Dany Gilquin débite une bûche à l’ancienne.
Le Musée de la Forêt organisait dimanche un concours de bûcheronnage, qui a remporté un beau succès populaire grâce au soleil, mais surtout à la fidélité des bûcherons belges qui participent à cette fête du bois et de l’amitié.
Les épreuves ont commencé à 10h30 dans la clairière située derrière le musée. Pour cette deuxième édition de l’été, qui mobilise le personnel du musée, sept participants sont inscrits (six d’Outre-Quiévrain et un Français). Très à l’aise, Boris Ravignon a endossé le costume de Monsieur Loyal. Le jury est présidé par Michael Duflox, secrétaire de l’association du Musée de la Forêt. Deux arbitres veillent au bon déroulement des six épreuves.
La première consiste à abattre un tronc à la tronçonneuse de façon à ce qu’il tombe le plus près possible d’une cible rouge. Philippe Noirot fait très fort, puisque le poteau tombe à 3 centimètres de la quille. Une belle mise en bouche pour la suite du spectacle. Pour les autres, les résultats sont “plus serrés qu’au concours de juillet”, remarque M. Duflox. Mais bien loin du vainqueur (entre 22,5 cm et 33,5 cm).
A peine leurs tronçonneuses posées, les bûcherons s’emparent d’une scie pour découper une bûche. Ils doivent scier à la main cinq rondelles de chaque côté. Il s’agit à la fois d’une épreuve d’adresse et de rapidité, qui demande de la technique et au cours de laquelle il faut doser ses efforts. Deux hommes lestent la bûche en la chevauchant pour permettre au concurrent de scier sans danger.
Ludovic Bastin a obtenu un résultat très honorable pour une première participation.
Le baptême du feu
Face à la puissance des pros, l’Ardennais de l’équipe sue sang et eau. Ludovic Bastin habite La Grandville, il est boucher de métier. Avec sa scie d’amateur, il peine. On lui en prête une “vraie”. Ludo vient à bout de ses dix rondelles en 2’ 25”. Un arbitre commente : “C’est son premier concours, il faut bien démarrer. On a vu le résultat quand il a pris une scie de professionnel.” Effectivement.
Les concurrents n’en ont pas fini avec les rondelles, puisqu’il leur faut maintenant en débiter dans une bûche posée verticalement. La base est façonnée à la tronçonneuse de manière à la creuser “comme le cul d’unebouteille”. Elle y gagnera en stabilité.
Les bûcherons doivent amener chaque pièce sur la lame de leur machine et la déposer dans un seau qui se trouve à deux mètres. Les arbitres vérifient la distance réglementaire “pour éviter les réclamattions”, prévient l’un d’eux en riant. Là encore, les pros font la différence.
Comme deux cyclistes du Tour de France (ou de la Flèche wallonne), André Pirson et Dany Gilquin “roulent” dans la roue l’un de l’autre. Mais une rondelle tombée hors du seau confine Dany au rôle de Poulidor de l’épreuve. Le score est sans appel : 37 pièces pour le champion en titre, et 12 pour l’Ardennais, encouragé par le public.
Encore un petit effort et ce sera la pause. Cette fois, on reprend l’outil emblématique du métier : la hache. Il s’agit de fendre en deux une belle bûche couchée. Biceps, trapèzes et consorts sont fortement sollicités. Le matériel aussi.
Porteur du brassard n°13, Ludovic Bastin est poursuivi par la scoumoune. Quelques mouvements virils avec la cognée et le fer vole sur le sol, tandis que le manche reste dans les mains de son propriétaire. Pas chiens, les Belges volent au secours du petit Français en lui prêtant une hache professionnelle. Le Grandvillois vient à bout de sa bûche en 112’, quand David Gérard a mis 29’. Son courage lui vaut des commentaires flatteurs.
Deborah et Paul ont fabriqué des chemins de table en bois de récupération.
Entr’acte au musée
Durant le quart d’heure de pause, le public s’égaye dans les allées du musée à ciel ouvert pour découvrir la hutte de charbonnier dominée par une croix. La reconstitution d’un intérieur ardennais rappelle bien des souvenirs aux grand-mères, les “tayonnes” d’antan. Par devoir de mémoire – et non pour apporter sa caution à la pratique -, le musée présente plus d’une centaine de pièges, de la tapette à souris au piège à gros gibier. Le crâne d’un sanglier pris dans les mâchoires de fer témoigne de ces horribles pratiques aujourd’hui interdites.
A l’entrée de la clairière, deux enfants proposent des chemins de table originaux. Paul, 8 ans, et Deborah, 11 ans, ont récupéré le matin même dans la forêt des morceaux de bois et des bouts de ficelle. Apôtres du développement durable sans le savoir, les deux artisans en herbe attirent les curieux à leur stand. “Nous sommes contents, annonce fièrement Deborah. Nous avons réalisé de belles choses.” En fin d’après-midi, il ne leur restait plus qu’un chemin de table à offrir.
Des stands proposent des objets de décoration en bois ou des confitures. L’association “Des ailes pour Flavian” est présente. Elle porte le nom d’un petit garçon de 4 ans et demi, qui doit suivre un traitement médical aux Etats-Unis (http://flaviandesailespourlamarche.blogspot.com). Au restaurant, on est en rupture – provisoire – de galette au sucre. Il faudra une intervention de Boris Ravignon pour rassurer les affamés. Pendant ce temps, les bûcherons ont repris des forces et vérifié leur matériel. Les gladiateurs de la forêt rentrent en piste pour la dernière partie du concours de bûcheronnage.
La hutte du charbonnier a attiré les visiteurs.
Des senteurs miellées
La difficulté de la nouvelle épreuve n’est pas négligeable : “Il faut la finir avec tous ses doigts”, clame le speaker. André Pirson débite son petit bois à la hache. Dans son dos, Dany Gilquin demande : “Faut aider ?” Cette nouvelle intervention du “clown bûcheron” déchaîne les rires. André reste concentré. “Un bois, deux bois, une dôye”, compte le lascar. Dany boit comme du petit lait l’hilarité générale. Les spectateurs en redemandent. Mais c’est à lui de débiter sa bûche. Le décompte est sans appel : 98 bûchettes contre 92 à son rival André. Un record à battre en 2012.
Final en apothéose pour le concours avec la coupe de précision. Les tronçonneuses vrombissent comme des Formule Un sur la ligne de départ. A ce stade de la compétition, André Pirson et Dany Gilquin sont dans un mouchoir de poche. Un seul point les sépare.
Cette épreuve est sans conteste la préférée du public. Les concurrents disposent de dix minutes pour découper un maximum de rondelles dans un rondin de résineux de 30 cm de diamètre et qui mesure un mètre de hauteur. La bûche est posée verticalement. Les rondelles ne doivent pas tomber à terre.
Ludovic Bastin n’a pas compris le règlement. Il a déjà jeté plusieurs pièces quand il s’aperçoit de son erreur. Autre péripétie, la chaîne de la machine appartenant à Nicolas Pirson casse et se fiche dans le rondin. Il faut réparer. Quelques piles tanguent dangereusement. On les tasse à la tronçonneuse. Le suspense est haletant. André Pirson remporte la mise avec 46 rondelles.
Un arbitre m’en tend une. Elle fait à peine 5 millimètres d’épaisseur et sent le miel. A travers la lumière, je discerne ma main à travers ses cernes translucides et orangés. C’est magique quand on sait avec quoi elle a été façonnée.
Pendant que le jury fait ses comptes, des amateurs viennent faire leur récolte de rondelles. Idéal, paraît-il, pour faire des dessous de plat. En un claquement de doigts, près de 400 pièces de bois vont trouver preneur. Peut-être les retrouvera-t-on habilement décorées sur les prochains marchés de Noël.
Les concurrents disposaient de moins d’une heure pour transformer leur bille de bois en oeuvre d’art.
Un bestiaire miraculeux
Après les épreuves de force, l’heure est à l’expression des talents artistiques. Ni couteau ni gouge pour sculpter le bois, mais là encore, une tronçonneuse. Les concurrents ont 45 minutes pour réaliser l’oeuvre de leur choix à partir d’un rondin qu’ils ont choisis. Si l’épicéa règne en maître lors des épreuves de bûcheronnage, l’aulne, le chêne et le frêne ont les faveurs des artistes bûcherons. Une fois encore, c’est André Pirson – exploitant forestier – qui a fourni le bois nécessaire au concours.
C’est toujours un petit miracle que d’assister à la métamorphose de la matière brute en oeuvres d’art. Chacun a sa méthode. Nicolas Pirson a apporté un gabarit en carton pour sa girafe. François Nicolas préfère dessiner à même le bois. D’autres évaluent au coup d’oeil.
Il faut attendre vingt minutes pour que les formes ébauchées de la biche de Philippe Noirot parlent enfin aux spectateurs. Du bout de sa chaîne, à touches légères, André Pirson emplume son hibou, tandis que Dany Gilquin abrique une chaise congolaise pour s’asseoir et attendre confortablement la fin de l’épreuve.
Au pays de Rimbaud, un bateau ivre sort de cale sèche. S’il se lasse un jour du bûcheronnage, David Gérard pourra toujours se faire embaucher sur les chantiers de Saint-Nazaire. Trois paires de bras costauds ont été nécessaires pour l’amener devant le jury.
Une fois annoncé le palmarès des deux concours, les différentes oeuvres sont mises aux enchères au profit de leurs créateurs. Elles ont toutes trouvé un acheteur (de 10 à 50 euros), un prix jugé parfois dérisoire par Mme Janine Vastine, qui a acquis le voilier – grand gagnant – pour le musée. Il faut dire que le poids de certaines sculptures a quelque peu effrayé les enchérisseurs.
L’abattage de précision à la tronçonneuse.
Palmarès du concours de bûcheronnage : 1 – André Pirson (339 pts) ; 2 – Dany Gilquin (337 pts) ; 3 – Nicolas Pirson (317 pts) ; 4 – David Gérard (315 pts) ; 5 – Philippe Noirot (305 pts) ; 6 – François Nicolas (288 pts) ; 7 – Ludovic Bastin (274 pts).
Palmarès du concours de sculpture artistique à la tronçonneuse : 1 – David Gérard (voilier) ; – 2 Philippe Noirot (biche) ; 3 – André Pirson (hibou) ; 4 – Dany Gilquin (chat et chaise “congolaise”); 5 – Nicolas Pirson (girafe) ; 6 – François Nicolas ( hippocampe sur une étoile de mer) ; 7- Ludovic Bastin (chaise ardennaise).
La dernière rondelle avant que la pile ne s’effondre.
SUGNY (Belgique)
FËTE DU BOIS le dimanche 14 août 2011. Le Syndicat d’Initiative de L’Enclave organise un concours de bûcheronnage se déroulera au stade de football. Les épreuves débuteront à 10h30. (Pour les sculptures à la tronçonneuses, 17h00.)
Participation d’artisans du bois, tourneurs,… Jeux en bois. Bar et restauration sur place.
ENTREE GRATUITE
Infos : 00 32 (0)61 50 13 19 ou 00 32 (0)473 97 00 51 (le soir).
André Pirson a remporté les deux concours de bûcheronnage de cet été 2011.
Le voilier de David Gérard est désormais visible au Musée de la forêt.