Au lendemain du comité central d’entreprise qui s’est déroulé à Senlis le 14 mars 2013, les salariés d’Ardam s’interrogent sur leur avenir. Que leur réservent les mois à venir ?

Les deux mois à venir seront difficiles à vivre pour les salariés d’Ardam Electrolux. (Photo @rdenne-mag)
Les points info se suivent et ne se ressemblent pas. Après celui – houleux – qui avait suivi la réunion de Bercy, la dernière prise de parole de l’intersyndicale s’est déroulée dans un silence impressionnant. Les salariés sont restés comme tétanisés. Une (absence) de réaction qui ne surprend pas Jacques Faïeff, membre de l’intersyndicale : « Ils attendaient ce matin quelque chose de beaucoup plus concret que ce que nous leur avons annoncé. On voudrait bien leur donner plus d’informations, mais on ne les a pas. Je comprends leur réaction. »
De fait, Lysian Fagis, porte-parole, n’avait pas grand-chose de nouveau – et surtout de plus précis – à leur annoncer, hormis le lancement du droit d’alerte. La question suivante a été posée lors du CCE : « Pour quelles raisons économiques le groupe Electrolux a pris la décision, lors du Board du 19 octobre, d’arrêter la production des lave-lingeTop à Revin à la fin de l’année 2014 ? »
Pour l’assister au cours de la procédure, l’intersyndicale a poursuivi sa collaboration avec le cabinet Syndex. Un choix qui n’a pas été du goût de tout le monde, mais que la CFDT – syndicat majoritaire – juge le plus approprié puisque ce cabinet accompagne les salariés depuis le début du projet ARdennEs.
Autre exercice difficile, voire périlleux, celui de l’appel à la reprise du travail. « On ne peut pas rester pendant deux mois sans travailler ou bien travailler au ralenti, a risqué Lysian Fagis. Il faut bouger, mais aussi prendre ses responsabilités. L’intersyndicale vous demande de reprendre le travail. » Mais pour autant, il n’est pas question de cesser d’exercer une pression sur la direction d’Electrolux. Des actions ponctuelles sont d’ores et déjà envisagées.
Transition industrielle
Compte-tenu des annonces faites à Bercy et confirmées à Senlis, Electrolux s’accorde encore quatre années de présence (au moins) à Revin. On devrait donc fabriquer de la top à Revin jusqu’en 2016. Si une solution externe est trouvée entre-temps, deux cas de figure peuvent se présenter.
Soit le repreneur met rapidement en place sa propre production. Alors, Electrolux arrête plus tôt que prévu de fabriquer la top à Revin. Soit, il a besoin de temps pour installer sa production et le géant suédois prolonge la fabrication de la machine à laver sur le site jusqu’à ce que son successeur soit prêt.
Quoi qu’il en soit, même avec l’arrivée d’un nouvel industriel, la fabrication de la hotte aspirante et des chauffe-eau reste acquise à Revin. « Le repreneur aura les hottes et les chauffe-eau dans son panier. » Il s’agit de chauffe-eau électrique, au gaz et avec pompe à chaleur. Ce dernier point est jugé très intéressant, car c’est un créneau porteur.
La production des chauffe-eau représenterait dans un premier temps entre 40 et 50 emplois. Quant à la hotte aspirante, elle occuperait une cinquantaine de salariés. L’arrivée des deux nouveaux produits fournirait donc du travail à une centaine de personnes auxquelles il convient d’ajouter les emplois nécessaires pour le produit du repreneur.
A partir de ces données, il convient de se livrer à un peu d’arithmétique. Ardam compte actuellement 419 salariés. Lors de la présentation du projet « niVer » à Bruxelles, la direction Europe d’Electrolux a évoqué la nécessité de « réduire la voilure » pour rendre le site plus facilement accessible à une reprise.
Lors de son intervention, Agnès Llovera-Villy* aurait dit qu’elle n’avait pas d’information sur le sujet tout en affirmant que Philippe Van der Planken, directeur financier d’Electrolux Europe, s’était engagé à faire reprendre l’ensemble des salariés par l’acheteur. Jacques Faïeff ne croit guère à cette reprise globale. Les chiffres lui donnent raison, ne serait-ce qu’en vertu du nombre de salariés pouvant partir en retraite anticipée.
Rappelons que la tradition de l’entreprise est de laisser partir les salariés de la production dès 57 ans. « Ils sont usés. » En conséquence, le nombre de personnes pouvant partir en retraite anticipée dans les deux ans à venir est de 80. Ce chiffre monte à 100-150 si l’on étend la période à trois ans.

L’intersyndicale a appelé à la reprise du travail. La pression sur la direction d’Electrolux sera maintenue. (Photo @rdenne-mag)
Un suivi en comité d’entreprise
La question qui taraude les esprits est celle de l’identité du futur patron d’Ardam. De ce côté-là, black-out. L’intersyndicale n’en sait pas plus que la base. Deux repreneurs seraient sur les rangs, mais Electrolux a engagé un cabinet d’expertise, KPMG. L’objectif est d’ouvrir le site revinois à d’autres entreprises, qui pourraient s’avérer encore plus intéressantes.
Selon l’intersyndicale, la direction a bien compris que les salariés ne voulaient pas de fonds de pension ou de fonds d’investissement. « Ils nous ont confirmé qu’ils voulaient un repreneur industriel.»
D’ici là, l’avancée du dossier sera contrôlée tous les mois, lors du comité d’entreprise. « On va essayer de faire un point sur l’état d’avancement de ce qui vient d’être acté à Senlis. En premier lieu, les hottes. » L’intersyndicale aimerait savoir où en est le projet, qui n’a pas encore franchi le cap du bureau d’études. Il est toutefois beaucoup plus avancé que celui des chauffe-eau, puisque les membres du groupe de travail ARdennEs avaient déjà travaillé dessus.
Si Revin attend des nouvelles du projet « hotte aspirante », c’est aussi parce qu’un salarié d’Ardam doit intégrer le groupe qui travaille au développement du produit. « Il ne peut pas en être autrement », estime l’intersyndicale. La production devrait démarrer d’ici deux ans. Pour ce qui est des chauffe-eau, il ne faut rien espérer avant quatre années, selon les informations actuellement disponibles.
Bercy acte 2
Le prochain rendez-vous à Bercy aura lieu dans deux mois au plus tard. Aucun accord ne devrait être finalisé. En effet, l’intersyndicale ne pense pas disposer alors de tous les éléments souhaités (nom du repreneur, type et capacité de production, fiabilité financière).
« On aura certainement les grandes lignes », estime M. Faïeff, qui préfère patienter plutôt qu’avoir à valider un projet « au rabais ». L’intersyndicale tient à assurer ses arrières et a notamment exigé la mise en place d’un fonds de garantie pour les salariés qui resteront avec le repreneur afin de leur offrir une garantie financière en cas d’échec de la reprise.
L’intersyndicale ne veut pas bousculer les évènements. « Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. L’objectif, c’est que la solution trouvée soit durable. Il faut que l’intersyndicale obtienne des garanties, à la fois pour ceux qui vont partir, pour qui voudraient partir et pour ceux qui continueront à travailler sur le site. »
En dépit des divergences et des tensions, l’intersyndicale maintient son unité. Du moins pour le moment. « C’est toujours difficile, explique Jacques Faïeff, parce que chaque entité syndicale a ses manières de voir les choses, ses manières d’avancer. Pour faire reculer un géant comme comme Electrolux, il faut être forts et unis.»
* La directrice générale d’Ardam Electrolux s’est adressée aux salariés après l’intersyndicale. La presse n’a pas été autorisée à assister à cette intervention.