La libération de Michelle Martin, ex-épouse de Marc Dutroux, le pédophile meurtrier, partage la Belgique. La Cour de Cassation a permis cet élargissement anticipé par son rejet des appels interjetés par le Parquet et les parties civiles.

« L’impossible libération » titre le quotidien Le Soir. L’élargissement de Michelle Martin a choqué la Belgique, peu disposée à lui accorder son pardon.
Ce mardi 28 août 2012 aura été vécu comme une nouvelle journée de deuil par tous ceux et celles qui n’ont pas oublié les sourires mutilés de six fillettes et jeunes filles (Julie, Mélissa, An, Eefje, Sabine et Laëtitia), dont le seul tort aura été de se trouver sur le chemin de pervers de la pire espèce.
Michelle Martin, complice de son mari Marc Dutroux, est libre depuis hier soir. La cinquième demande de libération anticipée présentée par son avocat aura été la bonne. L’ancienne détenue a été accueillie par la communauté de clarisses de Malonne, près de Namur. Sa sécurité est assurée par la police, c’est-à-dire qu’elle est payée par le contribuable.
Bien qu’apparaissant inéluctable , cet élargissement a rouvert des plaies pas tout à fait cicatrisées. D’aucuns parlent de « dictature de l’émotion », avocats en tête, mais pourquoi l’émotion ne pourrait-elle pas être prise en compte ? Les magistrats de la Cour de Cassation ont appliqué la loi, aveugle comme chacun sait. Pas sûr qu’à l’aune de l’humanité ils aient rempli leur mission.
Les victimes de Dutroux et comparses resteront à jamais dans nos cœurs. Que Mme Martin veuille ouvrir un nouveau chapitre de sa vie, soit. Mais quand bien même, elle aurait une conduite exemplaire dans son couvent, jamais elle ne pourra se regarder dans une glace sans voir le reflet accusateur des anges qu’elle a laissé mourir.
Peines incompressibles
Une partie de la population belge souhaite une réforme du Code Pénal, afin de garantir l’incompressibilité des peines prononcées en ce qui concerne les crimes les plus graves. En quoi cette disposition serait-elle de la cruauté mentale ? Les criminels se sont-ils jamais demandé si la peine infligée aux victimes était – elle – compressible ? Non, la mort est définitive. Et la peine des familles ne s’atténuera pas, même si la vie doit continuer.
Quand on voit, aux USA, des accusés être condamnés à des centaines d’années de prison, on se dit que de ce côté-ci de l’Atlantique, la Justice est plutôt clémente. Elle n’est pas logique non plus. A quoi sert de condamner une criminelle de la pire espèce à 30 années d’emprisonnement si elle ne doit en effectuer que la moitié ou un peu plus ?
Rappelons que Julie Lejeune et Mélissa Russo sont mortes de faim et de soif dans un trou à rats, abandonnées à leur sort, de par la lâcheté de Mme Dutroux. Ces enfants innocentes, l’institutrice Martin aurait pu les avoir dans sa classe. De même ne doit-on pas oublier dans cette terrible « affaire Dutroux » An Marchal et Eefje Lambrecks, deux jeunes filles qui avaient la vie devant elles et qui furent assassinées après un calvaire indicible.
La libération de Michelle Martin n’est-elle pas une injure à leur mémoire et à celle des survivantes, Sabine Dardenne et Laëtitia Delhez, qui ont réchappé des griffes de leurs tortionnaires ? On n’ose imaginer qu’elles se croiseront un jour, quand l’ogresse sans âme sera libre de circuler où bon lui semble.
Jacques Fesch
Pour apaiser la colère de la foule, on nous serine que Mme Martin souhaite se racheter. La religion a du bon. Sa complicité dans des crimes abominables lui pèserait-elle aujourd’hui, alors qu’elle n’a jamais manifesté la moindre émotion, le moindre regret lors de son procès ? N’est pas Jacques Fesch qui veut.
Condamné en 1957 à la peine de mort pour un braquage et le meurtre d’un policier, ce fils de banquier belge n’a pas cherché à échapper à la guillotine, bien qu’il ait apparemment trouvé le chemin de la rédemption en cellule, ce dont témoignent ses écrits (Lumière sur l’échafaud, Cellule 18, Dans cinq heures je verrai Jésus). En 1987, une instance en béatification a été mise en place par l’archevêché de Paris.
Mais il existe un abîme entre ces deux criminels. Le premier gagnera peut-être un jour son aller simple au panthéon des saints, mais Michelle Martin aura bien du mal à convaincre de sa bonne foi.
Hier, l’innocence a été bafouée.