Les récents attentats de Nice et de Saint-Étienne-du-Rouvray ont cristallisé les impatiences de la droite vis-à-vis du gouvernement. La « désunion » nationale est devenue une règle à neuf mois des élections présidentielles.

Le Père Jacques Hamel est mort égorgé le 26 juillet, après avoir célébré la messe dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray, près de Rouen. (Photo Diocèse de Rouen)
Sur les réseaux sociaux, de nombreux politiques ont fait part de leur indignation, mais aussi de leur impatience, voire de leur colère vis-à-vis du gouvernement Valls. Bien sûr, d’importantes échéances électorales se profilent, mais on ne peut nier que la prise de parole des élus réponde en écho aux inquiétudes, voire aux peurs ressenties par les citoyens face à une succession d’événements haineux et violents.
Pour ce qui concerne notre département, Boris Ravignon, maire (LR) de Charleville-Mézières, a dégainé le premier sur la Toile, résolument offensif : »Je ne veux plus pleurer« , pose-t-il d’emblée, après « l’horreur de l’attaque commise ce matin [mardi 26 juillet, ndlr] contre un prêtre catholique et quelques fidèles dans une église de Saint-Étienne-du-Rouvray ».
« Après Charlie Hebdo, après le Bataclan et les terrasses de Paris, après Bruxelles, après Nice, après tous ces morts, toutes ces souffrances, » l’édile veut en finir avec les commémorations, les marches blanches, les minutes de silence et les drapeaux en berne. « Malgré une peine immense et ma compassion pour les victimes, explique-t-il, je refuse de me prêter plus longtemps à des gesticulations de nature à détourner l’émotion de mes concitoyens de son exutoire légitime : l’action. »
Une cause criminelle
Déjà, peu après la commémoration de l’attentat de Nice, Boris Ravignon avait pointé la responsabilité de l’État vis-à-vis des citoyens. « Dans un état de droit comme le nôtre, rappelle-t-il une nouvelle fois, l’État a le monopole de l’action en matière de lutte contre les violences qui nous sont faites. J’attends de ceux qui ont, les premiers, utilisé le mot de ‘guerre’, à savoir le Président de la République et le Gouvernement, qu’ils mettent désormais leurs actes en accord avec leurs propos et qu’ils prennent la pleine mesure de la gravité de la situation. »
Pour éviter les amalgames, une précision s’impose : « Notre ennemi, ce ne sont pas les millions de Français musulmans qui vivent dans notre pays, parfois depuis plusieurs générations. Non, notre ennemi, ce sont quelques milliers de ratés, de petites frappes, de délinquants minables, qui ont embrassé une cause criminelle drapée d’intégrisme religieux, dont ils espèrent qu’elle sauvera leurs misérables existences. »
« Beaucoup de ces individus sont parfaitement identifiés et fichés par nos services de renseignement« , pointe le maire. « Quand allons-nous, enfin, nous donner les moyens de les placer tous hors d’état de nuire ?« , interroge-t-il tout en se gardant bien d’évoquer la responsabilité de Nicolas Sarkozy dans cette insuffisance reprochée. En effet, c’est l’ancien président de la République qui a imposé une réforme décriée des services de renseignement (2008), privant le renseignement français de moyens de surveillance sur le terrain.
Depuis janvier 2015 et l’attentat contre Charlie Hebdo, les attaques contre notre système de valeurs se sont accélérées. Cette guérilla islamiste, l’élu carolo la qualifie « d’affront extraordinaire qui nous est fait« . L’étymologie nous rappelle le sens premier de ce mot « front à front, attaque ». Et pour Boris Ravignon, il s’agit bien de cela. D’où son appel à « une mobilisation et des moyens eux-mêmes extraordinaires« , [car] « je suis convaincu qu’on ne gagne pas une pareille guerre, en la faisant à moitié. »

Boris Ravignon veut en finir avec les drapeaux en berne. (Photo @rdenne-mag)
De fausses propositions
Députée (LR) de la première circonscription, Bérengère Poletti a partagé à son tour sur les réseaux sociaux les réactions que lui inspire l’attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray. Reconnaissant qu’il est impossible de « poster des forces de l’ordre partout, ni tout prévoir, ni tout éviter« , celle qui se déclare « triste et révoltée » accuse pourtant implicitement le gouvernement d’incompétence, car « nous pouvons faire mieux« .
La justice n’échappe pas à ses foudres, puisque la parlementaire s’offusque de la libération en mars 2016 d’Adel Kermiche, l’un des assassins du père Hamel, puis de son assignation à résidence sous bracelet électronique (contre l’avis du Parquet de Paris, qui avait fait appel). « Pourquoi ? », écrit-elle. Sans doute parce que le Codé pénal l’a autorisé, et que les lois sont votées par le parlement.
Autre cible de madame Poletti, ses collègues de l’hémicycle, enfin ceux de gauche, qui refusent de voter les amendements proposés par la droite. Or, sur la dizaine de propositions listées dans son post, un bon nombre sont déjà en application.
La loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 a permis d’actualiser le régime des assignations à résidence. Désormais, toute personne « à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public » peut être assignée à résidence et faire l’objet d’une surveillance électronique. « 10 500 personnes ont une fiche S au titre de l’islamisme radical, à des degrés d’implication très différents« , indiquait Manuel Valls le 23 décembre 2015. Ces mesures ont montré leurs limites avec l’attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray, puisqu’elles n’ont pas empêché Adel Kermiche de commettre son forfait.
Pour ce qui est de « la fermeture administrative de certains lieux de culte lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’il constitue une menace pour l’ordre public« , la même loi prévoit la dissolution « par décret en conseil des ministres les associations ou groupements de fait qui participent à la commission d’actes portant une atteinte grave à l’ordre public ou dont les activités facilitent cette commission ou y incitent« . Trois mosquées ont été fermées en décembre 2015 (Lyon, Gennevilliers, Lagny-sur-Marne). Le nombre en est certainement insuffisant, mais c’est un début.
Bérengère Poletti et ses collègues LR souhaitent par ailleurs « un renforcement des moyens dont disposent les forces de l’ordre, en élargissant les possibilités de contrôle d’identité« . Là encore, ces moyens sont prévus dans le cadre de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, qui renforce les différents moyens de lutte contre le crime organisé, et notamment le terrorisme. Le code de procédure pénale a été remanié dans le but d’encadrer juridiquement contrôles d’identité, visites de véhicules, contrôles visuels et fouilles de bagages, ou encore retenues administratives de personnes pour examen de leur situation (article 78-2-2).
Des mesures répressives
Autres mesures souhaitées par la droite et reprises par la députée ardennaise, la « création d’un nouveau délit, qui sanctionne de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le séjour intentionnel sur un théâtre étranger d’opérations terroristes, afin de permettre le contrôle judiciaire ou la détention provisoire de djihadistes dès leur retour de l’étranger, sans qu’il soit nécessaire de rapporter la preuve d’une entreprise terroriste autonome« . Puis, application systématique d’une peine complémentaire d’interdiction du territoire français « pour les étrangers qui ne séjournent pas régulièrement sur notre sol depuis au moins dix ans et qui se seraient rendus coupables d’un crime ou d’un délit puni d’une peine d’un an d’emprisonnement. »
Le parti de Nicolas Sarkozy prône encore « la création d’un délit d’interdiction de combattre à l’étranger sans autorisation » et souhaite que soient facilitées « les expulsions des étrangers soupçonnés ou condamnés pour terrorisme. » Que faire alors des terroristes français, tels Adel Kermiche et Abdel Malik Petitjean ?
Et s’il fallait une preuve que certaines critiques ont un lien plus ou moins subliminal avec les prochaines échéances électorales, en voici une. Bérengère Poletti n’hésite pas à promouvoir une idée de François Fillon, dont elle soutient la candidature aux primaires de son parti : » Je retiens notamment (…) l’utilisation du livre IV du Code pénal, ‘dont une disposition permet de condamner à 30 ans de prison toute personne qui entretient des relations avec l’ennemi’, et la constitution d’une armée numérique pour lutter contre l’Etat islamique. »

Lors de l’inauguration de la mosquée En Nour, à Nice, Ouassini Mebarek, président de l’IMEN, a voulu rassurer, évoquant un « islam du juste milieu, loin de tous les extrémismes. » (capture d’écran)
Du financement de l’islam
« Pourquoi ne pas s’attaquer aux réseaux financiers qui alimentent et nourrissent cette bête immonde ? « , s’interroge enfin Bérengère Poletti. C’est là encore oublier (pour des raisons politiciennes ?) les mesures du plan d’action national contre le financement du terrorisme ou le rôle étendu de Tracfin* dans la lutte contre les circuits financiers du terrorisme.
En ce qui concerne l’interdiction du financement étranger des mosquées réclamé par la droite, Manuel Valls s’y est déclaré favorable, « pour une période à déterminer« , lors d’un entretien accordé le 29 juillet au Monde. Mais cet engagement semblerait toutefois plus facile à énoncer qu’à tenir.
En effet, la récente ouverture de la mosquée En-Nour, à Nice, nourrit la polémique. Christian Estrosi, premier adjoint au maire, a beau jeu d’interpeller le chef du gouvernement : « Pourquoi monsieur Valls a-t-il autorisé […] l’ouverture d’un lieu de culte qui est la propriété et qui est financé par l’Arabie Saoudite, un pays où l’on pratique le salafisme et où la loi de la charia s’impose ? »
Pour en savoir plus
http://www.gouvernement.fr/action/la-lutte-contre-le-terrorisme