A l’occasion de la publication des résultats trimestriels de l’entreprise, Guillaume de Noinville, directeur d’Electrolux France, a annoncé ce lundi le désengagement du groupe envers son unité de production revinoise. Si Ardam ne trouve pas de repreneur d’ici deux ans, Electrolux fermera le site. Aussitôt cette annonce, les salariés se sont mis en grève et sont allés dans l’après-midi manifester leur colère devant les grilles de la Préfecture, où une réunion était prévue entre les syndicats et le Préfet.

Après la disparition de Porcher et Oxame, le quartier de la Bouverie risque de devenir une friche industrielle. (Photo d’archives @rdenne-mag)
Malgré des bénéfices nets en hausse de 19 % au dernier trimestre 2012 (115 millions d’euros) – un résultat inespéré -, Electrolux a confirmé son intention de développer sa rentabilité au détriment de l’emploi. Depuis 2007, la firme a fermé douze usines dans le monde, dont quatre qui fabriquaient des lave-linge. A Schwanden (Suisse), 80 emplois sur 230 seront supprimés en 2013.
Dans les Ardennes déjà bien impactées par la crise, Ardam – qui fabrique un modèle haut de gamme de lave-linge à chargement par le dessus – n’intéresse plus Electrolux. En dépit d’une augmentation de production cette année, le site revinois « commence à présenter des risques pour nous sur le plan de sa compétitivité », selon les termes de M. de Noinville.
Après Porcher-Ideal Standard (146 emplois) et Oxame (32 emplois), fermées en 2011, une nouvelle entreprise disparaît à Revin. La brutalité de l’annonce faite par la direction d’Electrolux France a mis la ville « ko dans les cordes » pour paraphraser le maire Alain Roy, qui s’exprimait hier devant les médias.
Pour être honnête, une rumeur dormante évoquait régulièrement la fin programmée d’Ardam. Elle était chuchotée avec effarement par les salariés, les commerçants ou encore les politiques. Revin, ville exsangue, assassinée par une industrie qui avait fait sa prospérité jusque dans les années 70. Une industrie paternaliste, éradiquée du paysage économique pour être livrée pieds et poings liés aux groupes internationaux et au profit.
Projet ARdennES
Mis en place au début de cette année, le projetARdennES regroupait tous les partenaires d’Electrolux dans le but de pérenniser l’activité de l’unité revinoise. Lysian Fagis, représentant l’intersyndicale, s’interrogeait alors* : « Combien de temps vont-ils penser nous garder avec un produit et un marché en train de finir ? J’ai toujours dit que ça ne durerait plus longtemps. » Prémonitoire.
Les dés étaient-ils pipés dès le départ ? On peut le penser. Pourtant, le groupe de travail avait trouvé des solutions pour éviter la fermeture, à travers la production à Revin de produits d’électroménager vendus par Electrolux, mais qu’il ne fabrique pas. « Un projet viable et rentable », selon M. Fagis..
La logique du groupe est clairement exprimée par le Président Keith McLoughlin dans son commentaire des résultats du 3ème trimestre 2012. Tout en notant une amélioration significative d’une année sur l’autre des ventes et des bénéfices, et ce malgré l’incertitude des marchés, Electrolux a surtout retenu sa baisse d’activité en Europe, qui a nettement impacté son volume de ventes en Europe du Sud, dans les pays nordiques et le Benelux.
« La situation du marché en Europe va probablement empirer », note Mc Loughlin, qui veut minimiser l’effet négatif sur les résultats de l’entreprise « en lançant de nouveaux produits et en éliminant des coûts. » Sa stratégie vise à livrer « une offre de produits fortement concurrentielle dans tous les segments pour le marché européen ». Nouvelle génération de produits Electrolux, AEG et relance de produits Zanusssi font partie du projet du groupe suédois pour améliorer « son empreinte industrielle » tout en restant très compétitif.
L’objectif du groupe est donc clair : augmenter ses ventes et ses profits. Les ventes de la Top fabriquée à Revin n’étant plus – justement – au top, les consommateurs préférant aujourd’hui acheter des machines à chargement frontal, sa production est donc vouée à l’arrêt… chez nous, parce que le savoir-faire ardennais sera délocalisé en Pologne. Définitivement et entièrement.
Quant à la perspective de fabriquer de nouveaux produits, elle ne semble pas avoir retenu l’attention du groupe. Dans ces conditions, pourquoi avoir créé un groupe de travail autour du projet ARdennES ? Histoire d’obtenir à bon compte une paix sociale pendant six mois ?
Parce que, sans être devin, la fermeture du site revinois est devenue inéluctable depuis la délocalisation, en 2010, de la production des machines d’entrée de gamme de la marque Faure à Olawa (Pologne).
Dégâts collatéraux
Aux 419 emplois en CDI et 70 en intérim, il conviendra d’ajouter les habituelles victimes collatérales des fermetures d’usine : les sous-traitants, tout d’abord. Difficile à chiffrer pour le moment.
Mais la fin d’Ardam aura aussi des répercussions dans bien d’autres domaines. La dépopulation entraînera une diminution des aides de l’Etat. Depuis ses années fastes, la ville a perdu près de la moitié de ses habitants (13 000 dans les années 70 contre 7 400 aujourd’hui).
Avec des rentrées fiscales moindres et des besoins accrus en aide sociale, la Ville risque d’avoir du mal à assurer financièrement. Qu’en sera-t-il de sa capacité à emprunter et à rembourser les emprunts contractés ?
La récente signature du protocole ANRU a concrétisé l’aide de l’Etat et de bailleurs privés dans la rénovation du quartier d’Orzy. Ce projet de rénovation urbaine prévoit la participation de la ville en ce qui concerne (1 425 722 €).
La construction du nouveau pont de St Nicolas engage également la Ville (600 000 €). L’ouverture des plis n’ayant pas révélé de bonnes surprises, comme espéré, certains travaux optionnels ne pourront pas – en l’état actuel du plan de financement – être réalisés.
Déjà victime d’une baisse du pouvoir d’achat due à la crise (23,7% de la population active se trouvait au chômage en 2009, selon l’Insee), le commerce local risque de chuter jusqu’à ne plus se relever pour certaines enseignes. On peut raisonnablement penser qu’un certain nombre d’ex-Ardam quitteront Revin, la Vallée et le Plateau pour trouver un emploi dans des régions moins sinistrées que les Ardennes. Le chiffre de 300 maisons à vendre pourrait être atteint, créant là aussi une situation de crise.
Une baisse de population massive signifierait aussi fermetures de classes et suppressions de postes, alors que la Région investit dans la construction d’un lycée innovant, que la Ville vient de rénover le groupe scolaire Bouverie.
A peine élu maire, Alain Roy se trouve confronté à la pire crise que Revin ait connue. La fermeture d’Ardam sera pour la petite cité mosane l’équivalent d’un massacre des Manises économique. On comprend mieux l’attachement déclaré par le premier magistrat, lors de son élection, à réussir l’entrée de la ville dans une intercommunalité. Sans solidarité, Revin ne pourra renaître de ses cendres.
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POUR SOUTENIR LES SALARIES
– L’Intersyndicale organise demain mercredi 24 Octobre un déplacement à Senlis, siège d’Eleclrolux France, où doit avoir lieu un Comité Central d’Entreprise extraordinaire. Le rassemblement aura lieu à 9h30 devant le parking de l’entreprise. (Celui-ci sera gardé.) Les bus démarreront à 10h00. Prévoir un repas tiré du sac.
– Vous pouvez envoyer un mail de protestation aux adresses suivantes (source : Igor Nivelet) :
ehp.consommateur@electrolux.fr
serviceconsommateurs.electrolux@electrolux.fr
service de presse electrolux
virginie.spelle@agence-elan.com