Alain Roy vire en tête au soir du premier tour, mais il devra compter avec les voix des électeurs de Karim Mehrez pour être réélu maire.

Un Avenir pour Revin et Pensons Vivons Revin seront les deux listes présentes au second tour, le 30 Mars prochain. (Photo @rdenne-mag)
Alain Roy s’attendait à ne pas franchir la barre des 50 % dès le premier tour. Il ne s’en cache pas. « Je n’en suis pas du tout surpris. Nous avons fait presque 47 % malgré la présence d’une liste d’extrême-gauche, qui – elle – obtient 9,63 %. Notre liste arrive assez nettement en tête avec 90 voix d’avance sur la deuxième. »
Justement, cette liste que le maire sortant qualifie d’extrême-gauche peut-elle constituer un réservoir de voix pour la liste d’Union de la gauche ? « Je ne sais pas si nous ferons le plein des voix, reconnaît M. Roy. C’est maintenant à Karim Mehrez de se positionner. Par rapport au scrutin de 2008, il nous manque 4 points pour obtenir les mêmes résultats que Philippe Vuilque, élu au premier tour. La configuration n’était pas la même alors. »
Marie-Claude Moriau, numéro 2 de la liste Durbecq*, laissait poindre sa satisfaction à l’issue de la proclamation des résultats. Plus prolixe lorsqu’elle était syndicaliste, elle joue la carte de la prudence en ce qui concerne le commentaire politique : « Pour le moment, je me réserve jusqu’à dimanche prochain, mais je suis très contente. Je n’en attendais pas moins des Revinois, » lâche-t-elle avec satisfaction.
Karim Mehrez, tête de liste Revin Tous Ensemble, n’a pas franchement créé la surprise, car les observateurs s’attendaient à ce qu’il fasse un bon score, compte-tenu d’un mouvement de ras-le-bol général lié notamment à la crise économique. Ratant de peu la barre des 10 %, qui lui auraient permis d’être présent au deuxième tour, le jeune commerçant issu de la diversité est le premier candidat – de par son âge et ses origines – à peser dans une élection municipale à Revin.
Malgré les difficultés rencontrées pour composer et financer sa liste, il a bousculé le schéma traditionnel. « Je suis très content du résultat obtenu par ma liste, annonce-t-il le sourire aux lèvres. Nous avons pu démontrer que nous étions capables de monter quelque chose, même si nous n’avions pas derrière nous un appareil gigantesque. On était sans parti, on s’est autofinancés. Nous avons montré qu’il y avait des gens derrière nous, qui représentent 10 % des suffrages exprimés, et qui instiguent un deuxième tour dont nous allons être les arbitres. C’est historique à Revin.»
Qu’attend Karim Mehrez de cet entre-deux tours ? «J’espère que nous serons entendus à notre juste valeur. Tout simplement. Ma porte est ouverte à Alain Roy et Daniel Durbecq pour discuter, pour qu’on puisse ensuite donner des consignes de vote. Je souhaite vraiment dialoguer avec les deux candidats, parce que nous sommes dans le cadre d’une élection locale. Nous ne sommes pas dans une dimension nationale. On est ouverts à toutes propositions de ces deux personnes.»
Des propositions, certes, mais lesquelles ?« Nous attendons qu’ils ajoutent à leurs programmes certains des projets qui étaient présents dans le nôtre, précise Karim Mehrez. Ou encore qu’ils prennent éventuellement sur leur liste des personnes présentes sur la mienne. Nous donnerons une consigne de vote à ce moment-là. »
Et d’annoncer tout de go : « J’ai déjà un contact avec l’un des deux candidats, qui a demandé à me rencontrer dès demain (lundi, ndlr). J’attends de voir maintenant si l’autre candidat est prêt à venir discuter avec moi. »
« Nous avons mené une campagne assez virulente : j’ai été formé comme ça dans les rangs du parti socialiste. C’est d’ailleurs pour ça qu’on a toujours gardé le PS à Revin et dans la circonscription, parce qu’on a une formation « guerrière ». Et puis, les personnes présentes sur notre liste ont agi par conviction. Aujourd’hui, les uns comme les autres ont pu se rendre compte que nous avons pu mettre en place beaucoup de choses par conviction, que des électeurs nous ont soutenus. »
Un peu polémiste sur les bords, le jeune homme en rajoute une couche : « Je suis très content parce j’ai pu faire mieux que d’autres partis qui se sont présentés avant, notamment le parti communiste. Je fais un meilleur score que leur dernière représentation. Je suis très, très heureux de cela. »
Karim Mehrez serait-il prêt à faire voter pour une liste nuancée divers droite au premier tour ? « Nous sommes dans une élection locale, je le répète. Je défendrai les hommes et les projets. Je ne regarde ni droite ni gauche. Je suis quelqu’un de gauche, je défendrai les valeurs de gauche. Il n’y a pas de souci ». Uneprofession de foi, en quelque sorte.
Dominique Ruelle, numéro deux de la liste Un Avenir pour Revin, adjointe sortante et conseillère générale, n’est pas surprise par cette mise en ballottage : « On attendait ces résultats. À partir du moment où deux listes de gauche étaient en présence contre une seule liste de droite, il ne pouvait en être autrement. Il y a une logique, mais nous n’avons pas de raison d’être pessimistes pour dimanche prochain. C’est sûr qu’on aurait été très contents de passer au premier tour. »
Quant à savoir si le second tour présente un risque pour la liste du maire sortant, la réponse est claire. « À partir du moment où une élection n’est pas finie, il y a toujours un risque. (…) Je veux dire qu’on est plutôt sur une tendance qui nous est positive plutôt que négative. Si je disais qu’il n’y a pas de risque, ce serait de l’inconséquence. On ne peut pas préjuger du vote des électeurs. Je souhaite seulement qu’ils continuent à aller du même côté, c’est-à-dire que les électeurs de Karim Mehrez, qui sont des électeurs de gauche, puisqu’ils le disent, sauront voter utile pour que la gauche reste à Revin. »
Jacky Sarazin, responsable local du parti communiste, n’est pas surpris par les résultats serrés de ce premier tour : « Il y a sûrement une importante défection des voix de la gauche, à Revin, sur ces élections. Ma première analyse, c’est – en partie, bien sûr – qu’il s’agit d’une sanction de la politique gouvernementale. Beaucoup de gens sont déçus d’une politique qu’ils espéraient plus à gauche.»
« La situation économique locale a également joué un rôle, avec Electrolux. Quand ils sont dans l’angoisse, soit les électeurs s’abstiennent soit ils se réfugient peut-être un peu partout, y compris dans des listes plus ou moins inconnues pour se défouler et se libérer. Dans un premier temps, à chaud, c’est ma réflexion. »
Pour le secrétaire de la section revinoise du parti communiste, le second tour est empreint d’incertitudes : « Le deuxième tour va être compliqué. La liste de Karim Mehrez était classée divers gauche. S’il s’agissait d’une liste « typiquement » DVG, elle devrait voter en grande partie pour celle d’Union de la gauche emmenée par Alain Roy. Par contre, là, comme elle est un peu plus hétéroclite, ce n’est pas évident.»
«Ce serait quand même surprenant que sa liste appelle à voter Monsieur Durbecq qui, même s’il se dit sans étiquette, représente quand même pour moi une liste de droite, puisque Else Joseph, la secrétaire départementale de l’UMP, a déclaré il y a quelques jours avoir un petit espoir sur Revin. Donc, ça ne peut être qu’avec la liste de Monsieur Durbecq.»
Un comité d’entreprise doit se réunir le mercredi 26 Mars prochain au sein du site revinois d’Electrolux. Les annonces qui pourraient être faites auront peut-être une influence sur le deuxième tour. Qu’en pense Jacky Sarazin ? « Comme je le disais, le contexte économique joue beaucoup et les gens sont déboussolés. En plus, l’ambiance chez Electrolux est quand même très mauvaise. Les salariés ne sont pas groupés. Tout le monde le sait. Cela ajoute donc encore à ce désarroi des Revinois pour la politique actuelle. »
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* Nous n’avons pas demandé à Daniel Durbecq de commenter les résultats du premier tour, suite au comportement de ce dernier lors de la parution de notre portrait de Marie-Claude Moriau. Nous rappelons aux lecteurs que la tête de liste Pensons, Vivons Revin nous avait accusée avec véhémence d’avoir voulu le « flinguer » en qualifiant sa liste de « divers droite », appellation retenue par le ministère de l’Intérieur. Sans doute Monsieur Durbecq n’avait-il pas remarqué qu’une mention « Divers » était proposée aux candidats apolitiques. D’autre part, nous doutons que le challenger d’Alain Roy ait pourfendu les journalistes de l’Union-L’Ardennais lorsque leur média a rapporté les propos d’Else Joseph à l’encontre de sa liste. Le débat démocratique ne sort pas grandi de tout ça, et l’incident est révélateur.
(Mise à jour le lundi 24 Mars 2014, à 15h00.)