Son nom ne laisse personne indifférent. Marie-Claude Moriau, ancienne syndicaliste des « Porcher », se présente sur la liste de Daniel Durbecq*. Portrait d’une Ardennaise dévouée à la cause sociale.
Son nom est tellement indissociable de l’épopée Porcher et de son triste épilogue qu’on pourrait la croire revinoise de naissance. Eh bien, non. Marie-Claude Moriau a vu le jour à Givet, en 1955, dans une famille modeste. Son père travaillait chez Arthur Martin, à Revin, et sa mère s’occupait du foyer. L’un de ses grands-pères était douanier.
L’ancienne syndicaliste Force Ouvrière est maman d’une fille Bénédicte, intervenante sociale chez Adoma, en huitième position sur la liste Durbecq. Elle est grand-mère d’une petite Romane. La vie ne lui a pas fait de cadeau, même si elle n’en fait pas état. Par pudeur.
Témoin impliqué de son époque, Marie-Claude Moriau peut se passionner « pour une cause qui vaut la peine », comme les Restos du Cœur : « Une chose qui révolte, parce que de nos jours, on ne devrait plus voir ça (…). Je ne supporte pas l’injustice, les gens qui veulent en montrer et qui ne sont pas capables de faire quoi que ce soit.»
Cuisinière de formation, Marie-Claude Moriau a enseigné au collège Briand. Professeur vacataire, elle avait en charge les classes de Cippa option cuisine. Lorsque les Cippa sont devenues Segpa et ont déménagé sur Fumay, la jeune femme s’est occupée bénévolement du club cuisine du collège revinois.
L’aventure Porcher
Pour quelle raison a-t-elle franchi un jour le portail de l’usine Porcher ? « Quand j’étais jeune, raconte Mme Moriau, j’étais le vilain petit canard de la famille, parce que j’avais des idées un peu révolutionnaires. Mon oncle était directeur du personnel chez Martin. Il voulait que j’y entre. Comme mon mère y travaillait, je n’ai pas voulu. Sur un coup de tête, je suis allée chez Porcher. »
L’ancienne fabrique de sanitaires représente 38 années de sa vie. « C’est ma plus grande blessure, reconnaît-elle avec gravité. J’ai un sentiment de « pas fini ». J’aurais aimé prendre ma retraite et laisser d’autres poursuivre ce qu’on avait commencé ». Sur 148 licenciés, une bonne quarantaine a retrouvé un travail. Ce qui n’est pas son cas. Sans doute son statut d’ancienne déléguée syndicale y est-il pour quelque chose. C’est du moins ce que pense le numéro deux de la liste « Pensons, Vivons Revin».
« Dans la poussière, la chaleur, le travail était dur physiquement, et particulièrement difficile pour les femmes », se souvient l’ancienne contrôleuse qualité. L’usine comprenait une soixantaine d’ouvrières et employées.
Celle qui était aussi secrétaire du comité d’entreprise aime rappeler la grande solidarité qui régnait parmi les personnels. « On l’a vu dans notre combat pour la sauvegarde de l’emploi. Les syndicats avaient demandé à l’ensemble du personnel de les laisser négocier dans le calme, sans qu’il y ait de casse. Les ouvriers ont toujours respecté l’outil de travail. Il y avait de la colère, bien sûr, mais on n’a pas eu de dérives à déplorer. C’est ce qui nous a permis d’obtenir un plan social à la hauteur de ce qu’on attendait. Bien sûr, on aurait préféré un repreneur, mais ce n’était pas possible. On avait contacté Jacob Delafon, Dolomite, Villeroy et Boch, mais ces entreprises ne faisaient pas le même travail que nous et elles étaient déjà saturées au niveau personnel. »
Le volet judiciaire de la fermeture est toujours en cours. L’ancienne déléguée syndicale vient de porter 120 dossiers devant la Cour d‘Appel pour licenciement sans cause réelle et valable. Pour ce qui est de l’amiante, une procédure est également en cours devant les prud’hommes. Elle touche les actifs, les retraités et les personnes extérieures ayant travaillé chez Ideal Standard (ex-Porcher). « Des études ont été réalisées par des cabinets spécialisés. Il a été reconnu que nous avions tous été en contact avec l’amiante. Le CHSCT a fait un travail remarquable. »
Du syndicalisme à la politique
Pour celle qui avoue n’être pas « née dans le syndicalisme », celui-ci représente « un sacerdoce ». Marie-Claude Moriau dit aimer que les gens se sentent bien au travail. Les causes touchant à la condition humaine la motivent, et le quotidien du monde ouvrier en fait partie.
Comment en est-elle venue à représenter ses collègues ? « J’avais un chef qui me cassait les pieds et ça allait être les élections. Un ancien délégué m’a incitée à me mettre sur les listes. J’ai répondu : « Pourquoi pas ? » C’était un coup de colère, qui a duré vingt ans. Après, le Code du Travail est devenu mon livre de chevet. J’ai suivi des stages de formation. J’avais une bonne équipe avec moi. »
« Seule femme à la tête d’une armée d’hommes », Marie-Claude pouvait se fier à son tempérament pour se faire respecter. « J’ai une force de caractère comme un cheval ardennais. Travailler dans une usine, ça forge le caractère. Il faut aussi savoir faire la part des choses, rire, entendre la plaisanterie, parce qu’avec des hommes, ce n’est pas toujours facile. Mais il faut aussi savoir répondre, se faire respecter. Et ça n’a jamais manqué. »
Du syndicalisme, Mme Moriau saute le pas et s’engage dans la vie politique. Elle accepte d’être la suppléante de Boris Ravignon (UMP) aux dernières législatives. « Ce n’était pas un engagement politique, mais un devoir de mémoire, martèle l’ex-représentante des Porcher. Boris m’a demandé d’être sa suppléante. Je n’ai pas hésité. Je lui dois beaucoup en matière d’emploi, d’aide pour tous nos dossiers. La mairie, elle, n’a rien fait. Lors de la première réunion que j’ai eue avec Philippe Vuilque, il m’a dit que Porcher, c’était foutu. J’ai trouvé ça un peu rapide. Si c’était foutu pour lui, ça ne l’était pas pour moi, car derrière la fermeture, il n’y avait pas que la marque Porcher, mais 148 emplois, 148 familles. A mes yeux, cela représentait beaucoup plus que la remarque du maire. »
Face à ceux qui lui reprochent encore d’avoir soutenu un candidat UMP, Marie-Claude Moriau reste de marbre. « Je n’ai jamais regardé son étiquette, assure-t-elle, mais l’homme, celui qui s’est dévoué sur l’emploi pour notre boutique. Je n’ai jamais parlé UMP avec Boris. Pour un moi, être syndicaliste, c’est défendre les personnes, une cause, et notamment l’emploi. Si les gens ne le comprennent pas, tant pis. »
Et d’enfoncer le clou : « Si c’était à refaire, je le referais. Je n’ai pas défendu une étiquette politique : je n’en ai pas. Pour moi, aujourd’hui, la droite et la gauche, ça ne veut plus rien dire. On a cru au changement, on a vu le résultat. J’ai des idées de gauche, de droite. J’estime qu’on peut puiser partout. Avec plein d’idées, on peut faire quelque chose de très bien et arriver à sortir de ce laxisme qui nous entoure. »
Un cheval de bataille, l’emploi
Appliquant ce statut d’apolitisme à la liste « Pensons, Vivons Revin », Marie-Claude Moriau met en avant les points communs qui unissent ses colistiers, « une équipe qui avance » et qui devrait faire avancer les autres, selon elle, si les électeurs décident de la porter à la mairie. Se présenter au côté de Daniel Durbecq, ancien chef d’entreprise, lui semble naturel. « Je n’ai pas vu Daniel comme un chef d’entreprise, avance l’ex-syndicaliste. J’ai beaucoup apprécié qu’il vende son entreprise en se faisant l’obligation de garder son personnel. De nos jours, les gens sont plus occupés par le capital et se moquent du capital humain. Pas lui. »
Pour elle, son expérience syndicale peut apporter beaucoup dans la gestion d’une ville. « Si nous sommes élus, j’aimerais faire du social, projette Mme Moriau. Le projet qui me tient particulièrement à cœur, c’est l’emploi, mon cheval de bataille. Quand je vois notre usine scindée en quatre morceaux, et qu’on me dit : « On peut y faire revenir des PME », je veux faire quelque chose. Si je peux faire rentrer dans ces entreprises les gens qui sont sortis de chez Porcher, je le ferai. J’irai jusqu’au bout. Je le leur ai promis. »
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Mise à jour du Jeudi 20 Mars 2014, 17h15.
* Mécontent du fait que nous avions présenté sa liste comme étant DVD dans le chapeau de notre article, Daniel Durbecq nous a sommée de retirer ce qualificatif, arguant qu’il avait mentionné « sans étiquette » sur le document de sa déclaration en préfecture. Or le Ministère de l’Intérieur indique bien que la liste « Pensons, Vivons Revin » est nuancée DVD. De même, celle présentée par Karim Mehrez l’est DVG.
La raison en est la suivante, comme le rapporte le journal Le Monde, que nous citons : « Depuis cette année, le mode de scrutin des communes de 1 000 à 3 500 habitants est aligné sur celui des plus grandes communes. Outre l’obligation de déposer des listes complètes et paritaires, les candidats ont dû déclarer une « nuance politique » conforme à la nomenclature officielle établie par le ministère de l’intérieur. Les candidats se déclarant « sans étiquette » s’en sont vu attribuer une de manière discrétionnaire par les préfectures. La « nuance », qui se veut distincte de « l’étiquette » et du « parti » politique, correspond à un parti, un mouvement ou une tendance politique. (…) »
Cette nouveauté a causé beaucoup d’émoi dans les villes concernées. Qu’on soit d’accord ou pas, c’est une chose. Mais, comme le souligne le quotidien national, « cette classification obligatoire instaurée par le ministère de l’intérieur doit « permettre une meilleure connaissance et compréhension des équilibres politiques nationaux » et « apporter un éclairage aux citoyens sur l’offre politique qui a lieu à un moment donné de notre histoire ». »
Après, que M. Durbecq nous accuse d’avoir voulu le « flinguer », c’est accorder beaucoup trop d’importance à la presse, qu’elle soit professionnelle ou citoyenne. On peut tout de même supposer que les électeurs vont fonder leur choix sur le programme de l’un ou l’autre candidat.
M. Durbecq ayant par ailleurs regretté de nous avoir reçue, nous avons supprimé l’entretien de présentation de son programme publié sur @rdenne-mag. Ceci doit être précisé afin qu’on ne nous taxe pas de faire campagne pour le maire sortant. A préciser également, Karim Mehrez ne nous ayant pas communiqué son programme, les lecteurs n’en trouveront donc pas la trace sur le blog.
Pour finir, informons également nos lecteurs que nous avons changé à sa demande la photographie qui illustrait le portrait de Marie-Claude Moriau. Cette photo la représentait en campagne pour les législatives avec Boris Ravignon et Benoît Huré. Un choix qui correspondait à une partie de l’article. La demande ayant été formulée sans agressivité, nous l’avons acceptée. Là encore pour ne pas être incriminée.
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