Cet après-midi, à 14h00, le directeur de cabinet du Ministre du Redressement productif a reçu une délégation ardennaise pour évoquer l’avenir d’Ardam. Cette réunion marque la première étape de la riposte des pouvoirs publics face à la décision d’Electrolux de fermer ou céder l’usine revinoise d’ici 2014.
Arnaud Montebourg peut désormais laver sa marinière avec une « top » Electrolux fabriquée à Revin. Les élus des collectivités territoriales, l’Intersyndicale et le cabinet Syndex* ont rencontré à Bercy Stéphane Israël, son directeur de cabinet. Le ministre lui-même a brièvement rejoint les participants avant de se rendre à l’Assemblée Nationale pour la séance des questions au gouvernement.
Cette table ronde avait été annoncée par Christophe Léonard, député de la 2ème circonscription des Ardennes, lors du rassemblement à Senlis, le 24 octobre dernier, quand 400 Revinois sont venus en bus soutenir les représentants syndicaux face à la direction d’Electrolux France, réunie à l’occasion d’un comité d’entreprise extraordinaire, deux jours après avoir annoncé son intention de se séparer de son site ardennais.
Ce premier rendez-vous ministériel visait notamment à présenter le projet ARdennES, que ses partenaires estiment capable de pérenniser le site revinois pour cinq ans. Cette analyse prospective vise aussi à démontrer que la décision d’Electrolux de le fermer ou de le céder n’est pas justifiée. Cela d’autant plus qu’il est bénéficiaire.
Les Ardennais ont franchi la porte du ministère avec le renfort virtuel des milliers d’internautes qui clament leur colère chaque jour sur le Net – en attendant de le faire dans la rue – à l’idée d’une possible fermeture. Créée le 11 octobre 2012 par un salarié d’Ardam, la page Top Elux accueille pour le moment 830 abonnés. Ce profil a été créé pour que les salariés et amis d’Ardam puissent suivre en temps réel l’évolution de la situation de l’entreprise.
Quant au groupe Contre la Fermeture d’Electrolux Revin, créé par Igor Nivelet dans la dynamique « Senlis », il a franchi hier mardi la barre des 10 000 membres grâce à une mobilisation sans précédent. (A lire prochainement) Ce groupe a rédigé une pétition à l’adresse des dirigeants et actionnaires d’Electrolux. Un moyen de pression citoyen et une mise en accusation des mœurs industrielles, dont l’appétit de bénéfices risque de « sacrifier 400 familles. » Plus de 1 500 personnes ont signé à ce jour.
Marché de dupe
Quelques heures après la rencontre des politiques ardennais avec S. Israël, le député PS Christophe Léonard a livré sa première analyse du dossier. Il accuse notamment Electrolux d’avoir commis une faute économique et morale, conséquence du choix du groupe de ne plus produire en France. En effet, les sites Electrolux de Troyes et Aubusson seraient menacés comme Revin. Une information qui avait filtré au sortir du CCE, à Senlis.
Fort de ce constat, le député ardennais invite le Gouvernement à apporter « une réponse politique à cette situation. » Pour lui, la priorité est d’organiser très rapidement une table ronde avec la direction suédoise du groupe, « les vrais décideurs, pas les sous-fifres », comme on le réclame dans les rangs de l’intersyndicale ou du personnel. L’objectif de cette réunion serait de demander, ni plus ni moins, des comptes aux dirigeants d’Electrolux. Arnaud Montebourg s’est engagé « à entreprendre rapidement une démarche d’Etat en ce sens. »
Pour Christophe Léonard, « il est en effet incontournable de tirer le fil avec Electrolux de telle sorte que l’alternative industrielle portée dans le cadre du Projet ARdennEs se concrétise à Revin. » Et pas dans un pays de l’Est comme il se murmure actuellement.
Le parlementaire a fait part de sa méfiance vis-à-vis du délai de deux ans annoncé par le groupe d’électroménager qu’il qualifie de « marché de dupe, [de] leurre. » La crainte d’un calendrier de fermeture avancé hante d’ailleurs les nuits de bien des salariés.
Selon Ch. Léonard, l’annonce faite le 22 octobre dernier par la direction française n’est pas fiable, parce qu’elle « ne présente aucun cadre global de cession : absence de contrat de charges de sous-traitance, refus de cession de marque… » L’élu en appelle à la Loi, puisqu’il a demandé au Ministre de « définir rapidement un cadre législatif qui puisse contraindre les entreprises – dans ce type de dossier (fermeture de site rentable) – de céder leur site, ainsi que la ou les marques qui y sont attachées pour favoriser les possibilités de reprises industrielles. »
L’Europe : entre social et profit
L’éventuelle fermeture d’Ardam dépasse – et de loin – le cadre ardenno-ardennais. L’Union européenne est au centre des débats. Et surtout une certaine vision de cette Europe que certains voudraient plus sociale quand d’autres ne la voient que moyen d’obtenir plus de profits. L’affaire Ardam met en scène trois pays membres de l’Union européenne : la France, la Suède et la Pologne. Une Pologne dont la monnaie n’est pas l’euro mais le zloti, une monnaie largement sous-évaluée, au contraire de la monnaie européenne.
« L’Europe, elle est belle, l’Europe qui fait profiter au groupe [Electrolux] de la disparité des salaires et des monnaies », accuse l’auteur anonyme de Top Elux, qui poursuit : « Si la Pologne passait à l’euro, l’écart de prix de revient entre les deux sites [de Revin et d’Olawa, ndlr] baisserait de 4 euros pour atteindre seulement 10 euros environ. »
Rappelons que le 9 octobre 2012, l’Assemblée Nationale a voté le projet de loi autorisant la ratification du Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire. Seuls une vingtaine de députés se sont exprimés contre le TSCG. Christophe Léonard en fait partie et s’en est expliqué.
Au regard de ce que les salariés d’Ardam sont en train de vivre, le député de la 2ème circonscription fait des propositions : « Il est donc urgent et crucial de bâtir une harmonisation sociale, fiscale et environnementale pour la zone Europe. » Faute de quoi, augure-t-il, « il n’y aura demain plus d’industrie en France et dans les Ardennes, lesquelles seraient à très court terme condamnées à un désert économique et au chômage. »
En attendant, les salariés du site revinois ont repris le travail et rattrapent le retard de production dû aux récentes journées de grève. Certains s’inquiètent déjà du rythme de production augmenté : « On veut nous fermer et on continue à produire plus. Vous ne croyez pas qu’ils veulent faire leurs stocks et nous fermer plutôt que prévu ? » s’inquiète cette salariée.
Du côté des politiques, on s’active : « Il est prioritaire de contraindre Electrolux au dialogue productif pour trouver une solution interne Electrolux dans un calendrier défini et strict pour ne pas se laisser endormir par le délai de deux ans avancé par le groupe », annonce Christophe Léonard.
* Syndex est un cabinet d’experts qui représente les salariés dans le projet ARdennES.
_______________
Pour signer la pétition :
http://www.petitions24.net/contre_la_fermeture_delectrolux_revin