Depuis 1981, une crèche vivante anime la messe de la Nativité. La chaîne régionale est venue faire un reportage sur cette tradition locale, qui attire fidèles et curieux.
La foule était au rendez-vous pour la crèche vivante, qui anime traditionnellement la messe de la Nativité dans ce petit village frontalier du plateau de Rocroi. La présence de la chaîne de télévision régionale marquera cette 31ème édition. C’est seulement la deuxième fois, depuis sa création en 1981, que la célébration de Noël recevait la visite des caméras. Certains petits bergers se seraient bien laissé happer par l’objectif, tellement ils étaient impressionnés. Participer à la crèche, c’est déjà beau, mais pouvoir en plus se regarder à la télé, c’était carrément Byzance !
Les coulisses
Peu de gens ont une idée du travail nécessaire pour préparer cette cérémonie dont le déroulement semble si bien « huilé ». Une dizaine de bénévoles s’activent d’une année sur l’autre. Et ils ont parfois bien du mérite.
Les jours précédents ce 24 Décembre n’ont pas été de tout repos. Le balancier de la cloche était tombé durant la semaine. Il a fallu le remettre en place. A l’occasion d’obsèques, il s’est avéré que les radiateurs étaient en panne. Un électricien est venu les réparer gracieusement.
L’église n’était pas encore décorée quelques heures avant l’office, le portique extérieur n’était pas installé. Ajoutons à cela qu’une seule répétition générale avait pu être organisée, lundi dernier… : il y avait de quoi stresser.
Veillée
Faute d’argent, la célébration n’a pas été animée par une chorale. Certains ont regretté la « belle époque » lorsque Les Troubadours de l’Eau Noire (Couvin) venaient chanter l’office et proposer des chants de Noël. La tradition de l’image pieuse offerte aux membres de l’assemblée par une famille du village n’a pas été suivie pour la deuxième année consécutive. Les temps sont durs pour tout le monde.
La célébration n’a cependant pas manqué de cachet. L’harmonium était tenu par Antoine Lambert, un jeune Belge de seize ans, qui chantait en compagnie de Bernadette Evrard. Une ancienne choriste de Chante ma Vallée (Revin) était venue en renfort.
Bernadette a animé une veillée avant la messe, au cours de laquelle ont alterné lecture de textes et chants religieux. Pendant ce temps, dans la salle des fêtes, les participants à la crèche vivante enfilaient leurs costumes, aidés par leurs parents.
La Sainte Famille
Mélodie, l’ânesse de Jérusalem âgée de 14 ans, attendait patiemment sur le parking de prendre en charge Marie, vêtue de blanc et de bleu. Cette année, le rôle était tenu par Léa, une fillette du village. « Cette année, trois candidates pouvaient prétendre tenir le rôle, confie Jean-Claude Christel. Nous avons choisi Léa parce qu’elle s’est battue pour être baptisée à la Fête-Dieu, cette année. Elle a dix ans et fera sa profession de foi l’année prochaine ».
Une fois n’est pas coutume, Marie-Léa avait deux époux. Lucas, un garçon de Gué d’Hossus, ayant été malade, son rôle s’est limité à l’église. Pour conduire la Vierge sur son âne, Alexis et son frère Gauthier (d’Auvillers-les-Forges) ont pris le relais.
Mais si les parents viennent pour leurs enfants, la plupart des ouailles attendent la venue de Mélodie, animal docile et patient, qui sait monter les marches du porche de l’église.
A l’église, l’assistance est hétéroclite. De nombreux Belges sont présents. On vient de tout le plateau de Rocroi, et même au-delà. Pour certains, cette messe de la Nativité sera la seule de l’année. « Même ceux qui ne croient ni en Dieu ni au diable viennent », assure Jean-Claude Christel. De fait, si la crèche vivante est parfois taxée de « folklore » (par des aigris, sans doute), il n’en demeure pas moins qu’elle a atteint son objectif initial. « Nous avons voulu cette crèche vivante pour que les jeunes fassent un Noël chrétien. Ils sont 1 512 depuis la première édition à y avoir participé. Les anciens reviennent régulièrement ».
Genèse
Si croyants et incroyants se retrouvent chaque 24 Décembre au soir dans l’église St Luc, c’est grâce à leurs voisins d’outre-Quiévrain. En 1980, l’abbé Nicolas, curé belge ayant en charge la paroisse de Gué d’Hossus, organisait une crèche vivante au Brûly de Couvin. L’église était remplie. Côté français, on comptait à peine une quinzaine de personnes à la messe de minuit, et pas même un jeune pour porter l’Enfant-Jésus.
Ni une ni deux, les habitants du Plateau se sont dit qu’il y aurait aussi du monde dans leur église au Noël suivant. Ils ont repris l’idée de la crèche vivante, incluant un âne dans leur scénario. Ce nouvel acteur finit par faire de l’ombre à la cérémonie belge. A l’abbé Nicolas qui demandait à ses ouailles pourquoi elles n’assistaient pas à la messe dans leur paroisse du Brûly, ces derniers répondaient : « Mais on vient pour l’âne, monsieur le doyen ».
D’un caractère très asinien (le lecteur en déduira ce qu’il veut), ce premier équidé fut remplacé en 1997 par une jeune ânesse de 18 mois. Mélodie commençait là une carrière dont le succès ne s’est jamais démenti.
Il n’en demeure pas moins que la crèche vivante anime un évènement qui est avant tout religieux, comme l’a rappelé l’abbé Gantelet. Noël célèbre la naissance de l’Enfant-Jésus. Pour les chrétiens du monde entier, c’est ce qui importe.