
Le maintien de la liste Masseret au second tour est un acte responsable, selon Cédric Jagielski. (DR)
Lors du premier tour, la liste conduite par Jean-Pierre Masseret, alors estampillée PS, est arrivée troisième avec 16,11 % des suffrages exprimés, derrière le FN Florian Philippot (36,07 %) et le candidat LR-UDI Philippe Richert (25,83 %). Des résultats qui ont un peu sonné les régionaux ACAL (Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine), mais sans les conduire pourtant au renoncement. La tête de liste « + Forte, + proche, notre région avec J-P M » a très rapidement confirmé sa présence lors du second tour. « Un maintien contre vents et marées », résume pudiquement Cédric Jagielski.
Pour le Revinois, cette annonce « n’a surpris personne », puisque les candidats avaient envisagé le cas de figure d’une troisième place : « [Jean-Pierre Masseret] avait annoncé à l’ensemble des colistiers et à la presse son intention de se maintenir. Il avait raison et je soutenais déjà cette démarche. En ne nous désistant pas, nous faisons le choix de respecter les électeurs nous ayant accordé leur confiance. »
Parmi les arguments avancés pour justifier la présence de sa liste ce dimanche, C. Jagielski avance qu’il « est en effet inconcevable de ne pas avoir de représentants de gauche au sein de la nouvelle assemblée régionale du Grand-Est. C’est prendre le risque d’être inaudible sur des enjeux essentiels au vu des compétences confiées aux grandes régions : développement économique, emploi et formation professionnelle, construction et entretien des lycées, transports, culture, environnement… » Mais l’enjeu est aussi politique : « Pendant six ans, la gauche laissera l’extrême-droite être le principal opposant à la droite, et inversement. Dans ces conditions, il est difficile d’envisager un retour. »
Les colistiers de J.-P. Masseret assument leur engagement offensif : » En ne nous désistant pas, nous ne participons pas à la stratégie d’évitement du FN, qui est improductive et donne du poids aux arguments phares du FN que sont la victimisation et le système UMPS. »
Le militant PS affiche sa détermination à faire entendre les voix de la gauche au sein de l’assemblée régionale : « En ne nous désistant pas, nous faisons un choix pleinement responsable, car nous continuerons à défendre les valeurs humanistes de solidarité, de justice, de progrès au sein de la nouvelle assemblée régionale, même en minorité ».
Pressions
Si Annie Flores, ex-Première du Parti socialiste ardennais, a choisi de se retirer « sans avoir subi de pressions », selon ses dires, elle est le seul membre de la liste « Ardennes » (conduite par Joëlle Barat) à faire défection pour le second tour. « Je ne critiquerai pas la décision des colistiers ayant décidé de se désister, prévient C. Jagieslki. Je la respecte. En revanche, je n’apprécie pas du tout les méthodes, les injonctions de Solférino (siège du PS, ndlr) guidées par Matignon« .
En ce qui le concerne, le Revinois a bien été approché au téléphone par les instances de son parti, mais des problèmes techniques ont fait que la communication avec son interlocuteur a tourné court. « Ne captant pas très bien, j’ai tenté de le joindre à mon tour, explique-t-il. Sans doute souhaitait-il me faire part de ses arguments pour me désister ». Le réseau téléphonique allié de J.-P. Masseret, Solférino ne l’avait sûrement pas envisagé.
De toute façon, le désistement était une option que le candidat ardennais avait refusé dès l’annonce des résultats du premier tour, alors que l’injonction des instances dirigeantes n’était pas encore parvenue aux intéressés. « En raison de ma volonté de me maintenir sur la liste de Jean-Pierre Masseret, je risque peut-être l’exclusion du parti, concède le rebelle, mais ce n’est pas une crainte. J’assume, je suis un homme de convictions, de gauche, libre et engagé. «

Avec ou sans lunettes, Jean-Pierre Masseret n’est pas homme à déposer les armes. (DR)
Une réforme incomprise
Les raisons de l’échec rencontré par les socialistes lors du premier tour interpellent davantage Cédric Jagielski que les crises d’autorité des caciques de son parti. « Peut-être que la réforme des régions n’a pas été forcément bien comprise par les citoyens, avance-t-il. Mais je pense avant tout que le contexte national a beaucoup joué, notamment après les attentats de Paris et de Saint-Denis, mais aussi avec l’actualité liée à l’accueil des migrants. »
L’actualité internationale a par ailleurs été prise en otage par Marine Le Pen, mais ce fait ne justifie pas à lui seul une déroute électorale, qui était attendue : « Le FN a surfé sur des thématiques nationales sécurité, immigration, avec la complicité de médias. La réforme des régions a été peu expliquée, tout comme les futurs enjeux de ces nouvelles grandes régions. Je pense aussi que l’exécutif a une grande part de responsabilité en ne se remettant pas en cause. Les citoyens attendent une autre politique économique, fiscale et sociale. En somme, l’application du programme de François Hollande, celui sur lequel il a été élu. »
Les analystes politiques, et certains élus, considèrent que le gouvernement Valls est déconnecté des attentes de la population. Pour le dernier président de la région Champagne-Ardenne, Jean-Paul Bachy, cette critique vise aussi bien les partis de gauche que ceux de droite. Les attentes suscitées lors de l’élection de François Hollande, en 2012, n’ont pas été satisfaites. Le candidat ardennais le regrette : « Certaines mesures ont créé l’insatisfaction des électeurs vis-à-vis du gouvernement, tel le gel des pensions de retraite. Le gouvernement n’a pas instauré la réforme fiscale promise avec une fiscalité progressive, donc plus juste pour les ménages et les entreprises. Au lieu de cela, il a accumulé les mesures techniques ayant frappé essentiellement les classes moyennes et populaires ».