Philippe Vuilque, député de la 2ème circonscription des Ardennes, s’est ému de la récente remise en cause du Programme Européen d’Aide aux plus démunis (PEAD). La Commission européenne veut diminuer de 75 % le montant de l’aide aux plus démunis, la faisant passer d’environ 500 millions d’euros à 113,5 millions d’euros en 2012.
« Cette demande est scandaleuse en période de crise car elle prive 13 millions d’Européens de l’aide alimentaire dont ils ont besoin », s’est indigné l’élu socialiste. Alerté par les associations caritatives, Philippe Vuilque déclare avoir fait remonter leurs inquiétudes auprès du Gouvernement et de la Commission européenne.
Rappel historique
Le PEAD a été créé en 1987, porté par Jacques Delors, Président de la Commission européenne, à la suite d’un appel lancé par Coluche, fondateur des Restos du Coeur. En 2011, sur 27 pays membres de l’Union Européenne, 19 ont bénéficié de cette aide alimentaire, dont la France. Le programme est inscrit annuellement au budget de la Politique Agricole Commune (1 %).
A l’origine, le programme permettait de faire coup double : gérer les excédents de l’agriculture européenne et en faire bénéficier les plus pauvres. La baisse des stocks a progressivement contraint l’Union Européenne à acheter des produits sur le marché pour les redistribuer aux banques alimentaires. Une pratique dénoncée par certains Etats membres.
L’Allemagne a déposé plainte, suivie dans sa fronde par plusieurs pays (le Danemark, les Pays-Bas, la République tchèque, le Royaume-Uni et la Suède), qui refusent la prolongation du système actuel et constituent une minorité de blocage. Ces opposants arguent du fait que l’aide alimentaire relève de la politique sociale propre à chaque Etat.
La Cour Européenne de Justice a rendu un arrêt, le 13 avril dernier, jugeant illégale la pratique d’achats sur le marché. Le PEAD doit désormais se limiter à l’écoulement des stocks agro-alimentaires en cours, ce qui le condamne de fait.
Une baisse drastique
Sans mesure transitoire, le fonds d’aide devrait passer de 480 millions d’euros à 113,5 millions d’euros en 2012. La France, qui aurait dû obtenir 72 millions d’euros, ne peut plus espérer qu’une aide de 15 millions d’euros (- 80 %).
Si cette donne est confirmée, les banques alimentaires de certains pays vont devoir gérer ce que certains qualifient déjà de « tsunami social ». La part du PEAD dans le budget alimentaire des associations françaises est inégale : Restos du coeur, (23 %), Banque alimentaire (33 %), Secours Populaire (50 %). Le programme européen est vital pour certains pays membres. Il en est ainsi pour l’Espagne (50 %), la Pologne ou la Hongrie (90 %).
La décision de la Commission européenne a suscité un tollé dans toute l’Europe, et particulièrement en France. La FNSEA et différentes associations (Croix Rouge, Secours Populaire, Restos du Coeur, Fédération française des banques alimentaires) se sont indignées de cette baisse drastique du montant de l’aide alimentaire réservée aux plus démunis.
Si le Traité de Rome (25 mars1957) a permis d’élaborer une législation alimentaire en Europe, on considère aujourd’hui que pouvoir se nourrir de façon équilibrée est un des droits fondamentaux de toute personne.
Dans une Europe de plus en plus fragilisée par la précarité, 80 millions de personnes vivent actuellement en dessous du seuil de pauvreté (France : 13 %). Le PEAD a procuré cette année une aide alimentaire à plus de 13 millions d’Européens.
Un dossier politique
Dès le 7 juillet, les eurodéputés ont adopté une résolution en faveur du maintien du PEAD (548 pour, 52 contre, 26 abstentions). Celle-ci avait été initiée par le groupe Socialistes et Démocrates.
Un Conseil des ministres européens de l’Agriculture et de la Pêche s’est réuni le 20 septembre. Les partenaires ne se sont pas mis d’accord pour maintenir le programme en l’état. Aucune autre proposition n’a été formulée. Le dossier est à ce jour bloqué. L’aide aux plus démunis est devenue une affaire politique.
Pour maintenir la pression, le Parlement européen a organisé ce mercredi 28 septembre un débat au cours duquel Estelle Grelier (PS) a lancé un appel : « Nous constatons tous sur le terrain que le blocage de ce dossier suscite un émoi, une incompréhension et une exaspération au sein de l’opinion publique, des associations caritatives et de leurs bénévoles et, bien sûr, des bénéficiaires », s’est exprimée la députée.
« Cette situation porte atteinte à la crédibilité et l’image de l’Union. Les citoyens perçoivent que l’Europe consacre beaucoup d’énergie et de moyens pour rassurer les marchés financiers, mais qu’elle se mobilise de moins en moins pour porter secours aux populations les plus durement touchées par la crise. Cela alimente un sentiment d’injustice et de défiance à l’égard des institutions européennes, potentiellement explosif au plan social et démocratique », a-t-elle averti.
Un programme social européen
Dans un contexte socio-économique inquiétant, les élus de gauche ont prôné les valeurs de l’entraide sociale : « Défendre le PEAD comme nous le faisons, c’est non seulement faire le choix de la solidarité, mais c’est aussi démontrer aux citoyens que l’Europe peut être à leur côté, dans ces temps de crise et d’angoisse pour notre avenir et celui de nos enfants. Le PEAD est non seulement vital pour les quelques 80 millions de citoyens européens menacés de pauvreté, mais il est un message essentiel pour les 500 millions d’Européens », ont souligné les députés Catherine Trautmann (PS) et Kader Arif (PS).
La balle est désormais dans le camp de la Commission européenne. Une nouvelle proposition pourrait être annoncée lundi, à l’occasion d’une réunion des ministres européens de l’Emploi et des Affaires sociales.
En sauvant le PEAD, l’UE apporterait la preuve qu’elle n’est pas seulement une machine technocratique. Il n’en demeure pas moins qu’une véritable politique sociale européenne devra être planifiée, de façon à ce que les plus pauvres ne subisse plus les humeurs des politiques.