pas pour ça qu’il faut se taire”. Certes, mais pour Michel Sobanska, la messe est dite : “C’est pratiquement figé”. A voir.