Dans un contexte de pré-campagne électorale, Boris Ravignon s’insurge contre l’abandon programmé de la production d’énergie nucléaire.
Conseiller à l’Elysée en charge du développement durable, des transports et de l’aménagement du territoire, Boris Ravignon a décidé de réagir au lendemain de l’accord signé entre le Parti Socialiste et Europe Ecologie Les Verts. Selon lui, ce document met en péril l’entreprise publique, les différents sites et l’emploi des salariés d’EDF, auxquels il dit apporter son soutien.
« Le choix du développement de l’électricité nucléaire a été confirmé par tous les Présidents de la République depuis le Général de Gaulle. Ce choix n’est ni de gauche, ni de droite, il est au service de la Nation. L’essentiel du parc nucléaire a été construit sous les mandats de François Mitterrand », rappelle celui qui est aussi vice-président du Conseil Général des Ardennes.
Pour Boris Ravignon, la crainte d’un Fukushima hexagonal n’a pas lieu d’être. Aucun incident significatif ne s’est produit en France depuis une quarantaine d’années. La filière serait sûre grâce à l’engagement et à la qualité du travail fourni par les agents d’EDF.
Au cours de ce plaidoyer en faveur du maintien de la production d’énergie nucléaire, les arguments économiques et écologiques s’entrecroisent. « Ce choix du nucléaire a fondé notre indépendance énergétique, alors que nous ne disposons d’aucune ressource naturelle en gaz et en pétrole. Le choix du nucléaire permet à la France de disposer de l’électricité la moins chère d’Europe. C’est un avantage considérable pour les Français les plus modestes. Enfin, alors que le réchauffement climatique menace la planète, les émissions de CO2 de la production électrique française, grâce au nucléaire, sont dix fois inférieures à celles de l’Allemagne ».
Menaces sur l’emploi
Bien que la campagne électorale ne soit pas officiellement lancée, on se doute bien que l’accord PS-EELV constitue d’ores et déjà un élément de bataille entre deux philosophies de vie opposées.
Pour Boris Ravignon, le volet économique est primordial. Les 24 tranches qui seront arrêtées d’ici à 2025 n’ont pas été listées. On ignore les conséquences de ces fermetures sur l’emploi. Même si le PS s’est engagé à le maintenir par des reconversions (notamment en ce qui concerne l’arrêt de la fabrication et du retraitement de combustible), il semble à l’élu ardennais d’autant plus légitime de s’inquiéter que les écologistes sont particulièrement opposés « aux centrales du palier N4 », comme à Chooz et à Civaux (Vienne), et « qu’il serait plus facile de fermer les petites centrales que les grandes ».
Or Chooz, c’est 750 emplois sur site et 200 salariés d’entreprises prestataires. Lors des arrêts de tranches, entre 600 et 2 000 prestataires interviennent et boostent l’économie locale. La centrale a projeté une augmentation de 7 % de son personnel en trois ans. En 2010, elle a passé 2 millions d’euros de commandes avec des entreprises du département et versé plus de 70 millions d’euros en impôts locaux.
A l’échelle nationale, l’impact de l’arrêt du nucléaire au niveau de l’emploi industriel et le coût d’une réduction des capacités nucléaires serait catastrophique pour M. Ravignon : « En France, la filière électronucléaire constitue le troisième secteur industriel en termes d’emplois derrière l’automobile et l’aéronautique. C’est un domaine d’excellence de l’industrie française avec 125 000 emplois directs, 410 000 emplois induits et 450 PME spécialisées. L’Institut Montaigne le chiffre à 124 milliards d’euros d’ici à 2025. Où pourrions-nous les trouver ? Auprès des consommateurs, ou des contribuables ? »
L’application de l’accord entre le PS et EELV entraînerait selon le conseiller élyséen une augmentation du prix de l’électricité pour les particuliers et pour les entreprises. Certaines estimations chiffreraient une hausse de 30 à 50 % pour les premiers, et de 50 à 100 % pour les seconds.
EPR
L’accord entre socialistes et écologistes prévoit que la part du nucléaire dans la production d’électricité en France passera de 75 % à 50 % à l’horizon 2025. Pour le conseiller élyséen, les énergies renouvelables ne suffiront pas à pallier cette baisse de production d’énergie nucléaire. « Selon la Commission européenne, la France atteindra 23% d’énergies renouvelables dans la consommation d’électricité en 2020. Si la part du nucléaire était réduite, la différence ne pourrait provenir que de centrales thermiques nouvelles, fonctionnant au gaz de Russie, du Qatar ou d’Algérie ». L’indépendance énergétique de la France serait donc mise à mal.
Mais ce que stigmatise également Boris Ravignon, c’est que non seulement cet accord politique remet en cause une filière existante, mais qu’il raye de la carte le fleuron de l’industrie nucléaire : l’EPR. Si Flamanville ne risque guère d’être abandonné vu ce qu’il a déjà coûté au contribuable, le projet qui concerne Penly (Seine-Maritime) serait abandonné selon les termes de l’accord finalisé entre les alliés socialistes et écolos. Et l’élu de s’interroger sur l’avenir de Chooz et « l’implantation du troisième EPR dans les Ardennes, pour lequel nous nous étions tous mobilisés en 2009 ».
Considérant l’accord PS-EELV comme une menace, Boris Ravignon persiste et signe : « Je refuse qu’un quelconque marchandage électoral puisse mettre en danger le site de Chooz, les 700 emplois d’EDF dans la Pointe et le savoir-faire exceptionnel de la filière nucléaire française ». Dans un département particulièrement touché par le chômage, cet argument risque de faire mouche.