Artiste peintre et bientôt conteuse, Amande Lambotte voue une passion à l’Ardenne des légendes et de la poésie. «Le Dormeur du val » somnolait dans l’un de ses tiroirs. Nous l’avons réveillé.
Elle aime l’Ardenne, sa lumière, ses légendes et ses poètes. Amandine Lambotte (Amande de son nom d’artiste) s’étiolait à Bruxelles, où elle a passé six longues années loin de cette nature inspiratrice sans laquelle elle avoue ne pas pouvoir créer. La jeune femme habite aujourd’hui en lisière du plateau de Rocroi, au Brûly de Couvin, où elle se consacre à Ewenn, son petit bout de trois ans, à la peinture et à sa formation de conteuse.
Jeune étudiante en arts plastiques, Amande a choisi d’illustrer l’un des plus émouvants poèmes d’Arthur Rimbaud sous forme de bande dessinée, chaque vers correspondant à une planche. «J’ai choisi le dessin pour ce travail de fin d’études parce qu’il m’a permis d’utiliser le monotype, explique la jeune Brulysienne. Il m’a aussi apporté une vision différente et neuve sur le dessin en soi et m’a conduite sur d’autres chemins que je n’avais pas l’habitude de prendre ».
Ne lui parlez pas de « ligne claire », la BD d’Amande n’a rien à voir avec Hergé et ses personnages. Monotype, sérigraphie permettent à l’artiste d’« impressionner » sa lecture de l’œuvre rimbaldienne. « Au fil de ma démarche, poursuit Amande, une seconde technique s’est imposée : l’utilisation de l’infographie ».
Absurdité(s)
Amande Lambotte aime tout particulièrement les œuvres d’Arthur Rimbaud. Elle a choisi Le Dormeur du Val, « parce qu’on dit que à partir de ce poème Rimbaud va révolutionner le style de la poésie ».
Le thème du Dormeur du val l’interpelle particulièrement. « L’absurdité de la guerre dénoncée à l’époque est toujours d’actualité, remarque-t-elle. J’ai relevé dans le poème la dénonciation qu’en a fait Rimbaud. Il place un jeune homme mort dans un décor idyllique plein de vie, lumineux et coloré. Il veut insister sur le fait que ce jeune homme devrait être réellement en train de dormir, mais c’est un sommeil qui devient inquiétant. Dans son texte, il illustre le sens du tragique, de l’existence et de la mort ».
L’étudiante n’avait pas voulu se contenter d’illustrer un poème du 19ème siècle. Elle l’a transposé à notre époque, mettant en scène la nouvelle absurdité du monde. « Mes tirages dénoncent la pauvreté dans le monde, explique l’artiste, et principalement le problème de la faim, en opposition avec la surconsommation alimentaire. Dans mes illustrations, il y a bien évidemment une évocation de la vie et de la mort, l’enfant mendiant doit se nourrir, c’est un besoin essentiel pour assurer sa survie ».
Le texte de Rimbaud et le dessin d’Amande se complètent, selon les propos mêmes de l’artiste. Ils prouvent l’un et l’autre l’absurdité d’un monde violent envers l’Homme.
Monotype
Pour réaliser son œuvre, Amande Lambotte a utilisé le monotype au pastel à l’huile. « J’ai choisi cette technique tout d’abord par plaisir personnel, avoue la jeune peintre. C’est une technique versatile qui lie à la fois la précision du geste du dessin et la surprise de l’accident. Aussi, je trouvais intéressant de m’essayer au dessin de création via cette technique ».
Dans Le Dormeur du val, l’évocation de la couleur est omniprésente. pour Amande, le choix de la non-couleur (noir) n’aurait pas été pertinent, et celui des couleurs évoquées par Rimbaud (vert, bleu, rouge…) aurait été trop anecdotique.
« J’ai choisi la couleur brune, précise-t-elle, qui est la couleur de la terre, donc de la vie et de la nature. Rimbaud y fait référence constamment ». La terre illustre le cycle de la vie, de la naissance à la mort. « Le lien avec mes dessins est que c’est par la terre que l’on peut de nourrir », poursuit la bédéiste.
Le Dormeur du val – version Amande Lambotte – est un récit rythmé, qui pourrait même devenir un film d’animation. L’histoire racontée au fil des planches est aussi cruelle et dérangeante que celle écrite en vers par l’homme aux semelles de vent.