Pour la troisième sortie de la saison, l’Office du Tourisme proposait ce samedi une randonnée dans les bois du Châtelet. Une dizaine de randonneurs ont participé à cette promenade sportive qui avait pour but deux lieux votifs cachés au milieu de la forêt.
Première étape de l’aventure, un covoiturage qui nous emmène jusqu’au point de vue du bassin inférieur. A la suite de Daniel Sovet, guide bénévole à l’Office du Tourisme, nous nous engageons quelques centaines de mètres plus haut, sur la route de Rocroi, dans une forêt encore marquée par les stigmates de la tempête du 14 juillet 2010.
Dans les ornières du chemin qui surplombe le ruisseau de Champfleury, les grenouilles ont pondu des centaines d’œufs. Quelques minutes plus tard, nous aurons la surprise – partagée – de découvrir un groupe de chevreuils, qui s’enfuient rapidement dans les profondeurs boisées.
Notre-Dame des Hermites
Une heure après nous être engagés sur les sentiers pentus, un spectacle surprenant s’offre à nos yeux. Perdue au milieu d’un tapis de feuillés séchées, la stèle de Notre-Dame des Hermites semble surgir de nulle part.
Haute de 133 cm, sculptée dans la pierre calcaire de Givet, elle a fait l’objet d’un classement par les Monuments Historiques en 1923. Y venait-on en pèlerinage ? Sous la niche qui recelait jadis une statuette de la Vierge Marie, on peut encore lire « Notre Très [ ?] Dame des Hermites priez P. N. 1788 ». D’autres mots semblent effacés en dessous.
Si l’origine du monument s’est perdue dans le temps, l’historien Dom Le long rappelle dans son « Histoire ecclésiastique du diocèse de Laon…» que les habitants de Fumay avaitent donné l’église des Divers Monts à des ermites de St Jérôme, qui provenaient du diocèse de Liège, pour instruire la jeunesse.
Faut-il voir là un lien quelconque entre la stèle et ce lointain passé ? S’y rendait-on en pèlerinage ? Nul n’en sait plus rien. Notre guide avance l’hypothèse d’une « borne » délimitant les trois communes de Rocroi, Fumay et Revin. Personne ne peut le confirmer.
Mais si sa dénomination originelle est « Notre-Dame des Hermites », pourquoi cette stèle est-elle connue de nos jours sous celui de « Notre-Dame des Pâlottes » ? M. Sovet rapporte que les jeunes de Fumay et de Revin se réunissaient à cet endroit à la belle saison.
Or les Pâlots, c’est le sobriquet des habitants de Revin, appelés aussi Bourguignons. Du coup, les filles étaient appelées Pâlottes. Notre-Dame des Hermites serait ainsi devenue la Vierge des Pâlottes.
La statuette d’origine a disparu. Elle est remplacée par… un ermite (?). La tradition veut qu’à l’occasion de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, en 1905, un dénommé Maillard l’ait emportée.
La Vierge Maillard
Sans le savoir, nous empruntons le Grand Sentier de France. Alors que des congénères ont été déracinés, le hêtre qui abrite la Vierge Maillard semble n’avoir pas souffert. « Il a dû être secoué », tempère cependant notre guide. L’arbre, un vénérable vieillard qui doit avoir entre 100 et 150 ans, dresse son fût vers la grisaille du ciel..
A quelques mètres de hauteur, la petite statue de la Vierge est protégée dans une niche. L’ensemble est cloué au tronc. Des fleurs ont été fixées tout autour. Effet kitch garanti. Vu la hauteur, nous ne pouvons pas vérifier l’âge et la qualité de l’objet. Rien n’interdit de rêver à la madone des ermites.
Les chemins étant abîmés par le débardage, Daniel modifie le parcours prévu. Même avec des chaussures de marche, il n’est pas agréable de crapahuter dans la boue.
Nous ne verrons donc pas le cimetière de chiens, plus loin en contrebas. La forêt est un lieu où se déroulent bien des drames à l’occasion de la chasse. A Revin, l’usage veut que lorsqu’un chien meurt, victime de son courage, il soit enterré sur place. Un tel « Walhalla canin » existe dans les bois du Châtelet, avec ses trop nombreuses croix.
Les hommes aussi meurent parfois. A la chasse encore, comme en témoigne une plaque à la mémoire de Bruno Falcioni, décédé dans les années 70.
Au bas d’un raidillon, l ‘un de nous découvre une rondelle tombée dans la végétation. On y déchiffre à peine une inscription. Après un rapide nettoyage, le souvenir mortuaire « parle » enfin. Henri Guger est mort en ce lieu d’un accident de moto.
La Dame blanche
Alors que nous nous apprêtons à sortir du bois, une masse sombre attire notre regard. Un énorme bloc de pierre se trouve en bordure du chemin, debout comme un menhir, mais il n’a rien à voir avec les traditions gauloises. C’est un témoignage de l’histoire géologique de Revin, il y a des millions d’années.
Un if attire mon attention. Mon compagnon de marche pense qu’un oiseau a sans doute apporté une graine qui lui a donné naissance. Il me raconte : « Dans le temps, ces arbres étaient interdits. Leur poison pouvait tuer une vache ».
En regagnant nos voitures, Daniel Sovet m’explique que nous nous trouvons à l’aplomb de la Dame blanche, objet de légende. Ce rocher ressemblait à une femme ouvrant ses bras au promeneur. Il a été englouti lors de l’aménagement du bassin inférieur.
A l’Office du Tourisme, Cécile accueille notre groupe avec jus de fruits, café et petits gâteaux. Chacun commente l’après-midi passé ensemble. Randonneur émérite, Claude Taillet, de Barby, est inspiré par la beauté de la Vallée.
« Ce serait intéressant de mettre en place une randonnée des lacs », propose-t-il. Le parcours s’étendrait des Vieillles-Forges jusqu’au lac de Bairon en passant par les crêtes pré-ardennaises. « Ca pourrait intéresser les touristes », insiste le randonneur, qui aimerait voir ce projet soumis au Conseil général.
Le tourisme pédestre y gagnerait assurément.