Le 16 mai dernier, les sénateurs du groupe Communiste, Républicain et Citoyen ont déposé un projet de loi visant à « la relance du secteur public ferroviaire pour le droit à la mobilité et la transition écologique ». Pierre Mathieu, vice-président du conseil régional en charge des infrastructures, du transport et de la mobilité durable, en a fait la présentation ce jeudi, dans le cadre de la campagne des législatives.

La ligne Charleville-Givet est concernée par le projet de loi déposé au Sénat le 16 mai 2012. (Photo @rdenne-mag)
Venu à Revin pour appuyer la candidature de Michèle Leflon (Front de gauche) et pour faire un point sur la situation de la ligne Charleville-Givet, l’élu régional a saisi l’occasion pour présenter le projet de loi déposé par Mireille Schurch, sénatrice de l’Allier, et une vingtaine de sénateurs.
Cette proposition de loi est l’aboutissement d’un « travail de plusieurs mois entre nos groupes parlementaires, les organisations syndicales qui s’occupent du secteur ferroviaire et un certain nombre d’élus régionaux. Nous proposons des choses très fortes et très opérationnelles que nous porterons dans le débat, à l’Assemblée nationale, dès sa réunion. »
Le texte réaffirme le caractère national du réseau, la responsabilité de l’Etat et la nécessité de désendetter Réseau Ferré de France (RFF).
La gestion du réseau national est coûteuse et RFF connaît d’importantes difficultés pour réunir les financements nécessaires. « Il faut traiter la question de lui en donner les moyens, préconise Pierre Mathieu, d’abord au niveau des dotations de l’Etat, ce qui est l’objet de la politique des transports. »
Et puis, « il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt ». Le développement du ferroviaire et du fluvial requiert des sommes colossales. Le Nord des Ardennes est aussi concerné aussi avec le port de Givet ou la réalisation d’aménagements sur la Meuse. Ce sont des milliards d’euros supplémentaires qu’il faut trouver par rapport à ce qui était mobilisé jusqu’à aujourd’hui.
« On n’est pas dans un discours démagogique, mais combatif. Nous avançons des propositions pour dégager ces sommes-là », annonce M. Mathieu, qui cite deux mesures pouvant être rapidement opérationnelles pour la ligne Charleville-Givet.
Renationalisation et livret d’épargne
La première consiste à renationaliser les sociétés d’autoroutes, qui ont été privatisées en 2005. Pour le vice-président du Conseil régional, cette proposition a directement à voir avec « notre projet ferroviaire, puisque ces sociétés dégagent 2 milliards d’euros par an d’excédents liés aux péages. Avant, cet argent allait au ferroviaire et au fluvial. Maintenant, il va dans la poche de quelques actionnaires. »
Cette renationalisation apporterait une première partie des ressources nécessaires au développement du ferroviaire.
Deuxième piste évoquée, immédiatement opérationnelle elle aussi : la mise en place d’un livret d’épargne populaire, qui aurait une double utilité selon l’élu. D’abord en garantissant aux petits épargnants un placement sécurisé de l’Etat. Ce livret serait susceptible de collecter plusieurs milliards d’euros au niveau national. Une somme mise à disposition des investissements publics de l’Etat ou des collectivités territoriales. RFF pourrait effectuer rapidement les travaux de la ligne Charleville-Givet.
« Je pense que ces projets sont complètement favorables. Ils s’inscrivent aussi dans les objectifs de réduction des gaz à effet de serre. »
Au cas où la ligne Charleville-Givet ne retiendrait l’attention ni des parlementaires ni du gouvernement, la population ardennaise pourrait être appelée à se mobiliser afin de s’opposer à un scénario qui mettrait encore plus de camions et de voitures sur les routes. « La fermeture de la ligne serait un coup fatal pour les Ardennes, qui n’ont pas besoin de ça », estime M. Mathieu.
Le Front de gauche pense aussi qu’il serait judicieux de solliciter certaines aides de l’Union Européenne, notamment via la Banque Européenne d’Investissement, mais sans avoir à passer par des banques intermédiaires.
En clair, le gouvernement en place est attendu sur ses actions. Il doit apporter la preuve qu’il veut vraiment tourner la page de l’austérité, qu’il s’en donne les moyens pour – enfin – se tourner vers la croissance.
Versement transport
Dans le cadre du même projet de loi, le Front de gauche est aussi porteur d’une proposition qui apparaît très importante à Pierre Mathieu, non seulement pour le ferroviaire, mais pour l’ensemble des transports.
« Il faut aller vers la généralisation du versement transport, recommande-t-il. Cette contribution du secteur économique et des services concernerait les entreprises de plus de 9 salariés. » Le versement transport est appliqué en Ile-de-France et dans les agglomérations qui ont une compétence transports. Charleville-Mézières l’applique depuis 2005 (taux actuel : 0,60 %).
Les départements et les régions (hors Ile-de-France) ne disposent pas de cette ressource. D’où l’idée du Front de gauche de la généraliser sur l’ensemble du territoire national.
Pour le vice-président du Conseil régional, « il n’y a pas de raison qu’il existe des inégalités entre les collectivités. Et puis, nous sommes face à des besoins de financement. » Les territoires ruraux sont souvent dépourvus de services adaptés. Que faire lorsqu’on n’a pas le permis ou qu’on est trop âgé pour conduire et qu’il faut aller faire ses courses ou se rendre chez le médecin dans le bourg voisin ? Avec des ressources supplémentaires, il serait possible de répondre aux besoins des populations de manière adaptée.
Le taux proposé pour le versement transport est extrêmement modeste, selon l’élu : 0,2 % de la masse salariale. À l’échelle de la Champagne-Ardenne, cette contribution fiscale rapporterait environ 20 millions d’euros par an.
« Si l’on veut répondre à de nouveaux services publics dont la population et les territoires ont besoin, avance Pierre Mathieu, une contribution raisonnable et mesurée du secteur économique est légitime, car il va aussi bénéficier de ces services. »
Alléger la facture des partenaires du monde du travail et respecter l’environnement, que peut-on espérer de mieux ?