Rôle du député, économie, emploi… les thèmes d’échange n’ont pas manqué lors de la réunion publique organisée hier soir par Philippe Vuilque, candidat « majorité présidentielle », qui se présente pour un 4ème mandat.

Philippe Vuilque et Yousra Abidi-Avelange entendent bien être présents au second tour des législatives. (Photo @rdenne-mag)
Yousra Abidi-Avelange a découvert le plateau de Rocroi pour sa présentation aux sympathisants venus assister à la réunion citoyenne. Née en Tunisie, elle est arrivée en France à l’âge de deux ans. Française par la voie de la naturalisation, elle a pratiquement toujours vécu à la Ronde-Couture (Charleville-Mézières).
Professeur d’économie-gestion au lycée Monge et formatrice de professeurs stagiaires, Madame Abidi-Avelange est un témoin privilégié du malaise qui règne dans l’Education Nationale, suite à la fermeture des IUFM et des suppressions de postes.
Cette jeune femme bien dans sa peau a toujours milité à gauche, notamment dans des associations, comme le Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CIDFF). Elle adhère à la CFDT. Loin de se cantonner à un rôle de faire-valoir, elle n’hésite pas à prendre la parole sur les sujets qui sont de sa compétence.
« J’ai entièrement confiance dans le travail de Philippe, des projets à venir, qui me semblent intéressants », a-t-elle annoncé en guise de validation de son premier engagement politique.
Un rôle aux multiples facettes
Pour commencer, Philippe Vuilque a reprécisé le rôle majeur du député, « voter des lois ». Si le travail en circonscription n’est pas négligeable, les séjours répétés du parlementaire à l’Assemblée nationale sont inhérentes à sa fonction.
Le député sortant a rappelé qu’il était secrétaire de la commission des lois, un organe de fonctionnement présidé par un autre Ardennais, Jean-Luc Warsmann (UMP). « C’est la commission la plus importante avec celle des Finances.» Et le travail n’a pas manqué dans un contexte d’inflation, « où on a empilé des lois alors que les précédentes n’étaient pas encore en application. »
Depuis deux législatures, le député de la 2ème circonscription est président du groupe d’études sur les sectes. « Ce n’est pas anecdotique, car cela concerne entre autres les enfants. »
Son rôle en circonscription, Philippe Vuilque le définit comme celui d’une « super assistante sociale ». « Les citoyens ont besoin d’être aidés. Je suis intervenu sur plus de 1 500 dossiers lourds au cours de cette seule législature. » L’aide aux élus est importante pour faire aboutir des dossiers, obtenir des cofinancements, donner un coup de pouce à l’aide de la réserve parlementaire.
Le député a aussi un rôle non négligeable de catalyseur de projets, de soutien des salariés et de médiation dans les situations de blocage. Pour exemple, Philippe Vuilque a rappelé les difficiles conditions de reprise des Ets Raguet (Monthermé). « Il y a eu une période blocage entre les organisations syndicales et le repreneur, qui proposait un plan difficilement acceptable pour les salariés. »
Appelés à la rescousse, les élus locaux sont allés proposer leur médiation. « Avec les maires de Bogny et de Monthermé, on a joué les casques bleus », a poursuivi le député avant de détailler les étapes qui ont conduit à la reprise du dialogue entre les parties. « Ces interventions sont fréquentes. C’est encore ce qui s’est passé récemment à Revin, à la fonderie Béroudiaux. Heureusement, ça n’a pas duré longtemps, mais l’intervention du député-maire a été importante, parce qu’elle a permis de débloquer la situation », a conclu l’élu.
Philippe Vuilque a pointé du doigt la confusion qui existe parfois dans les esprits à propos du rôle d’un député. Dans une circonscription laminée par les fermetures d’usines, le parlementaire apparaît comme un homme providentiel, qui pourrait tirer de son chapeau des dizaines, voire des centaines d’emplois. Le candidat a fait la part des choses.
Tout ce qui relève de la politique industrielle, de l’accompagnement économique procède avant tout de l’Etat et peut seul ramener de l’emploi dans les Ardennes comme ailleurs. « De droite ou de gauche, les députés n’ont pas de recette miracle en la matière. Par contre, ils peuvent se battre avec les élus locaux pour aller chercher les entreprises et vendre le territoire. »
Pas si simple, selon lui, car si le département possède certains atouts, il est handicapé aussi par nombre d’inconvénients. Se trouver en concurrence avec des régions plus attractives (offre de formation, couverture santé…) complique la tâche.
Expérience et réseaux nationaux
Mais quelles sont donc les perspectives d’avenir proche pour la France, pour les Ardennes, selon celui qui a soutenu François Hollande dès la première heure ? Pour Philippe Vuilque, la victoire socialiste à l’élection présidentielle est une bonne chose, mais pas question de s’endormir sur ses lauriers ou d’afficher un satisfecit arrogant.
Le député-maire de Revin considère que la phase actuelle est aussi importante que la précédente, car il est impératif selon lui de donner une majorité au gouvernement afin d’éviter les difficultés de la cohabitation, alors que la pays vit l’une des crises les plus importantes de son histoire. Très « punchy », l’athlète s’échauffe dans les cordes : « Nous gagné le premier round. Il faut réussir le deuxième, c’est-à-dire avoir une majorité à l’Assemblée. »
Pour ce qui est des élections législatives, notamment dans la 2ème circonscription, l’homme pense – évidemment – être le meilleur candidat. « Dans un contexte difficile, explique-t-il, je crois qu’il est important aussi de bénéficier d’une certaine expérience et d’un réseau national. François Hollande, je le connais bien. Il m’a fait l’honneur de venir à Revin. D’ailleurs, Ségolène Royal aussi. Jean-Marc Ayrault et moi, on se connait bien. Je travaille avec lui depuis des années. Les ministres, pareil, je les connais presque tous.
Ça facilite quand même dans une circonscription l’accès direct au gouvernement. Souvenez-vous… Mon adversaire Boris Ravignon était conseiller à l’Elysée. En 2007, il a fait toute sa campagne là-dessus, disant : « Je suis près du bon Dieu et je peux avoir directement des choses pour le département « . »
Profitant du revers infligé à son adversaire, le candidat socialiste « majorité présidentielle » compte bien marquer le point décisif et remporter le tournoi. « C’est vrai que lorsqu’on est déjà habitué aux rouages de l’Assemblée nationale, résume-t-il, qu’on dispose d’un réseau national, qu’on peut avoir un accès direct au premier ministre, voire au président de la République, ça facilite quand même les choses. Pour cette circonscription, je trouve que c’est un atout essentiel. »

Le député sortant a dialogué avec un public diversifié, préoccupé par la réalité quotidienne. (Photo @rdenne-mag)
« … on le garde »
Depuis plusieurs mois, Philippe Vuilque a souvent été attaqué sur le fait qu’il se serait tourné les pouces durant son actuel mandat. Un peu comme si la dernière législature n’avait été pour lui qu’une villégiature. Des accusations provenant d’un appareil politique local pressé de se débarrasser de lui, diront les partisans du député sortant.
La réunion publique d’hier soir aura permis de remettre les choses à leur place en donnant la parole aux anonymes qui ont eu recours à son intervention. D’autres soutiens sont plus médiatiques, tel celui reproduit sur l’un des documents de campagne du député sortant de la 2ème circonscription, qui a manifestement gardé des soutiens au sein du Parti socialiste.
Julien Dray, député PS de l’Essonne, connu pour ses positions antiracistes, n’a pas craint les foudres du PS pour saluer son collègue : « Philippe est un député sérieux, compétent, présent et très actif. Il est très apprécié à l’Assemblée. Il a fait honneur à sa fonction, à son groupe, à son parti. Quand on a un bon député socialiste, on le garde ». Cette dernière phrase est devenue l’un des leitmotivs de campagne de Philippe Vuilque.
Loin des ors de l’Assemblée nationale, salle Nevers, des membres d’associations, des syndicalistes, de simples citoyens sont venus à leur tour lui apporter leurs témoignages et leurs remerciements.
Jean Magne, président de l‘association Patrimoine Vie Développement Rimogne, sympathisant de gauche, a salué « le courage politique » du député sortant. Ce dernier est intervenu dans le cadre d’un dossier qui ne sent pas bon à plus d’un titre : l’assainissement non collectif (à lire dans un prochain article). Un investissement qui vaut aujourd’hui au député de la circonscription d’être persona non grata à Rimogne, comme il l’a confié incidemment à l’auditoire.
François Durbecq, 17 ans d‘ancienneté aux Ateliers Thomé-Génot, à Nouzonville, a rappelé que si Philippe Vuilque n’avait pas été au côté des salariés, lors de la fermeture de son entreprise, « on n’aurait que dalle ». Leader mondial dans la production de pôles d’alternateurs – et fournisseur exclusif de Ford – la fonderie avait été liquidée en 2006, deux ans après l’arrivée de l’américain Catalina.
« Parlant en son nom personnel, il ajoute : « Aujourd’hui, j’ai fait un reclassement, j’ai passé mes diplômes. Je travaille et je suis fonctionnaire territorial. Je travaille à la communauté d’agglo Cœur d’Ardenne. Je me permettais de vous téléphoner à minuit et vous répondiez. Vous avez été toujours là, toujours, toujours. C’est 300 personnes de Thomé-Génot qui aujourd’hui vous disent merci. »
Enfin, dernier avis qu’on ne peut soupçonner de complaisance, celui de Lysian Fagis, délégué CFDT chez Ardam-Electrolux, à Revin. Cet homme de gauche n’a pas la langue dans sa poche. Il ne manque pas d’humour non plus.
Le syndicaliste s’est tout d’abord félicité de ne pas appartenir au PS, compte- tenu de la situation dans la circonscription. « Je ne suis pas au PS. Quelque part, je me dis que c’est un avantage, parce que ces histoires, pour l’opinion publique, ça fait un peu soupe. »
Concernant le bilan de la mandature du député sortant, il a apporté son expertise de plusieurs années de travail commun, aux pires heures vécues par Ardam. « Chaque fois que je t’ai demandé quelque chose,- de m’ouvrir les portes de la Préfecture, du Conseil régional, du Ministère-, tu as fait le boulot. Personnellement, je n’ai rien à redire. Lorsqu’on a eu besoin, tu as toujours fait le boulot, c’est sûr. »
« Pour les autres entreprises, ça a bien bougé aussi. Je t’ai vu bouger. C’est quand même une démarche qui plaît », a-t-il poursuivi avant de monter en puissance et de s’en prendre aux syndicalistes qui – selon lui – n’en sont pas (lire ci-dessous).
« Manœuvre »
Difficile de relater la campagne sur la 2ème circonscription sans évoquer une fois de plus Claudine Ledoux et son aller-retour sur la 1ère, lors de l’investiture du candidat PS. Philippe Vuilque en est encore colère. La « manœuvre » lui est restée en travers de la gorge.
Commentant la situation ardennaise, il a égratigné au passage ses ex-amis du parti à la rose en prophétisant une sévère défaite à Nelly Fesseau, parachutée dans la 3ème circonscription, alors que la candidature de Didier Herbillon, maire de Sedan, semblait plus légitime, à tout le moins logique : « Jean-Luc Warsmann est en train de se rouler les moustaches », a commenté l’ex-PS en joignant le geste à la parole.
À l’adresse de ceux qui se gaussaient après l’annonce de sa candidature aux législatives, l’accusant de se présenter pour s’assurer un « matelas » dévolu aux députés battus, Philippe Vuilque a taclé : « On ne sacrifie pas une circonscription pour des raisons financières ou de confort personnel. »
Ce militant de longue date a toutefois concédé que le fait d’avoir été désavoué par ses camarades n’était « pas simple ». « Après 35 ans de militantisme, on se dit qu’on va être exclu. C’est un peu comme si on quittait une famille. »
Curieusement, l’exclusion dont il a été victime semble lui être profitable. Les soutiens se multiplient. Le staff s’est étoffé autour du député-candidat. Boostée à bloc par les messages de sympathie, l’équipe de campagne a le vent en poupe. À l’image du duo Vuilque-Abidi-Avelange, le moral est au beau fixe, mais sans arrogance.
La campagne n’est pas achevée et, de toute façon, « les électeurs choisiront l’homme ou la femme qui les représentera lors de la prochaine législature. » Le tandem n’ignore pas non plus ce que François Hollande doit à l’électorat du Front de gauche et compte bien bénéficier d’un report de voix. « On est remontés comme des pendules, annonce le candidat, décidément combatif. On a bien l’intention d’être au deuxième tour et de gagner. »
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« Des syndicalistes qui n’en sont pas »
Marie-Claude Moriau, ex-déléguée FO d’Ideal Standard-Porcher a dû avoir de la friture dans les oreilles hier soir. Colistière de Boris Ravignon, candidat UMP sur la circonscription, bien qu’elle ne participe apparemment pas aux réunions publiques, celle qui a participé aux négociations du plan social a suscité la colère de Lysian Fagis. Est-ce ce mariage improbable ou les conditions dans lesquelles s’est actée la fermeture du site revinois de Porcher ? Ou les deux à la fois ? Toujours est-il que Lysian Fagis avait « les boules ».
Le syndicaliste CDFT d’Ardam a mené une charge sans concession contre celle qui « n’est pas du tout [sa] camarade, du tout, du tout » et ses collègues d’Ideal Standard , leur reprochant de ne pas avoir défendu l’emploi et d’avoir préféré accepter une indemnité de licenciement plutôt que de sauver les emplois. « Pour moi, ces gens-là sont tout sauf des syndicalistes. »
D’aucuns objecteront que la messe était dite en ce qui concerne le devenir de l’entreprise revinoise et qu’il valait peut-être mieux accepter des conditions de départ « avantageuses » financièrement. M. Fagis ne partage pas ce point de vue et son ire n’épargne pas les syndicalistes qui s’éloignent d’une feuille de route intitulée « Tout pour l’emploi ».
« Ce sont des électrons libres qui ne savent plus ce qu’ils font et ne savent pas où ils vont. Ce n’est pas sérieux. Et ce sont des gens comme ça qui discutent pour nous », s’est-il emporté avant d’apporter sa définition personnelle du rôle qu’il exerce chaque jour au sein de son usine : « Pour un syndicaliste, la priorité des priorités, je le rappelle, c’est quand même d’essayer au maximum de sauver ce qui existe. Et si on peut créer un peu plus que ce qui existe, c’est mieux. »