Un dépôt de gerbes a eu lieu au monument aux morts.
Samedi, quelques trop rares Revinois ont rendu hommage aux Américains qui ont libéré leur ville, le 3 septembre 1944. Pourtant, les victimes du maquis des Manises avaient été associées à la cérémonie souvenir présidée par le député-maire Philippe Vuilque.
La première commémoration de la libération de la ville par les Américains, le 3 septembre 2011, s’est déroulée en 2008. Une reconstitution historique avait attiré la foule, de même l’année suivante. Véhicules militaires, uniformes, bal populaire donnaient à la foule l’illusion d’être actrice d’un grand moment de l’histoire locale. Mais sans les flonflons, l’ardeur patriotique a tiédi. Samedi, ils étaient peu nombreux ceux qui ont suivi les quatre porte-drapeaux et les représentants des associations combattantes. Le défilé est parti de la mairie, à 18 heures, emmené par Auguste Masson, directeur de l’Union Musicale Revinoise, et un jeune tambour de l’école de musique. Plusieurs élus faisaient partie du cortège, dont Dominique Ruelle, adjointe et conseillère générale.
Un dépôt de gerbes a eu lieu au monument aux morts. Dans son allocution, le premier magistrat a précisé que, dès son élection , il avait souhaité commémorer l’événement, répondant à un souhait des anciens combattants. Après un rappel historique, au cours duquel il a cité le général Eisenhower, Philippe Vuilque a rappelé le rôle indéniable joué par le maquis des Manises, constitué début juin 44. Entre 150 et 200 jeunes avaient renforcé les rangs de l’armée des ombres sous les ordres de son commandant, Jacques de Bollardière. Le 12, l’occupant isolait Revin et montait au Père des Chênes pour une opération qui devait aboutir à la tragédie du lendemain. « 106 maquisards, dont 73 Revinois, ont été torturés avant d’être exécutés, a rappelé l’édile, alors que les rescapés rejoignaient le maquis de Willerzie« . Un massacre qui « restera dans les mémoires« .
Entre joie et pudeur
Un sentiment ambivalent avait prévalu lors de l’arrivée des troupes américaines. Une première jeep était arrivée de Saint-Nicolas le samedi 2 septembre, mais le pont étant détruit, les GI’s avaient rebroussé chemin avant de revenir le matin suivant. « La joie était contenue, a rapporté Philipe Vuilque. La population était encore sous le choc du massacre« . De nombreuses familles pleuraient la mort d’un fils, d’un mari, d’un père, dont les corps n’avaient pas encore été réinhumés au cimetière communal. L' »affaire des Manises » allait bientôt diviser, cherchant des responsables à l’indicible horreur.
Le député-maire a invité l’assemblée à ne pas oublier les moments de joie que « nous devons à nos libérateurs« . Le sacrifice des résistants, les heures émouvantes de la libération après quatre années sous le joug nazi « doivent rester un exemple, même si le temps passe. C’est pourquoi nous avons choisi de ne pas oublier« .
Une âme pure
Michel Sage, président de la section locale UNC, a pour sa part décrit l’état d’esprit du peuple revinois, qui retrouvait la liberté après quatre années d’occupation et de privations, « stimulé par l’arrivée de la formidable armada alliée sur les plages normandes, traumatisé et apeuré par la tragédie du massacre du maquis des Manises, mais redynamisé par la Libération de Paris, le 25 août 1944« . Lors de l’arrivée des Américains,« l’espérance était bien présente« , a-t-il attesté. Enfin.
Rapportant les propos d’Eva Thomé, M. Sage a affirmé que « (…) l’héroïsme se conjugue au quotidien et que la détermination d’une cause n’exige pas le spectaculaire : elle se contente de conviction et de sincérité« . Cette maxime pourrait d’ailleurs s’appliquer au nouvel oppresseur de ce siècle : la désindustrialisation.
Haut-lieu de la Résistance ardennaise, les Vieux Moulins de Thilay sont désormais fréquentés par des randonneurs qui apprécient l’air pur de cet endroit isolé du monde. Mais le président de l’UNC aimerait faire savoir qu’en ce désert de verdure, « on vient faire escale d’Amérique, d’Australie et d’Afrique« ,et » que l’âme y est pure ». Sans doute parce que la forêt a gardé la mémoire « des émotions et des événements exceptionnels » qui s’y sont produits, et qu’elle « renferme dans son mystère de beaux, de lourds, de tragiques secrets ».
Si les GI’s ont pu rouvrir les chemins de la liberté, c’est parce que « l’eau du ruisseau des Manises s’est teinté de pourpre un certain 13 juin 1944« . A bien y réfléchir, les vrais héros de la libération de Revin, ce sont les 106 spectres qui hantent la clairière du Père des Chênes. Mais pour qu’on s’en souvienne, encore faudrait-il que les descendants des « libérés » se déplacent jusqu’au monument aux morts.
Souvenirs
Lors du verre de l’amitié qui a suivi la cérémonie officielle, Philippe Vuilque a confirmé l’état d’esprit général en se déclarant déçu qu’il n’y ait pas plus de participants. Cette indifférence « fragilise la démocratie« , a déclaré l’élu, qui a tenu à féliciter deux adolescentes. » Par leur présence, elles témoignent de leur solidarité vis-à-vis des anciens« , a-t-il conclu.
Ces demoiselles ont pu écouter Mme Claire André. « J’avais sept ans et j’habitais les cités Faure, s’est souvenue la présidente de la section locale des FFI. Il faisait beau ce jour-là. Les Américains sont arrivés à la Bouverie par St-Nicolas, vers 11 heures. Les gens étaient venus très nombreux. Les filles étaient montées sur les chars et s’accrochaient aux soldats. »