La saison 2012 de l’Office de Tourisme a démarré samedi avec une randonnée sur le Malgré Tout. Et pour que notre article ait le goût du vécu, nous avons emboîté le pas aux marcheurs. Une aventure que n’aurait pas reniée George Sand.
L’an dernier, la neige avait attiré une trentaine de personnes pour les deux premières sorties organisées par l’office. Le vent glacial a sans doute démotivé les volontaires, puisque seule une dizaine de randonneurs se sont donné rendez-vous devant le relais VTT pour un circuit de 12 kilomètres, alors que le thermomètre indiquait – 5° et qu’un vent glacial fouettait les visages.
Habitués ou nouveaux, ils sont venus de Paris, Arreux, L’Echelle, Warnécourt et Revin (tout de même !) mettre leurs pas dans ceux de Michel Grosfils, leur guide bénévole.
Après avoir pris un café et sacrifié au rite de la photo de groupe, la petite bande prend le départ en début d’après-midi, longeant les quais. Par ce froid vif, les oiseaux se sont rassemblés en nombre, témoignant de l’enrichissement du patrimoine faunistique local.
Depuis l’autre rive, un héron cendré toise un couple de cygnes qui barbote dans l’eau glacée. Quelques dizaines de mètres plus loin, les oies bernaches cherchent leur pitance dans la vase, tandis qu’une nuée de cormorans s’ébat bruyamment au-dessus du pont de Fumay.
Après avoir dépassé la FHYM, centrale qui fabrique de l’électricité grâce à l’eau amenée d’un canal, Michel Grosfils nous emmène au pied de l’écluse de Revin, « qui a le plus haut dénivelé des Ardennes : 4 mètres ».
Nous longeons la Meuse sur quelques centaines de mètres et saluons au passage le TER qui avance… moins vite que nous (enfin presque !). Une dernière maison, et nous quittons la ville. Cet ancien moulin à grains était alimenté par un ruisseau.
Le chemin des chasseurs
Les choses sérieuses commencent. Nous entamons la montée du Malgré Tout en empruntant le chemin des chasseurs. La forêt est silencieuse, gelée. Nous ne verrons ni cerfs ni sangliers, mais des traces dans la neige et des passages de gibier. Une première halte permet au groupe d’admirer l’ébauche érodée d’un sanglier gravé dans le schiste.
L’oeuvre aurait été réalisée par un ancien bûcheron avant la Seconde Guerre mondiale. Quelques mètres plus haut, un autre « cochon » lève fièrement le groin dans sa bauge rocheuse. Il a été sculpté en 1965 par Roger Simonney, un Revinois. « C’était un monsieur qui aimait faire des randonnées. Il était très adroit de ses mains et il a voulu refaire le sanglier », nous confie plus tard dans la soirée Michel Sage,membre de la société de chasse La Revinoise.
La forêt est parfois témoin de drames. C’est ainsi qu’une stèle rappelle l’un d’eux. En pierre bleue, elle marque l’endroit où un chasseur à trouvé la mort, victime d’un tir de chevrotines. « Ici a péri le 13 Février 1888 Prosper Biard industriel à Revin, à l’âge de 54 ans. Victime de l’imprudence d’un de ses compagnons de chasse ».
Autre tragédie – environnementale celle-là – les hauteurs du mont sont pelées. La tempête du 14 Juillet 2010 est passée par là. Des dizaines d’hectares sont à blanc. Le long du chemin que nous suivons, des grumes attendent qu’on viennent les charger. De petits chênes ont été replantés. Nous sommes à environ 270 m d’altitude. En contrebas, le panorama est prodigieux.
Histoire(s)
Un peu en-dessous du plateau, l’ancien lit de la Meuse « mosane » nous accueille. Des roches alluvionnaires témoignent de ce lointain passé, quand l’Ardenne primaire se façonnait. Le conglomérat des chasseurs est une curiosité géologique.
Mais l’histoire plus récente nous rattrape. Des cuves rouillées ont été abandonnées entre les arbres. « Les Allemands n’avaient plus de gas oil pour faire rouler leurs camions. Ils obligeaient les Revinois à faire du charbon de bois pour faire de l’essence synthétique», explique Michel Grosfils. D’ici quelques années, que restera-t-il de ce témoignage des souffrances endurées par la population ?
Au bout du chemin des chasseurs, non loin de l’auberge du Malgré Tout, la fontaine Mondreux est alimentée par une source, réservoir naturel en cas d’incendie de forêt.
De l’autre côté de la route des Hauts Buttés, les feuillus cèdent la place aux résineux. Un froid glacial nous enveloppe. Parmi les curiosités naturelles, deux fourmilières. Nous longeons la Meuse. Avec les kilomètres qui s’accumulent dans les mollets, les montées escarpées deviennent presque infranchissables mentalement, mais les descentes sont encore plus difficiles à gérer. Les marais sont gelés et la glace trahit les pas … pas encore chevronnés. Patatras !
C’est en forgeant qu’on devient forgeron et c’est en se relevant douloureusement qu’on se forge un caractère de randonneuse. D’ailleurs, ce Malgré Tout est la terre des cabochards. En témoigne le fermier Meurquin qui voulait s’établir sur ces hauts habités par les loups. S’étant vu interdire la chose par la municipalité revinoise, il y avait construit sa maison en une nuit… malgré tout.
Balisage
Autre lieu de légende duquel nous admirons la ville en contrebas, la roche des Mensch ou Minches, qui devrait son nom à Charlemagne. A notre gauche, le chantier du lycée Jean Moulin prend une belle tournure ; à nos pieds, les locaux vides d’Ideal Standard et ceux d’Oxame suscitent les commentaires. « Et Ardam, combien de temps encore ? » s’inquiète l’un d’entre nous.
La lumière du soleil couchant se reflète dans les sculptures de glace qui bordent l’éperon rocheux. Accélérant le pas, (autant que possible en ce qui nous concerne), le groupe regagne la ville et arrive à l’office de tourisme, où nous attend Cécile, qui mérite bien le compliment d’une randonneuse : « Nous sommes toujours bien accueillis ici ».
Les participants partagent une légère collation, satisfaits et prêts à rempiler pour la prochaine randonnée (Les roches de Fépin), qui aura lieu le samedi 25 Février 2012 . Mardi, Michel et Cécile emprunteront le circuit du Malgré Tout pour le baliser*. Etre hôtesse d’accueil à l’OT, ce n’est pas de tout repos ! Faire un reportage « touristico-sportif » non plus. Enfin, cette première randonnée (350m de dénivelé cumulé, tout de même), nous en sommes venu à bout… Malgré Tout.
* La cartographie des bois communaux est en projet.
que de beaux paysages …