La première création de la résidence de la Cie ici et Maintenant Théâtre a dépoussiéré le mythe d’Hernani, révélant une oeuvre aux tonalités flamboyantes. Les spectateurs de l’Espace Jean Vilar ont été conquis par une scénographie originale et par la performance des acteurs.
Depuis juillet 2011, la Cie Ici et Maintenant Théâtre a pris ses aises sous les cintres. Après avoir présenté en octobre le Moche et la Mastication des Morts, Christine Berg, metteur en scène de la compagnie, s’est confrontée au chef-d’oeuvre de Victor Hugo. Dans l’une de ses premières réflexions, cette comédienne de formation avouait : « Comment ne pas être fasciné par la puissance poétique d’une telle œuvre ? Et pourquoi s’interdire d’y plonger, de tenter le grand voyage dans cette cathédrale ? » C’est chose faite aujourd’hui, puisque la première de cette création s’est déroulée vendredi dernier.
Au côté de Christine Berg, Fabrice Stella, directeur de l’Espace Jean Vilar, a profité de l’occasion pour saluer « une nouvelle aventure qui commence pour nous et son équipe », saluant la disponibilité, l’ouverture, la générosité et le talent des comédiens. « C’est merveilleux de travailler avec eux », a-t-il ajouté avant de remercier les différents bailleurs de fonds de la résidence, à savoir la Région, la Direction Régionale des Affaires Culturelles et le Conseil Général.
Entre ombre et lumière
Hernani est une coproduction de la Cie Ici et Maintenant Théâtre et de l’Espace Jean Vilar. Cette œuvre monumentale a souffert en son temps du scandale, rejetant dans l’ombre la polyphonie de son écriture, le tragique ou le burlesque des situations, l’ambivalence des personnages et des discours.
Doňa Sol, aimée à la fois par un renégat, un roi et un vieil oncle… Molière en aurait fait une farce, Hugo a démultiplié les genres. L’intrigue fait tour à tour rire, pleurer, songer. Le prisme du kaléïsdoscope enrichit la perception de l’oeuvre.
Il ne faut pas oublier que Hernani est aussi une pièce politique. Les personnages évoluent au sein d’une société moribonde. Un monde nouveau est en train d’émerger, symbolisé par l’élection de Don Carlos au trône du Saint Empire romain germanique. Charles Quint naît sous les yeux des spectateurs. Le roi égoïste, qui veut assouvir ses passions à n’importe quel prix, entre dans la lumière en devenant Charles Quint.
« La pièce est d’une force de composition exceptionnelle, fait remarquer Christine Berg. Elle utilise tous les ressorts du théâtre romantique et dans sa diversité baroque, elle se permet tout : les coups de théâtre se succèdent, les personnages se métamorphosent, les images poétiques créent un univers d’une rare puissance ».
Clair-obscur
Personnages à part entière, le décor, les lumières et l’ambiance musicale confèrent à la pièce une résonance particulière. Le décor en laiton joue un rôle de miroir dans lequel se reflètent les corps et les âmes des héros. Les lumières sont réglées pour symboliser le jour et la nuit, mais surtout les va-et-vient des âmes entre noirceur et beauté, douleur et joie, égoïsme et générosité.
La pièce est accompagnée au piano par Gabriel Philippot. Un habillage musical semble-t-il apprécié du metteur en scène, puisque déjà pour le Moche, la pièce était « illustrée » au piano et au saxophone.
La participation d’un piano à une action qui se déroule en 1519, dans l’Espagne du futur Charles Quint, a quelque chose de décalé, rappelant les films muets du débit du 20ème siècle. C’est rafraîchissant, léger. Les phrases musicales semblent ponctuer les scènes.
On ne saurait commenter le spectacle sans saluer l’interprétation époustouflante des comédiens durant ces 2 h10 de spectacle sans entracte. Le public en a pris la mesure, applaudissant à tout rompre. Habités par leur jeu, ayant pris possession de l’espace scénique, ils ont apporté la preuve que Victor Hugo pouvait encore passionner. De quoi réconcilier les lycéens avec le théâtre romantique. La veille, une représentation avait d’ailleurs eu lieu pour les scolaires.
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HERNANI, de Victor Hugo (1830).
Mise en scène : Christine Berg – Distribution : Loïc Brabant, Vanessa Fonte, Jean-Michel Guérin, Marine Molard, Antoine Philippot, Pierre-Benoist Varoclier – Accompagnement au piano : Gabriel Philippot – Scénographie et costumes : Pierre-André Weitz – Lumières : Elie Romero – Régie plateau : Marina Molard – Musique : Gabriel Philippot – Assistant metteur en scène : Léo Cohen-Paperman – Directeur de la production : Vincent Marcoup – Administration : Anne Delépine.
Prochaines représentations de la pièce :
– du 27/01/2012 au 04/02/2012, à la Comédie de Reims (Marne)
– le 21/02/2012, à l’Espace Gérard Philippe de Saint-André-les-vergers (Aube).