L’effondrement du marché de la machine à laver à chargement par le dessus met en péril le site revinois du groupe Electrolux et ses 430 emplois directs. Un groupe de travail va être mis en place pour trouver des solutions visant à diversifier la production du site.
Depuis plusieurs années maintenant, une épée de Damoclès plane au-dessus d’Ardam et fait craindre sa fermeture. La délocalisation d’une partie de la production du groupe Electrolux en Pologne, la mévente du seul produit fabriqué dans les Ardennes, ont des conséquences sur l’emploi.
En 2009, un accord d’entreprise – qui courait jusqu’en 2010, a permis de faire partir les plus anciens salariés en pré-retraite « maison », sans intervention de l’Etat. Le groupe Electrolux a tout assumé à sa charge. Pour rappel (lire par ailleurs), cette année-là, les salariés d’Ardam avaient subi 41 jours de chômage, auxquels s’étaient ajoutés 21 jours de RTT qui, sans les 35 heures, se seraient transformés en journées de chômage partiel supplémentaires.
Si cette mesure a empêché des licenciements secs, elle a supprimé 71 postes de travail avec un impact direct sur la production et la rentabilité du site. L’unique produit fabriqué à Revin ne permet plus de lui garantir un avenir à long terme.
« Tous les ans, explique Lysian Fagis, délégué syndical CFDT, le marché rétrécit. Nos commandes diminuent, et par voie de conséquence, la fabrication. Nous perdons annuellement entre 20 000 et 30 000 appareils, soit 7% de la production ».
Les syndicats ne sentent pas le marché repartir dans le bon sens. « Nous sommes dans un entonnoir. On avance jusqu’au moment où l’on arrivera au bout. Le marché nous paraît en perdition », constate amèrement M. Fagis.
« En 2011, poursuit-il, on avait budgété 388 000 machines. Un chiffre équivalent est prévu pour 2012. Tous les ans, on budgète à peu près la même chose, mais on sait bien qu’on en perd. Je serais agréablement surpris qu’on puisse terminer l’année à 380 000 machines ».
Un autre produit
Au 1er janvier 2011, Keith McLoughlin a pris la succession de Hans Straaberg à la tête du groupe Electrolux. Il a réaffirmé la stratégie low-cost du groupe, à savoir fabriquer dans les pays à bas coût pour développer ses ventes dans les pays émergents.
Pour les Ardennais, la conséquence est la suivante : le site de Revin n’entre plus du tout dans la stratégie du groupe. Lysian Fagis s’interroge : « Combien de temps vont-ils penser nous garder avec un produit et un marché en train de finir ? J’ai toujours dit que ça ne durerait plus longtemps ».
Refusant d’attendre qu’on leur annonce la fermeture de leur usine, les syndicats ont réclamé un nouveau produit, une nouvelle gamme, voire quelque chose de complètement différent. « On n’est pas mariés avec une machine à laver », aime à répéter le délégué CFDT. Donc, si demain, on doit faire des mobylettes, un tracteur, n’importe quoi, on le fera. Ca ne pose pas de problème ». L’exemple de Fagor-Brandt, à Lyon, est là pour le conforter dans ses convictions.
La reconversion FagorBrandt
Le groupe FagorBrandt, actuel numéro 2 français, fabriquait à Lyon des machines à laver avec chargement par le dessus (pour 5 marques). Dès 2006, la production a commencé à être délocalisée en Pologne. En avril 2011, l’usine lyonnaise a été cédée à la Société d’Innovation et de Technologie Lyonnaise, propriété d’un industriel isérois.
La production de lave-linge devrait être maintenue pour trois ou quatre ans au moins. Une production de petites voitures électriques a démarré dès le premier semestre 2011. SITL prévoit aussi de produire des filtres d’épuration d’eau et des produits pour l’industrie photovoltaïque.
« Le site lyonnais de Fagor-Brandt a réussi sa reconversion, observe Lysian Fagis. Ils produisaient des machines à laver et fabriquent aujourd’hui une petite voiture. C’est un changement radical de production. Apparemment, ça se passe plutôt bien.
«Je ne vois pas pourquoi un concurrent réussirait sa reconversion et pas nous. C’est une question de volonté. Ce qui est important, c’est pouvoir sauver nos emplois sur Revin, notre usine, quel que soit le produit, même si on fabrique depuis 50 ans des machines à laver, on est capables de faire autre chose ».
Au passage, notons que la montée en gamme et l’innovation dans le domaine de production initial peut se révéler une stratégie payante. C’est le pari du nouveau P-DG de FagorBrandt, Sergio Treviño, qui a choisi l’offensive pour regagner des parts de marché.
Le groupe commercialise ou s’apprête à commercialiser des produits à forte valeur ajoutée dans le gros électroménager, (encastrable, table piano à induction, réfrigérateur avec volumétrie intérieure optimisée, lave-linge à pompe à chaleur, etc). Alors, pourquoi l’innovation ne paierait-elle pas à Revin ? On peut toutefois regretter qu’Ardam ait perdu son bureau d’études.
Un groupe de travail
Concernant la recherche d’une solution pour pérenniser l’usine revinoise, Lysian Fagis semble plutôt satisfait. « Il semble qu’on ait été entendus par le groupe Electrolux, qui est d’accord pour mettre à notre disposition tous les moyens utiles en hommes, en temps et en argent afin de rechercher toutes les solutions envisageables pour la sauvegarde du site de Revin », constate-t-il.
L’engagement d’Electrolux a été acté en 2011, au cours d’une réunion avec la direction locale. Le groupe suédois va mettre ses forces dans la recherche de solutions internes – et externes – qui permettraient de redynamiser le site.
« Mardi (24 janvier : ndlr), lors du prochain comité d’entreprise, nous allons finaliser la composition du groupe, déterminer qui en sera le responsable, annonce M. Fagis. Cette personne aura carte blanche pour superviser, conduire la recherche de solutions ».
En premier lieu, identifier les besoins à l’intérieur du groupe Electrolux et déterminer si Revin peut récupérer une production délocalisée. Le groupe de travail étudiera la faisabilité du projet.
« On va quand même étudier la possibilité de rapatrier les appareils partis sur la Pologne, fait savoir M. Fagis. Je n’y crois pas trop parce que la stratégie du groupe est de fabriquer au maximum dans les pays émergents. J’ai du mal personnellement à croire que ce sera possible. J’espère me tromper. C’est pour cela aussi qu’il est important d’être ouvert à toutes propositions ».
Un éventuel rachat
Lysian Fagis n’a pas peur de briser les tabous et n’hésite pas à exprimer crûment une hypothèse jusque là inexploitée : le rachat éventuel d’Ardam par un autre groupe.
« De la même manière qu’on n’est pas mariés avec une machine à laver, on ne l’est pas avec le groupe Electrolux, lance le syndicaliste avec un brin de provocation. Depuis 1976, on a fait un bout de chemin avec Electrolux. Je rappelle qu’avant, c’était Arthur Martin. Ca fait quand même une usine qui existe sur Revin depuis 150 ans.
«Si notre survie passe par une revente, nous devrons aussi étudier cette solution-là. Il ne faudra pas avoir peur de l’étudier, tout en étant bien vigilant en ce qui concerne l’aspect social de la reprise. On ne laissera pas faire n’importe quoi, que ce soit sur les produits ou socialement ».
Appel aux pouvoirs publics
Devant l’ampleur – et l’urgence – de la tâche qui se prépare, tous les soutiens seront les bienvenus. «Je profite de l’occasion pour lancer un appel aux pouvoirs publics en espérant qu’ils nous accueilleront, ce qu’il sont toujours fait jusqu’à présent, reconnaît M. Fagis. Je voudrais que le Préfet nous ouvre sa porte dès notre première demande, que ça ne traîne pas, parce que c’est une affaire qui risque d’aller plus vite que ce qu’on pense. C’est ce que je souhaite.
« Le groupe de travail ne doit pas être fermé, estime-t-il. Des représentants syndicaux participeront à un comité de surveillance. Je ne pense pas qu’on veuille nous tromper. C’est beaucoup trop grave pour la marque Electrolux et pour nous. Je rappelle que 430 familles jouent leur tête, plus les fournisseurs. En réalité, ça fait beaucoup plus.
« Je ne veux surtout pas qu’on en arrive au point de nos voisins (Ideal Standard et Oxame : ndlr), qu’on nous mette au pied du mur et qu’on nous dise : « C’est fermé, il n’y a plus rien à faire ». C’est pour ça qu’il faut qu’on réussisse cette recherche ».
L’ opération devrait être achevée d’ici septembre 2012. « A ce moment-là, estime le syndicaliste, on y verra nettement plus clair. L’intersyndicale rencontre régulièrement la direction sur cette affaire. Il faut que tout aille vite. Nous n’hésiterons pas à nous faire assister par des experts pour étudier les solutions. Le groupe nous en donne les moyens, on va les utiliser ».
A l’horizon de septembre
La crise pourrait-elle diluer les chances de trouver une solution pour Ardam ? Lysian Fagis ne semble pas le croire. La mondialisation, la complexité de la crise dont les effets touchent de nombreux secteurs de l’économie ne l’empêchent pas de penser que « lorsqu’on rame dans le même sens, autant les syndicats, que la direction et le groupe, on arrive à mettre des choses en place.
« Il n’est pas question d’être les uns contre les autres, mais les uns avec les autres. Dans ces circonstances, le mot « partenaire » doit être appliqué. Il ne doit pas y avoir de non-dits, de choses cachées. Tout doit être ouvert; Tout le monde doit avancer dans le même sens, avec le même objectif ».
En septembre, les salariés sauront si une solution interne ou externe au groupe Electrolux a pu être trouvée pour sauver leur site. En cas d’échec, le représentant CFDT n’ose même pas imaginer ce qui arriverait. En fait, il ne le sait que trop bien : « Le groupe nous abandonnera et fermera le site ».
Mais en syndicaliste rompu à la lutte, il n’est pas question pour lui de disparaître. Pour une fois, les intérêts de la direction et des salariés sont convergents. Les uns et les autres entendent bien mettre toutes leurs forces dans le sauvetage de leur usine.
Le site revinois dispose d’un atout supplémentaire avec la proximité du terrain occupé par Ideal Standard, qui pourrait permettre l’éventuel agrandissement d’Ardam.
« Pendant des années, se rappelle M. Fagis, on nous a reprochés d’être enclavés entre la Meuse, le chemin de fer et Porcher. Aujourd’hui, je dirai : « Malheureusement pour nos amis Porcher et Oxame, ça nous donne effectivement un sacré espace pour une ouverture éventuelle ». Je ne vois pas la ville, les pouvoirs publics, les propriétaires nous refuser de nous agrandir par l’acquisition du terrain. Ce serait n’importe quoi ».
1) Il est difficile de créer ou de faire venir une nouvelle activité industrielle… la concurrence est forte ! Quels sont les réels et spécifiques atouts de Revin pour y parvenir ? Il faut mieux, à mon avis, penser d’abord à la conservation et au renforcement des activités existantes.
Certes la part des machines à laver à chargement par le dessus diminue par rapport aux frontales.. .mais il s’en vend encore plus d’un million par an en France et vous serez bientot les seuls à en fabriquer dans notre pays .
2) Je pense que vous pouvez maintenir (et même développer) une production de machines à laver à Revin si vous redevenez compétitif au niveau des couts de production.
Comme tous les acteurs de l’industrie en France, pensez et plébiscitez la TVA sociale ou toute mesure similaire réduisant nos couts et pénalisant les produits importés.
Ceci, ajouté aux écarts de couts de transport et associés à vos efforts de rigueur, d’engagement et d’amélioration continue de productivité, devraient suffire à persuader le Groupe de conserver sa production à Revin
3) Le point plus négatif de la situation est la perte de votre service d’études car l’innovation est la 2ème clé pour survivre et se développer.
Essayer de négocier, en haut lieu, avec le Groupe, pour que les études concernant la top aient toute leur part (… même si celles-ci sont éffectuées en Italie…).
Courage, battez vous pour rester compétitifs, et,sans rêver, gardez l’espoir.