Les esprits de Jaurès et Viénot doivent en faire des cauchemars, mais la gauche a perdu la ville après 69 années de gouvernance SFIO puis PS. Daniel Durbecq, chef d’entreprise à la retraite, s’apprête à prendre les rênes de l’ancienne capitale industrielle de la vallée de la Meuse. Une ville dont il défendra aussi les intérêts au sein de la com’ com’ Ardenne Rives de Meuse.
Il y aura un Revin d’avant et un Revin d’après. Hier, ses électeurs ont dit non au socialisme. Sans doute les raisons de ce choix ne sont-elles pas uniquement liées à la politique. Une partie de la population éprouvait un ressentiment certain vis-à-vis de l’équipe municipale sortante, et particulièrement son maire.
La crise économique, les fermetures successives d’Ideal Stantard et d’Oxame, le sombre avenir d’Ardam ont sans doute représenté un facteur important dans les votes exprimés lors du second tour, les salariés ou travailleurs indépendants ne supportant plus le démantèlement industriel et social de leur ville.
Mais aussi, du moins chez certains, le dépit de voir un gouvernement de gauche faire « une politique de droite », a suscité paradoxalement leur envie d’aller voir ailleurs. De fait, pendant les six prochaines années, Daniel Durbecq et son équipe divers droite vont gérer la ville en appliquant leur slogan de campagne «Pensons, vivons Revin ».

Ancien maire de Revin, Bernard Dahout semble songeur alors que Daniel Durbecq s’adresse au public. (Photo @rdenne-mag)
Une ville à redynamiser
Daniel Durbecq était légitimement satisfait de sa victoire, mais sans ostentation. « On a fait une campagne propre, sans agressivité, estime-t-il. On est allés devant les gens. On a fait du porte-à-porte en continu. On a fait, je pense, ce qu’il fallait faire… C’est vrai que 45 ans de socialisme, ça use. On va essayer de faire le maximum pour sortir du marasme actuel. Il faut qu’on y aille. Il y a beaucoup de travail. »
Le vainqueur s’est adressé aux habitants présents dans la salle des mariages pour leur indiquer quelle sera la feuille de route de son équipe. En priorité, recruter des TPE et PME sur tous les terrains industriels disponibles, dont l’ancien site Porcher. « Derrière moi, j’ai une équipe solide. Nous sommes des gens simples qui avons tous travaillé de nombreuses années.»
M. Durbecq a expliqué ensuite pourquoi il n’avait pas fait le choix d’une retraite tranquille : « Quand on voit l’état de délabrement de la ville, il était obligatoire de faire quelque chose ». Et d’insister sur les causes de la baisse de population (- 5 000 hab. environ en 45 ans, ndlr), devant Bernard Dahout, maire PS de 1994 à 2008. « Je ne jette la pierre à personne, dit-il en s’adressant particulièrement à M. Dahout. Je pense qu’on ne s’est pas battus suffisamment pour sauvegarder l’emploi et le rechercher. Aujourd’hui, nous allons faire ce que nous savons faire.»
Celui qui devrait être élu maire d’ici la fin de la semaine envisage de se muer en commercial pour sa ville, comme il l’a fait pour son entreprise familiale. Puis, il a mis en avant Jean-Bernard Rose, « spécialiste des dossiers », qui était conseiller municipal sortant. Son équipe aura en effet besoin de spécialistes et de bonnes volontés pour gérer les gros dossiers en cours (ANRU, pont St Nicolas), et surtout celui d’Ardam, véritable bombe à retardement

Daniel Durbecq (52,23 %) salue Alain Roy (47, 77%), en présence de Jean-Marie Martin, ex-adjoint à la Culture. (Photo @rdenne-mag)
Un résultat surprenant
Le choc a été violent pour Alain Roy, qui avait pris la succession de Philippe Vuilque en octobre 2012. « Bien évidemment, je suis déçu», admet-il, un peu groggy. C’est un résultat qui mérite d’être analysé, parce qu’il est quand même très, très surprenant. D’après ce qu’on m’a dit, on ne gagne strictement rien par rapport au premier tour. Il y avait un peu de votants en plus, mais en pourcentage, on ne gagne strictement rien. Chacun déduira ce qu’il veut des résultats. »
Quant aux voix de la liste de Karim Mehrez (DVG), l’ancien prof de maths du collège Briand n’en fait pas mystère : « Elles ne se sont pas reportées sur moi, ça, c’est sûr. Mathématiquement, cela se voit. » Une fausse excuse ? Sans doute pas. Daniel Durbecq aurait remercié Karim Mehrez après l’annonce des résultats. Ce dernier a d’ailleurs affiché aujourd’hui son soutien au nouveau maire sur sa page Facebook : « Félicitation à la nouvelle équipe élue, la tâche sera rude mais nous seront (sic) aux côtés de tous pour relever ce challenge. »
La tête de liste L’Avenir ensemble enfonce encore un peu plus le clou dans la paume du socialisme crucifié avec cette diatribe : « J’espère que le parti socialiste aura compris la leçon qu’il ne faut pas mépriser les gens et que c’est de la proximité qu’il faut, les revinois ont fait passer un message aux personnes qui se prennent pour l’ELITE!!! Remettez-vous en question !!! Les revinois vous ont fait comprendre qu’il est temps de renouveler le parti de fond en comble….. Et nous y œuvreront (sic) ! »
Les électeurs de gauche apprécieront. Voir le même Karim Mehrez filmer hier l’échec de son ancienne famille politique avait quelque chose de surréaliste. Visiblement, les trentenaires n’ont rien à envier aux vieux briscards de la politique.

Smartphones et appareils photo ont immortalisé ce grand moment de l’histoire politique de Revin. (Photo @rdenne-mag)
Retraite envisagée
Comme nous interrogions le maire défait sur son son rôle dans l’opposition municipale, ce dernier répond contre toute attente : « Au bout de 37 ans, je crois que je vais laisser la place à Dominique Ruelle, qui sera mieux que moi. Je vais prendre ma retraite ». Occupera-t-il son siège, ne serait-ce qu’un moment ? « Je ne pense pas. De toute façon, je n’ai plus rien à prouver. Je préfère laisser la place à Dominique Ruelle. Elle est jeune. Avec ses colistiers élus, elle suivra les dossiers… Je le redis, je n’ai strictement plus rien à prouver. C’est fini. C’est dommage. »
Une décision respectable compte-tenu du nombre d’années consacrées aux affaires communales, mais dont Karim Mehrez s’empare afin de fustiger ces socialistes honnis. « La démission d’Alain Roy nous montre bien qu’il n’y avait qu’une seule intention de la part de la liste d’union de gauche, écrit-il. En clair, s’ils n’ont pas de place rémunérée il (sic) n’ont pas la volonté de relever la ville. Et moi qui croyait (sic) naïvement qu’il y avait encore des gens au parti socialiste qui voulait (sic) redresser notre ville… je suis déçu !! » Si Brutus a employé une dague pour tuer César, les jeunes loups préfèrent aujourd’hui utiliser les médias sociaux.

Daniel Durbecq a remercié les personnes qui avaient pour sa liste avant de présenter les actions prioritaires de son mandat. (Photo @rdenne-mag)
Une opposition constructive
Ex-première adjointe, Dominique Ruelle n’a rien laissé transparaître de ses émotions. Mais on les devinait pour peu qu’on ait eu à connaître cette femme de conviction et d’écoute, toujours disponible et appréciée des Revinois. Nombreux sont-ils d’ailleurs à regretter qu’elle n’ait pas conduit la liste d’Union de gauche pour ces municipales. À défaut de les remporter, sans doute aurait-elle limité la casse.
Suppléant Alain Roy, encore sous le choc, c’est elle qui a fait l’annonce des résultats. Le futur socialiste de Revin sera peut-être incarné demain par cette femme qui, pour l’heur, est comme ses colisitiers : KO debout.
« Je ne peux quand même pas être réjouie, commente-t-elle. Loin de là. Après, quand on fait le tour dans les Ardennes, à part Sedan où c’est bon, partout où les maires de gauche se sont présentés avec des gens en face…». La phrase se termine dans un silence qui en dit long. Elle reprend : « On s’est pris, je pense, un boomerang de la population, qui s’est dit : « Vu comme ça va, pourquoi pas changer ? » À mon avis, je pense qu’il ne faut pas voir forcément beaucoup plus loin que ça. Malheureusement. Voilà, on a le résultat. Après, comment va-t-on mener l’opposition ? J’ai toujours été quelqu’un de constructif. Je vais le rester. Par contre, si des choses ne me vont pas, je les dirai aussi.»
Très impliquée au sein du CCAS, Dominique Ruelle sera particulièrement vigilante en ce qui concerne la politique sociale de la nouvelle équipe municipale, afin que soit préservé ce qu’elle a contribué à bâtir. « J’espère franchement, parce qu’on a un gros service que j’aimais bien, que j’ai beaucoup contribué à mettre en place avec plein de choses liées à la politique de la ville. Ce sont des services qui sont fragiles parce qu’ils sont financés tous les ans par l’Etat. J’espère que ceux qui vont suivre sauront y voit et l’intérêt et s’accrocher à leurs financements pour les défendre.»

Pour nombre d’observateurs, le report des voix de la liste L’Avenir ensemble n’a pas profité à celle du maire sortant. (Photo @rdenne-mag)
Trahison à gauche
Pressentie pour devenir adjointe, Ingrid Lempereur a du mal à maîtriser ses émotions et à finir ses phrases. Elle se déclare « déçue…, déçue parce que la droite…, déçue pour les salariés plus que pour moi ». Son analyse de la défaite tient principalement au non report des voix de la liste Mehrez sur celle du maire sortant. « Je pense que le report de voix à gauche ne s’est pas fait, c’est tout ».
Quand on l’interroge sur la réalité de l’identité politique de cette liste, la jeune élue communiste rétorque : « Elle était déclarée en tant que telle avec M. Gicquel (numéro trois de la liste L’Avenir ensemble, ndlr), qui était quand même au Parti de gauche et qui s’en revendiquait. Je ne vois pas un Front de gauche appeler à voter à droite. Donc, je ne sais pas…».
Quant à savoir si la défaite de la liste Un Avenir pour Revin est à mettre en relations avec les revers de la gauche au niveau national comme dans les Ardennes, Ingrid Lempereur semble dubitative. « Le vote sanction, on l’avait déjà eu au premier tour, estime-t-elle. Je pense qu’il a peut-être encore une petite part dans le résultat de ce soir. Mais l’écart de voix montre bien le lien entre les 260 voix de monsieur Mehrez et les voix supplémentaires de monsieur Durbecq. Ces voix-là, il n’est pas allé les chercher dans l’abstention. »

Karim Mehrez et ses amis entendent bien ne pas être qu’un feu de paille dans la vie politique locale. (Photo @rdenne-mag)
L’horizon 2020
Certains y pensent déjà. À quoi ? Aux prochaines élections municipales. La mandature n’est pas encore commencée que certains se déclarent déjà. Ce dimanche, Chabane Sehel a affiché son intention sur les réseaux sociaux, alors qu’il félicitait son ami Boris Ravignon (UMP) tout juste élu maire de Charleville-Mézières.
« Pour Revin, le changement c’est maintenant, note-t-il en paraphrasant François Hollande, alors à l’équipe de Daniel Durbecq au travail pour que les revinoises et revinois renoue (sic) avec la confiance qu’ils avaient perdu (sic). Un bilan tout simple, les communistes n’existent plus à Revin, un front de gauche de Claude Gicquel qui commence à vivre et des socialistes qui doivent tirer tous les enseignements de ce scrutin et quand on veut gagner la mairie, un conseil il faut faire attention a (sic) ne pas donner tout au même personne a bonne (sic) entendeur. Pour ma part Rendez-vous en 2020. Je m’y prépare dès aujourd’hui.»
Du côté de Karim Mehrez, on peut escompter que la vigilance qu’il souhaite exercer sur les travaux de la future équipe municipale débouchera sans doute sur une nouvelle candidature. C’est du moins ce que promettent les affiches placardées en ville.
À droite comme à gauche, les ténors sont prévenus : dans le chœur, il y a des aspirants au premier rôle.
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https://ardenne-mag.net/2014/03/30/revin-municipales-daniel-durbecq-elu-revin-la-rouge-vire-au-bleu/