Tenue jusqu’à présent à l’écart du projet de rénovation d’Orzy, la population du quartier semble déstabilisée. Elle a manifesté son inquiétude lors de la première réunion publique tenue à la salle familiale. Morceaux choisi.

La mairie et les bailleurs sociaux ont tenté en vain de nouer un dialogue serein avec l’assistance. (Photo @rdenne-mag)
Une enquête ? Quelle enquête ?
Certains participants avaient visiblement envie d’en découdre avec la mairie et les organismes bailleurs. « On nous met devant le fait accompli », tempête Chabane Sehel (et d’autres).Certains contestent la réalité de l’enquête diligentée en 2008 par Espace Habitat et Habitat 08. Cette dernière visait à connaître les intentions des locataires pour affiner le nombre de logements à construire.
« Les gens qui se sentent concernés par ce projet son présents et personne n’a eu connaissance de cette enquête », répond un jeune à Dominique Ruelle, qui l’a invité à venir consulter en mairie les archives de l’enquête.
Marie-Pierre, qui travaille au centre social, n’a pas la mémoire qui flanche : « Je me souviens avoir été invitée par l’IRTS de Reims à une réunion publique à la salle familiale. » Mais Chabane ne désarme pas : « L’enquête de 2008 est-elle en adéquation avec ce que les gens vivent sur le quartier ? Est-ce que, aujourd’hui, vous imposez un projet ou bien est-il encore temps de discuter, de se mettre autour de la table ? »
Attachés à leur quartier
Si certains locataires actuels ont informé leurs organismes sociaux de leur souhait de quitter Orzy après la rénovation, il faut bien admettre qu’une partie d’entre eux refusent d’envisager leur départ pour le centre-ville ou un autre lieu. Ils sont viscéralement attachés à leur quartier.
Président de l’Amicale des locataires d’Orzy-Revin, Belgacem Achouri « déplore ce qui va se passer avec Espace Habitat (démolitions à Orzy et reconstructions rue A. Briand, ndlr). On va construire à Revin. Les gens sont habitués au quartier d’Orzy. Ils s’y sentent bien. Espace Habitat va faire 20 pavillons dans le centre-ville. Ça veut dire qu’il n’y aura plus rien ici. »
Une locataire de l’immeuble Pierre Roux, promis à la démolition, angoisse : « Espace Habitat dit qu’il va reconstruire à Revin. Moi, je ne veux pas aller à Revin. Habitat 08 construit à Orzy, mais nous ne serons pas prioritaires. Et puis, si Espace Habitat construit à Revin, l’école Calmette va fermer. Moi, je reste là. »
Concertation avec les organismes bailleurs
Dès mars 2013, Habitat 08 contactera individuellement ses locataires. « Nous travaillons avec les services de la mairie pour mettre cette procédure au point, informe Didier Hamel. Chacun sera approché de manière individualisée et questionné sur son projet, sur le type de logement souhaité, sa localisation (…). Ce travail d’échanges aboutira à des affectations de relogement qui se concrétiseront lorsque les logements sortiront de terre.»
Loyer ou reste à charge ?
Inquiétude récurrente, la question du loyer exacerbe de nombreux locataires, qui craignent une augmentation, malgré les dénégations des organismes bailleurs. Belgacem Achouri ne croit pas à une stabilité des loyers. Il exige un engagement écrit.
En fait, quand les locataires parlent de loyer, ils confondent avec le reste à charge. D’où une explication pédagogique donnée par le président d’Habitat 08. « Le reste à charge, c’est le loyer + les charges + le chauffage – l’Apel. Il faut prendre en compte le reste à charge, pas le loyer. »
Didier Hamel précise les conditions de prise en charge des frais de déménagement : « Pour votre nouveau logement, s’il est de surface égale, vous n’aurez pas à payer un nouveau dépôt de garantie. Le transfert de vos abonnements (électricité, gaz) sera pris en charge par les bailleurs. C’est pareil pour le camion de déménagement.»
Cohésion sociale
Chabane Sehel considère que le service public est sacrifié dans le projet. « Vous parlez de service public, de cohésion sociale, de rapprocher les gens, mais vous éclatez tout. Ce que je vois sur les plans (des panneaux ont été affichés dans la salle, ndlr), c’est tout l’inverse.(…) C’est incohérent. Vous ne parlez que du récréatif et du social. C’est ça le service public ? Sur Orzy, il n’y a aucune antenne médicale, ni antenne de la Caf (…).»
La réaction de l’adjointe Dominique Ruelle est ferme : « Il ne faut pas dire n’importe quoi. La mairie s’est battue pour que vous gardiez votre médecin. Vous avez la halte-garderie, le centre social, un relais de service public, la bibliothèque municipale, tous équipements qui n’existent pas dans les autres quartiers. A un moment donné, il faut quand même regarder ce que vous avez avant de voir ce que vous n’avez pas. (…) Je ne veux pas entendre que vous n’avez rien sur ce quartier. Vous avez un club de prévention, des éducateurs, des permanences. Il n’y en a pratiquement nulle part ailleurs. »
Des personnes inquiètes
Pompier décidé à éteindre l’incendie ou tout simplement homme de bonne volonté, Jacky Sarazin – qui n’habite pas le quartier mais le connaît très bien – donne son avis : « Une chose me semble importante par rapport à ce que je viens d’entendre. C’est qu’il y a une sorte d’incompréhension entre une grande partie des locataires et des bailleurs sociaux. Je pense qu’ils serait très important que les représentants des organismes bailleurs aillent très rapidement vers les locataires pour les rassurer, pour entrer dans les détails. (…) C’est important pour toutes ces personnes qui sont là et s’inquiètent, parce qu’elles vivent dans des conditions difficiles. (…) »
Une élue du quartier
Conseillère municipale, Sabrina Fantazi a bien du mal à partager son témoignage malgré sa légitimité : « Pour avoir grandi dans ces fameux logements, je sais de quoi vous parlez. En attendant, on a quand même été – il faut être honnête – souvent les laissés-pour-compte. Et pour une fois qu’il y a un projet avec une concertation, … (Elle est brutalement interrompue.) Les bailleurs sociaux ont bien dit qu’il allait y avoir des rencontres de manière individuelle avec jusqu’à trois propositions de logement. Ça reste un projet. La preuve, on nous sollicite. »
Clause sociale
« C’est de la théorie, intervient un jeune. C’est comme sur les autres chantiers. Ils demandent des emplois qualifiés, mais les gens n’ont pas de diplômes. Et des manœuvres, on n’en a pas besoin. Ça se termine par des emplois de gardiennage pour qu’il n’y ait pas de vols de gas oil ou de matériel. »
Histoire de miettes
« On a ramassé les miettes », lance Chabane Sehel, alors que Mme François, de la SCET, insiste sur l’importance du programme (17 millions d’euros pour la première phase, et 10 autres pour la seconde – si elle est réalisée).
Le maire Alain Roy range la réflexion dans sa poche, mais en fin de réunion, il réplique, visiblement excédé par un groupe de quelques personnes particulièrement offensives (« Vous ne faites que casser depuis trois quarts heure », les a-t-il accusées. ) « Quand j’entends dire qu’on n’avait eu que des miettes, excuse-moi, (…), mais des miettes à 17 millions + 10 millions, je voudrais en avoir tous les ans. »