La création du Parc Naturel Régional des Ardennes devrait permettre à la population de se réapproprier ce qui fait la valeur de son territoire. Isabelle Zarlanga, directrice du PNRA, retrace pour @rdenne-mag les étapes du projet sans oublier de tordre le cou à certaines idées fausses.
L’idée d’un Parc Naturel Régional est issue de rencontres menées dans le milieu des années 90 par les différents acteurs économiques du département. Elle a été formalisée dans le cadre d’une réflexion intitulée « Ardennes 2005 ». Cette étude prospective avait été réalisée en 1995 (et publiée l’année suivante), à l’initiative du Bureau Départemental d’Industrialisation des Ardennes (BDIA).
« A l’époque, commente Isabelle Zarlanga, c’est Michel Sobanska, conseiller général, conseiller régional et maire de Rocroi, qui a proposé comme thème de développement la mise en place d’un PNR en tant qu’outil de valorisation des patrimoines de ce territoire ».
Une reconnaissance
Pour bon nombre d’Ardennais, le PNR des Ardennes est encore une abstraction. Que peut-il apporter à un département qui souffre au plan économique et en terme d’image.
« Déjà, c’est un label de reconnaissance du territoire, de la qualité de ce territoire, de ses différents patrimoines et savoir-faire, expose Isabelle Zarlanga. Un Parc Naturel Régional fait référence à la nature, à l’environnement, mais aussi à tout ce qui fait la force et les caractéristiques du territoire en termes de bâti, de savoir-faire artisanaux, industriels, agricoles. Cette labellisation est une reconnaissance au niveau national, puisque nous sommes le 47ème parc national, et le 3ème dans la région Champagne-Ardenne ».
Pour la directrice du tout nouveau PNR ardennais, cette reconnaissance va aussi à l’économie du territoire. La labellisation devrait avoir d’importantes répercussions en ce qui concerne le développement du tourisme. La charte traduit l’ambition locale et l’engagement des élus qui l’ont signée. des élus qui sont à la fois les interlocuteurs du syndicat mixte de gestion et les acteurs du PNR par les actions qu’ils vont solliciter.
Syndicat mixte
Au 1er janvier 2011, l’association de préfiguration du PNR des Ardennes est devenue un syndicat mixte. Les collectivités locales en sont les partenaires privilégiées. Elles ont seules le droit de vote au sein du comité syndical. Quant aux structures associatives qui ont participé au projet, celles-ci ont trouvé un autre moyen d’officialiser leur engagement.
Une association des Amis du Parc s’est créée en septembre 2011. Composée pour 1/3 d’habitants (on peut y adhérer à titre individuel), elle accueille principalement des associations et des partenaires qui ont soutenu le projet. Le comité syndical lui accorde un statut de membre consultatif.
Parmi ces organismes qui ont beaucoup œuvré au succès actuel, on peut citer Voies Navigables de France, l’Etablissement Public d’Aménagement de la Meuse et de ses Affluents (EPAMA), l’Office National des Forêts.
Aujourd’hui, 91 communes sont regroupées au sein du syndicat mixte. Les autres collectivités qui en font partie sont la Région, le Département, les 4 communautés de communes du territoire et la communauté d’agglo Cœur d’Ardenne, Charleville-Mézières étant ville-porte.
Se réapproprier un territoire
Vivre et travailler sur le territoire d’un parc naturel régional va-t-il changer quelque chose pour le citoyen lambda ? « Si je fais de la provoc’, plaisante Mme Zarlanga, je dirai comme mon président (Jean-Marie Meunier, conseiller régional délégué au développement économique : ndlr) : Rien ! »
La « vallée verte » évoquée jadis par le Général de Gaulle a longtemps entretenu un malentendu, voire une certaine forme d’hostilité vis-à-vis du projet de PNRA, qui était appréhendé au mieux comme une fantaisie d’écolo, au pire comme un tueur d’emploi. « Il faudra encore beaucoup de pédagogie, expliquer, concède la directrice du parc. Mais nous avons mené un certain nombre d’actions qui montrent que le PNRA n’est pas du tout une mise sous cloche d’un territoire. Le parc ne sera pas le fossoyeur de l’emploi industriel ».
.Isabelle Zarlanga cite l’exemple du Parc Naturel Régional de l’Avesnois (Nord), où des industries utilisent le logo du parc sur leurs produits, « puisque c’est un gage d’authenticité, de qualité et de territoire ».
Mais elle attend aussi du label tant convoité « une réappropriation des Ardennes, une valorisation par les Ardennais de tout ce qui fait qu’on est labellisés PNR aujourd’hui. Il faut être fier, conclut-elle avec conviction ».
Des atouts diversifiés
On peut légitimement se demander pourquoi le parc a été labellisé, alors que les Ardennes sont généralement présentées de façon négative, ne serait-ce que par la presse nationale. Pour la directrice du PNRA, les Ardennais eux-mêmes parlent mal de leur département.
«Nous ne sommes pas vendeurs de notre territoire, fait-elle remarquer, parce que nous méconnaissons nos propres richesses, c’est évident. Ce qui a fait aujourd’hui le parc, c’est d’abord un territoire de qualité, qui a des ressources et des patrimoines reconnus au niveau régional, et même au niveau national ».
En termes de flore, le territoire possède des espèces qui n’existent, par exemple, que sur le Plateau de Rocroi. On trouve les dernières stations de certaines espèces sur le territoire du parc. La faune est également très intéressante (gélinotte des bois, cigogne noire, chouette de Tengmalm, etc. ).
La richesse et la diversité des espèces se déclinent pareillement au niveau du patrimoine bâti, des savoir-faire industriels et artisanaux. Isabelle Zarlanga aime parler de savoir-faire, un terme valorisant, alors que le mot « patrimoine », aurait une connotation passéiste, ce qu’elle regrette au demeurant.
«C’est d’abord cette richesse de patrimoines qui a fait qu’on a pu passer à la deuxième étape, c’est-à-dire à l’étape de formalisation, au travers d’une charte, des perspectives de développement du territoire, assure-t-elle. Il a fallu accorder l’ensemble des élus et des partenaires sur ce qu’on voulait valoriser dans les douze prochaines années. Nous allons prioriser nos actions dans les domaines de l’énergie, du patrimoine naturel, des entreprises… »
Libres de « boulonner »
«Le Parc Naturel Régional des Ardennes n’est pas une vallée verte, il ne touche pas à la propriété, martèle une fois encore sa directrice. On continuera à pouvoir chasser, à « boulonner », à travailler sur ce territoire. Pour les entreprises, des normes sont développées par les entreprises, parce qu’elles représentent un gage de qualité ». C’est le cas de la norme ISO 14 000, qui traite du management environnemental.
« Le Parc est basé sur la liberté d’entreprendre, rappelle Mme Zarlanga. Les entreprises pourront continuer à venir s’implanter dans les Ardennes. Le PNR de l’Avesnois et un exemple en ce sens ». L’expérience du voisin ch’ti sera d’ailleurs mise à profit par son petit frère ardennais, puisque le PNRA « pourrait avoir des actions de partenariat avec celui-ci, de même qu’avec les deux autres parcs de la région » .