A l’occasion de sa venue à Givet, @rdenne-mag a interrogé hier Benoît Hamon, porte-parole du Parti Socialiste, sur des thèmes qui touchent particulièrement les Ardennais : l’économie et l’emploi.

Benoît Hamon ne veut plus de ces patrons qui se comportent comme des empereurs romains et condamnent ou sauvent une entreprise selon leur bon plaisir. (Photo @rdenne-mag)
@rdenne-mag : Les nouveaux chiffres du chômage viennent de tomber. L’augmentation du nombre de personnes sans emploi est de 0,6 % pour le mois de mars. Cette courbe monte inexorablement. Que comptez-vous faire si François Hollande est élu ?
B H : Tout d’abord, il faut s’opposer aux plans sociaux qui sont des plans sociaux inacceptables, faits par des entreprises qui pourraient maintenir l’emploi, mais vont chercher des profits ailleurs et donc détruisent des emplois ici. De par la loi, on maintiendra l’emploi quand il pourra l’être, alors qu’il est détruit aujourd’hui. Ensuite, le remplacement d’un fonctionnaire sur deux (partant en retraite, ndlr) participera aussi au maintien de l’emploi.
@-m : Et pour les jeunes ?
B H : On aura deux programmes spécifiques de création d’emplois en direction des jeunes. Le premier, ce sont les « emplois d’avenir », qui concerneront ce qu’on appelle le secteur non marchand, c’est-à-dire principalement le secteur associatif. 150 000 emplois seront créés pour ressusciter ce qui étaient les « emplois jeunes».
Deuxièmement, nous créerons 500 000 emplois de « contrat de génération. » Les contrats de génération permettront aux entreprises qui embauchent un jeune d’être exonérées de 100 % de charges patronales pendant trois ans, à condition qu’elles maintiennent un emploi de senior, c’est-à-dire que les jeunes ne remplacent pas des seniors, qui seraient évincés beaucoup plus tôt du marché du travail.
Comme ça, ils pourront continuer à cotiser pour partir à la retraite. Les deux emplois, le senior maintenu et le jeune seront exonérés totalement de cotisations patronales pendant trois ans.
@-m : Comment financerez-vous ces emplois ?
B H : Les deux dispositifs spécifiques dont je viens de vous parler accompagneront ce qui sera une vraie politique industrielle. Nous aurons un instrument pour ça. La Banque Publique d’Investissement sera créée et dotée de 50 milliards d’euros en capital.
Son objectif est de soutenir justement les créations d’emplois de tout le secteur des PME innovantes, de façon à ce qu’on ait une stratégie globale de création d’emplois et qu’on ne regarde pas les chiffres du chômage à la hausse en disant qu’on ne peut rien faire pour que ça change.
@m : Ces mesures seront-elles mises en place après les législatives ?
B H : Oui, mais certaines seront prises avant. La mesure qui va permettre aux salariés qui ont suffisamment de trimestres pour partir en retraite à 60 ans sera prise par décret avant les élections législatives.
@-m : Electrolux possède à Revin une usine qui ne fabrique plus qu’un modèle de machine à laver. Les salariés et la direction sont réunis dans un comité de travail pour essayer de pérenniser le site. De quels moyens disposez-vous concrètement pour empêcher Electrolux de fermer ?
B H : C’est simple. Pour les entreprises qui gagnent de l’argent, les multinationales qui gagnent de l’argent, il y a deux hypothèses. La première, la voici. Si, d’une manière ou d’une autre, Electrolux veut vendre un site, qu’il y a un repreneur, que le projet de reprise est validé par le tribunal de commerce, Electrolux sera obligé par la loi à l’accepter, même si ce projet est validé par un concurrent, ce qui ne serait pas forcément l’intérêt d’Electrolux. Ça, c’est une disposition qui n’existait pas dans la loi et qui existera avec nous.
@-m : Et si aucun repreneur ne se présente ?
B H : Si le plan social, ce qu’on appelle un plan de sauvegarde de l’emploi, est contraire aux intérêts économiques de l’entreprise, c’est qu’en gros, la boîte considère qu’elle peut aller faire de l’argent ailleurs, même si c’est rentable ici.
Nous donnerons les moyens aux salariés de saisir le Tribunal d’Instance, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, pour s’opposer au plan social et à la fermeture du site. Et donc obliger, le cas échéant, à ce qu’il y ait un plan de reprise si le site est un site profitable. Voilà des instruments qui n’existent pas et qui existeront demain par la loi grâce à la gauche.
@-m : Cette année encore, dans l’Education Nationale, des milliers de postes sont supprimés, et des classes fermées. François Hollande promet la création de 60 000 emplois sur cinq ans dans ce secteur. Qu’allez-vous faire pour la rentrée 2012 ? Annulerez-vous les décisions entérinées par la droite ?
B H : Pour la rentrée 2012, il ne sera pas possible de recréer les postes de professeurs supprimés. On va arrêter le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, ce qui veut dire que là où il était prévu de ne pas les remplacer, ils seront intégralement remplacés.
Nous avons prévu de créer 12 000 postes supplémentaires d’adultes par an dans l’Education Nationale. Sauf qu’on ne peut pas ouvrir au recrutement pour la rentrée 2012 les postes nécessaires, parce qu’on n’a pas le temps. Les concours sont passés.
@-m : Mis à part les recrutements par voie de concours, quelles sont vos autres pistes de travail ?
B H : Nous titulariserons des emplois précaires, nous encouragerons les professeurs qui étaient en fin de carrière à rester un an de plus, grâce à une incitation financière. L’objectif est de parvenir par la « déprécarisation » d’essayer de colmater en partie les brèches.
Les projets de fermetures de classes liées à des suppressions de postes seront annulés puisqu’il n’y aura pas les suppressions de postes.
@-m : Quand commencerez-vous à « embaucher »?
B H : Il faut que vous ayez en tête le cadre global. Chaque année, 28 000 professeurs partent en retraite. Jusqu’ici, on n’en remplaçait plus que 14 000. Donc, on va faire 14 + 14. Cela fait 28 000. Il faudra ouvrir un recrutement de 28 000 postes. Plus 12 000. Cela fait 40 000 nouveaux professeurs par an à mettre dans l’Ecole.
40 000, c’est à peu près 1/3 des étudiants qui sont en master 2 en France. Donc, c’est beaucoup, beaucoup de monde, et l’objectif est qu’on puisse avoir une rentrée dans de bonnes conditions en 2013.
Mais pour 2012, de facto, on fera un collectif budgétaire, c’est-à-dire qu’on modifiera le budget de la Nation, mais nous ne pourrons pas mettre l’ensemble des 12 000 créations cette année.