Un auditoire intéressé a découvert les vertus des chauves-souris.
Longtemps décriée à cause d’une réputation de buveuse de sang, la chauve-souris est enfin réhabilitée. Si l’année 2011 lui est consacrée par l’Union Européenne, ce mammifère ailé est traditionnellement fêté au mois d’août.
Pour la 15ème Nuit européenne de la chauve-souris, le futur Parc Naturel Régional et le ReNArd (Regrougement des Naturalistes Ardennais) avaient donné rendez-vous samedi à près de 40 personnes qui se sont retrouvées à la mairie.
Après avoir suivi une présentation avec diaporama, l’assistance est passée aux travaux pratiques. La nuit étant tombée, tout ce petit monde est parti à la rencontre des belles de nuit dans les rues du village, où chacun a pu observer pipistrelles, sérotines et noctules en pleine action.
Le groupe était équipé d’un détecteur d’ultrasons. Vers 22h15, les participants ont regagné la mairie pour partager la galette au sucre et un verre de jus de pommes de Charbogne.
La pipistrelle est la plus commune des chauves-souris. (Photo Gilles San Martin – Natagora)
Des mains ailées
Pour cette présentation, Luc Gizart, président du ReNArd, avait fait le déplacement avec Ariane Duperon, une jeune chargée de mission de son association. D’emblée, cette dernière a rappelé que les chauves-souris sont très utiles.
L’animal fait partie de l’ordre des chiroptères. Il est le seul mamifère capable de voler activement comme les oiseaux, grâce à ses “mains ailées”. Les plus grandes espèces (mégachiroptères) peuvent avoir 1m 50 d’envergure, telle la roussette, qui vit dans les zones tropicales. Chez les microchiroptères, on trouve les fameux vampires, qui se nourrissent en Amérique du sang des animaux de la ferme.
Les chauves-souris ont toujours été associées à des peurs et des légendes. Leur mode de vie nocturne a également attisé craintes et idées fausses. Les membres du ReNArd ont d’ailleurs tenu à tordre le cou à certaines d’entre elles. Par exemple, il est faux de dire que les demoiselles s’accrochent dans les cheveux
Des autoroutes à chiros
Les habitats sont très variés. L’importance du bocage a été démontrée, et à ce titre, la Thiérache offre un environnement priviliégié aux chauves-souris, qui y trouvent des insectes pour se nourrir. Elles utilisent les haies comme un corridor écologique pour se déplacer entre différents habitats.
Les allées forestières sont communément appelées “autoroutes à chiros”. C’est dire si elles sont fréquentées la nuit. Les cours d’eau, les étangs, les plaines alluviales sont également appréciées par ces petites bêtes qu’on trouve aussi dans les sites souterrains : caves humides, grottes, tunnels ferroviaires et forts désaffectés, bunkers de la Seconde Guerre mondiale.
La chauve-souris a besoin d’humidité. Avec un air sec, ses ailes casseraient. Les anciennes ardoisières et carrières, les forêts consituent eaussi des gîtes accueillants.
A noter que les chiroptères sont des espèces bio-indicatrices. Leur présence détermine la bonne qualité de l’environnement. Ce sont aussi des espèces “parapluie” : en les protégeant, on protège aussi des espèces vivant dans le même environnement.
Le Murin de Daubenton se nourrit de moustiques. (Photo Peter Kanuch – Natagora)
Une population variée
La France métropolitaine compte 4 familles de chiroptères et 33 espèces. Curieusement, ce nombre s’est développé au fil des années, grâce aux analyses génétiques, qui ont permis de différencier deux espèces quand on en comptait une seule auparavant.
Les Ardennes comptent pour leur part 23 espèces de microchiroptères. Les plus communes sont la Pipistrelle commune, qui représente à peu près 90 % de la population des chauves-souris. Très liée à l’homme, elle est longue comme le pouce et pèse entre 3 et 8 grammes. Une habitante de Maubert-Fontaine a raconté qu’une petite colonie vivait derrière ses volets, au premier étage, depuis au moins 30 ans.
Le Murin de Daubenton chasse au-dessus de l’eau. On le rencontre donc principalement là où se trouvent des étangs, des rivières. Fait exceptionnel, une colonie de Grands Murins d’environ 1 200 individus a trouvé un havre de paix dans la maison d’un particulier, à Boulzicourt.
Cette colonie, dont l’espèce peut atteindre 40 cm d’envergure, est l’une est l’une des plus importantes de Champagne-Ardenne. Elle serait présente sur le site depuis plus d’un siècle selon le propriétaire, qui récupère le guano (excréments séchés) pour fertiliser son jardin. Comme quoi avoir le sens de l’hospitlaité peut s’avérer payant !
Un insectivore qui fonctionne au “radar”
Les chiroptères utilisent l’écholocation pour se déplacer et chasser. La découverte en est assez récente. Elle doit beaucoup à l’invention du radar, vers 1935. Les chercheurs ont alors fait le rapprochement avec la chauve-souris.
L’écholocation est un système d’orientation basé sur la perception de signaux émis par l’animal lui-même. Des ultrasons sont produits au niveau du larynx et sortent par la bouche ou le nez, selon les espèces. Ilssont inaudibles à l’oreille humaine. Celles de la chauve-souris sont très développées pour mieux les percevoir.
Pour la chasse, les chiroptères utilisent ces fameux ultrasons. A leur menu, des moustiques ou des papillons de nuit, selon l’espèce. Un petit Murin Daubenton peut en manger 600 au cours d’une seule nuit. Plus efficace qu’un insecticide, et surtout plus respectueux de l’environnement ! Le Grand Murin, qui pèse à peine quelques grammes, est capable d’aller chasser à 48 kms aller-retour de sa colonie.
Vespertilion d’Alcathoe. Cette espèce vient d’être découverte le 31juillet 2011 en Wallonie. (Photo Pierrette Nyssen – Natagora)
Au rythme des saisons
Leur cycle de vie est complexe. Pour simplifier, il est régi par les saisons. Les chauves-souris s’accouplent en octobre lors de grands rassemblements. La gestation est bloquée pendant l’hiver. Elle reprend au printemps avec la période d’activité.
Les femelles mettent bas en juin. Le taux de reproduction est faible (un jeune ou deux par femelle et par an), mais pour le contrebalancer, Dame Nature s’est montrée généreuse en ce qui concerne la longévité des chiroptères. La pipistrelle commune vit une dizaine d’années. Quant au Grand Murin, il peut espérer atteindre les vingt ans.
Les mères allaitent comme n’importe quel mammifère. Durant la belle saison, elles vivent avec leurs jeunes en colonie, alors que les mâles s’isolent. Si elles ne font pas partie des quelques espèces migratrices, les chauves-souris hibernent l’hiver dans un site où la température est relativement constante et ne descend pas en dessous de zéro.
Lors de l’hibernation, leur métabolisme se modifie. Elles sont en léthargie de novembre à mars. Alors que leur coeur bat à 600 pulsations par minute à la belle saison, il ne bat plus qu’à 10 pulsations/minute en hiver. Les chauves-souris sont alors très sensibles au dérangement. A chaque fois qu’on les réveille, elles doivent relancer leur métabolisme, ce qui met leur vie en danger.
La rage
Parmi toutes les espèces présentes dans les Ardennes, une seule est susceptible de véhiculer la rage. La sérotine commune est une espèce migratrice. Elle ne se rencontre pas fréquemment sous nos latitudes. Quelques cas ont été signalés dans le département, mais cette forme de rage – différente de celle du renard – reste anecdotique.
A ce propos, Luc Gizart a rappelé qu’il ne fallait jamais toucher une chauve-souris à mains nues. Cet animal est sauvage, certaines espèces sont plus agressives que d’autres et peuvent mordre. Ensuite, le fait de trouver une chauve-souris à terre est signe de maladie – ou de blessure. Si l’on veut amener l’animal à un centre de soins, mettre des gants et l’enfermer dans une boîte en carton.
Le Petit Rhinolophe a presque disparu de Belgique. (Photo Jean-Louis Gathoye – Natagora)
Une population fragilisée
En Europe, toutes les espèces sont en baisse, mais les plus menacées sont le Petit Rinolophe et la Barbastelle d’Europe. Le Petit Rhinolophe a presque complètement disparu de Belgique. Il est particulièrement suivi dans les Ardennes, qui possèdent encore quelques colonies de 50 à 100 individus.
La disparition d’une espèce est souvent définitive, car on ne peut pas la réintroduire comme on le ferait avec des oiseaux ou d’autres mammifères.
Les causes des menaces pesant sur les populations sont multiples : disparition des habitats naturels (bocage), des gîtes (modernisation de l’architecture), dérangement hivernal, raréfaction des ressources alimentaires – à cause des insecticides-, prédateurs (chouette), croyances et légendes.
Une protection encadrée
Les chauves-souris sont protégées en France depuis la promulgation de loi sur la protection de la nature (10 juillet 1976). Des conventions européennes ont suivi. Il est interdit de les tuer, de les transporter ou d’en faire le commerce.
Concrètement, plusieurs mesures de protection physiques peuvent être facilement mises en oeuvre. Des grilles sont posées à l’entrée de certaines grottes pour empêcher les visites humaines lors de l’hibernation. Lors de la rénovation d’une maison, le propriétaire peut garder en l’état une partie des combles pour continuer d’assurer un gîte aux chiroptères.
La fabrication d’un nichoir à chauve-souris ne requiert pas de grandes compétences manuelles. Des sites Internet proposent des plans. L’installation se fait sur un mur exposé au sud, à trois mètres de hauteur – pour que l’animal puisse s’envoler sans difficulté. Voilà de quoi développer l’attractivité d’une maison et se débarrasser à bonc compte des moustiques qui pourraient gâcher vos nuits d’été.
Lors d’une balade en forêt, les promeneurs remarquent parfois des triangles bleus, pointe en bas, qui sont peints sur certains arbres. Ces marques sont faites par les agents de l’ONF. Elles signalent des arbres intéressants pour la biodiversité, et notamment la présence de chauves-souris. “Ce sont souvent les vieux arbres les plus intéressants, et souvent aussi ceux qui n’intéressent pas les forestiers, se désole Luc Gizart. Ce sont les premiers qu’on abat.”
Oreillard en plein vol. (Photo Frédéric Forget – Natagora)
Informations complémentaires
En France :
Société Française pour l’Etude et la Protection des mammifères
Le ReNArd
Office National des Forêts
http://www.onf.fr/activites_nature/sommaire/decouvrir/animaux/chauves_souris/
En Belgique :
Plecotus : groupe de travail chauve-souris de Natagora, asbl ayant pour but de protéger la nature, plus particulièrement en Wallonie et à Bruxelles.