L’ensemble vocal champenois a réchauffé vendredi soir un public frigorifié (-9°C à l’extérieur) avec un programme variés de chansons de la Renaissance.
Akadêmia, ce beau nom n’est pas sans évoquer le jardin dans lequel enseignait Platon enseignait, le philosophe redécouvert par les humanistes du 16ème siècle. De la pensée antique à la Renaissance des arts, il n’y avait qu’une octave, aisément maîtrisée par les cinq chanteurs qui, sous la direction de Françoise Lasserre, ont transporté l’espace Jean Vilar en une époque où la musique populaire a pris son essor.
Soutenu par la Région Champagne-Ardenne et l’Orcca, l’ensemble champenois a présenté des œuvres extraites des chansonniers (recueils de chansons) de la Renaissance. Grâce à ces précieux ouvrages, les amateurs peuvent aujourd’hui apprécier cette musique vocale, qui est un peu l’ancêtre de la chanson française chère à Brel ou Piaf.
Au Moyen Age, musiques et paroles étaient « confisquées » par l’Eglise, à travers le chant grégorien, mais aussi par les troubadours et les trouvères, qui véhiculaient de palais en château des airs réservés à une élite.
Le mouvement humaniste a en quelque sorte démocratisé le chant. Et si Françoise Lasserre a su démontrer que Ronsard pouvait être habillé avec talent de phrases musicales, le programme de la soirée – fort riche en troussages et coquineries – relègue Gainsbourg au rang de pâle fripon.
Chansons jubilatoires, poétiques et cochonnes se sont succédé, mises en scène autour d’une table de cabaret, comme cela se produisait voici plusieurs siècles. Mais pour tenir la justesse du ton, les artistes n’ont toutefois goûté au jus de la treille qu’à la fin de leur tour de chant.
Des origines diverses
Après l’inévitable rappel, le public a pu échanger avec les chanteurs. Sur la musique, mais aussi sur leur parcours. Françoise Lasserre a expliqué notamment que la pratique chant commençait un peu tard. « Nous avons souvent des chanteurs qui ont fait autre chose avant, par exemple, pratiqué un instrument ».
La chef de chœur a insisté sur les exigences du « chanter ensemble », avec justesse. « Deux minutes avant d’entrer en scène, nous faisons des accords. Une voix par personne, c’est très difficile, explique-t-elle avant de préciser : Nous répétons entre trois et cinq jours pour un spectacle comme celui que nous venons de donner ce soir ».
Avoir l’oreille musicale est une évidence pour pratiquer le chant, mais ce n’est pas suffisant. La technique vocale est un long apprentissage, pas forcément enseigné dans les conservatoires. « Apprendre à chanter en quatuor, étonne Françoise, ça ne se fait pas en conservatoire ! »
Si certains membres d’Akamêdia ont commencé le chant en intégrant un choeur d’enfants, certains ont suivi un parcours plus orginal : « J’ai poussé la porte d’une chorale à 24 ans, parce que je m’ennuyais dans mon travail (consultant en systèmes d’information, ndlr) », explique l’un d’eux. Sans regrets. «Vivre de sa passion est une grande chance, ajoute-t-il tout en concluant avec un brin de provocation : Je préfère chanter des chansons cochonnes et gagner moins ».
Chez les femmes, certains destins sont tout aussi curieux, comme celui de cette ex-enseignante. « J’ai toujours eu envie de chanter, mais j’étais trop sérieuse, annonce sans rire celle qui a bluffé la salle en interprétant un air particulièrement difficile. J’ai suivi des études de lettres assez poussées et j’ai pris mon premier cours de chant à 23 ans, alors que je préparais l’agrégation de lettres modernes ».
Les chanteurs ont également expliqué en quoi consistait le statut d’intermittent du spectacle.« Dans la musique, il y a encore du travail, a tempéré Françoise Lasserre. Peut-être plus pour très longtemps ». On l’espère pour le bonheur des amateurs de belle musique.