L’Arel rendra hommage le 15 janvier prochain à son ami Claude Mleczak en publiant l’intégrale de ses œuvres musicales. @rdenne-mag a voulu réaliser un portrait de l’artiste décédé en février 2011 avec l’aide d’un de ses proches, André Royaux, président de l’Arel, dont le chanteur-syndicaliste était l’un des cofondateurs.
@rdenne-mag : Quand Claude Mleczak a-t-il a commencé à écrire des chansons ?
André Royaux : Je n’en sais rien. Je crois qu’il a toujours dessiné. C’est certain. Il a non seulement le don de l’écriture, mais aussi celui de la caricature et du dessin (André Royaux utilise encore souvent le présent pour parler de son ami : ndlr). Je me souviens que la première fois que je l’ai entendu chanter, c’était à la fin des années 70, peu après la création de l’Arel. On était une trentaine de personnes, chez moi. Il a pris sa guitare et chanté « Le clown ».
@-m : Ne lui a-t-on pas proposé une carrière professionnelle ?
AR : Oui. Je croyais qu’il aurait accepté. Au début, je pensais qu’il était susceptible d’aller très vite et très loin. Je dois dire que je n’étais pas le seul à penser ça. Jean-François Marguerin l’avait envisagé aussi. C’était un chargé de mission, venu dans les années 80 pour voir un peu ce qu’on faisait au plan culturel. Il nous a beaucoup aidés. Et là, ça ne s’est pas réalisé, ce passage au professionnel.
@-m : Pour quelles raisons, selon vous ?
AR : Parce qu’il n’avait pas envie, je crois. Claude était quelqu’un qui était très entier et se moquait de l’argent. Ce ne l’intéressait pas du tout. Ce qui l’intéressait, c’était d’écrire ses chansons et de les chanter à ses copains. Voilà.
@-m : Pourtant, il aurait pu avoir une audience plus large et mieux défendre les idées qu’il reprenait dans ses chansons. Quel est votre avis ?
AR : C’est ce que je pensais aussi, mais ça ne s’est jamais réalisé. Chaque fois qu’on a essayé de le pousser un peu, ça n’a pas marché.
@-m : Peut-on dire qu’il a préféré rester fidèle à ses racines familiales plutôt que tenter de vivre de ses talents artistiques ?
AR : C’était son choix de vie. Il était, je crois, du monde ouvrier et il tenait à rester du monde ouvrier.
@-m : On dit de Claude Mleczak qu’il était timide. Est-ce vrai ?
AR : Oui, je pense qu’il était extrêmement sensible et extrêmement « trac…eur », en dépit de ce qu’il pouvait montrer. Quand on voit ces photos-là (extraites du livre à paraître : ndlr), on n’imagine pas que c’était quelqu’un qui appréhendait beaucoup de monter sur scène, mais avant ses concerts, il avait toujours une période très difficile à vivre. Aussi, je crois que lorsqu’on lui proposait des choses d’un très haut niveau, il était – je crois – un peu déstabilisé.
@-m : Même à l’Arel ?
AR : Oui, bien sûr. Claude se préparait beaucoup sans rien montrer. Il fallait être parmi ses intimes pour savoir qu’il avait le trac. On avait l’impression qu’il prenait la guitare et qu’il improvisait. Ce n’était pas du tout son genre. Il travaillait beaucoup. Il dormait très peu, d’ailleurs.
@-m : Claude avait-il des projets artistiques en cours ?
AR : Claude n’arrêtait pas de travailler. A tout moment, il crayonnait, dessinait. Je pense que s’il avait une idée, il la mettait tout de suite noir sur blanc. Il avait aussi réalisé des bandes dessinées, dont quelques-unes ont été publiées en autoédition. Il passait énormément de temps sur ses BD. Nous en avons d’ailleurs repris quelques éléments dans le livre qui va sortir et dans lequel nous avons inclus aussi des dessins et des caricatures.
@-m : Quel message laisse-t-il en tant qu’homme, syndicaliste ?
AR : C’est quelqu’un de très authentique, qui a fait ce qu’il avait envie de faire. Sans concession et avec toujours cette même ligne directrice : « Il faut qu’on se prenne en charge ». C’était ça, sa raison de vivre. Il a beaucoup cru à l’autogestion, mais là aussi, il a été un peu « échaudé ». Il y a eu d’ailleurs dans les débuts de son syndicat, la CFDT, une période autogestionnaire. Mais Claude a fait son deuil de l’autogestion. On en discutait encore un peu avant qu’il disparaisse. Sa grande déception, c’était qu’on ne se prenne pas en charge. Enfin, on en parle facilement quand on n’est pas directement concernés… Claude avait été déçu aussi par l’évolution des politiques de gauche.
@-m : Etait-il d’abord artiste ou syndicaliste ?
AR : Claude était d’abord un militant syndicaliste. C’était, disons, sa raison de vivre : militer et essayer de changer les choses. Je crois que s’il est décédé le jour où Porcher battait tellement de l’aile (l’annonce de la fermeture du site d’Ideal Standard-Porcher a été faite le 12 janvier 2011 : ndlr), ce n’est pas étonnant. Du moins, c’est ce que je pense. Il s’est battu, battu, battu… Il était déçu de voir comment les choses évoluaient négativement.
Lire aussi :
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merci