Comédien, auteur, metteur en scène, graphiste, Stéphan Ramirez est d’origine niçoise. Il a intégré la Cie Ici et Maintenant Théâtre, qui est actuellement en résidence à l’Espace Jean Vilar. @rdenne-mag a voulu faire connaissance avec un homme épris de contes et de féerie.

Stéphan Ramirez en train de faire répéter une scène de « Cannibales », pièce José Pliya. (Photo @rdenne-mag)
@rdenne-mag : Je vous sens très porté sur l’humain, le rêve. Retrouve-t-on ces thèmes dans les pièces que vous écrivez?
Stéphan Ramirez : J’aime une écriture qui convoque à la fois l’adulte et l’enfant, tel que pourrait le voir un enfant, et à côté, les choses des adultes – très belles ou cruelles -, qui coexistent. C’est peut-être ma manière de regarder le monde. Je trouve qu’il y a une poésie et de l’humour dans ce rapport-là.
@-m : Qu’aimez-vous mettre en écriture ?
S R : Généralement, des histoires qui racontent des choses humaines, le rapport aux anciens, la famille. Je suis touché aussi, comme je suis méditerranéen – je viens de Nice – par les questions de l’homme en rapport à la ville, à la cité, mais aussi à la nature. Quand je vous parle de l’adulte et de l’enfant, il y a la civilisation, mais aussi ce qui peut faire partie de l’animal en nous, d’autres aspirations. J’aime bien ce mélange qu’on retrouve quand on est méditerranéen.
@-m : Qu’entendez-vous par là ?
S R : J’ai vécu au bord de la mer, mais en voyant des pêcheurs revenir de la pêche, en allant à la campagne en vingt minutes, en voyant passer les saisons, en sachant ce qu’est une plante qui pousse alors que j’étais citadin. Des fois, ça crée des problématiques réelles, sociales, écologiques. Ça crée peut-être aussi une forme d’identité qui, je pense, se retrouve dans ce que j’écris.
@-m : Comment percevez-vous le caractère des habitants de la vallée de la Meuse ?
S R : J’ai beaucoup de mal à faire ce genre de commentaire. Je n’aime pas les généralités, même en termes de représentations, de gens, de communauté… C’est ma nature.
@-m : Par rapport à vous qui êtes méditerranéen, qu’est-ce qui se rapproche, qu’est-ce qui s’éloigne ?
S R : C’est sûr qu’il y a des descriptions de vie ou d’habitudes de vie qui peuvent être différentes. Le soleil, évidemment….
@-m : Mais en termes de vécu ? Par exemple, Revin est une terre de souffrance. 106 maquisards ont été exécutés par les Allemands en juin 1944.
S R : On n’a pas souffert de la même façon, mais j’ai écouté plein de fois mon grand-père qui racontait le pistolet caché sous les fesses alors que les brigades allemandes passaient, les fusillés au bout du bois un avion fantôme qui passait au-dessus… C’est sûr que le sol n’a pas été marqué de la même manière, mais voilà. Après, quand vous parlez d’identité…
@-m : Qu’est-ce qui fait, selon vous, une identité ?
S R : Je ne suis jamais passé par le collectif pour établir des rapports avec des gens. Je me suis toujours méfié de ça : les grands drapeaux, les étiquettes. Dans mon métier, c’est ma manière de travailler, et c’est peut-être ma manière de vie. J’ai des rapports intimes avec des gens. Pour être bien avec un groupe, j’ai peut-être besoin d’être bien avec les individus de ce groupe. Je ne peux pas dire de généralités.
Des fois, j’entends des choses dites sur les Niçois, comme on en disait sur les Parisiens ou les Bretons. On parle souvent d’a priori culturels. Il y a beaucoup de raccourcis et il y a peut-être aussi le relais de compétitions qui appartiennent davantage à quelque chose de politique et d’économique.
@-m : Donc, les généralités nuisent aux relations entre les individus ?
S R : Rencontrer des gens, c’est autre chose que dire : « Ah, les Niçois, les Parisiens ! » Là, on se retrouve à pouvoir s’engueuler sans même se connaître. C’est une manière de parler que je n’aime pas. Je n’aime pas faire des généralités culturelles. Quand il m’arrive d’avoir de telles croyances, je les déloge. C’est un peu n’importe quoi.
C’est qui, les gens, la communauté, les gens d’une ville ? Personnellement, j’ai rencontré des individus qui m’ont construit, m’ont fait du bien, quelles que soient leur origine, leur orientation sexuelle, leur croyance religieuse. Voilà. Je suis touché par ça,
Ces individus peuvent ensuite revendiquer une appartenance à un sol, parce que ça fait des différences aussi, j’en suis convaincu. On n’est pas tous pareils. Mais je ne pense pas : « les gens du Nord, les gens du Sud. » Ça me gonfle un peu quand j’entends ça.
@-m : Et si je vous dis « daube provençale, sabayon de Champagne » ?
S R : Alors là, qu’on me fasse découvrir la cuisine d’un terroir, les savoir-faire, j’ai beaucoup de respect, beaucoup d’amour. D’ailleurs, je suis un gourmand. Il y a plein d’histoires derrière ces choses. Si on me parle de la cuisine, il y a la réalité d’un pays et ses saisons qui se déclinent, sa manière d’être à la table. Telle région est plus au vin ou au champagne, au gibier ou aux desserts. Voilà, ce sont des choses qui me racontent davantage les gens.
___________
Pièces de l’auteur (liste non exhaustive) :
– Alice ira au bois Lilian chasser (1999).
Texte de la pièce consultable sur : http://www.etlesmoutons.com/IMG/pdf/Alice_ira_au_bois.pdf
– Le petit poisson futé comme ça ! (et autres histoires de pourquoi…). Variation d’après Rudyard Kipling (2011)