Le député PS de la deuxième circonscription n’est pas avare de révoltes. Faisant fi des injonctions fédérales, il apporte son soutien à Jean-Pierre Masseret et à la « gauche qui ne capitule pas ».

Christophe Léonard a salué « la décision courageuse et salutaire de Jean-Pierre Masseret. » (DR)
On ne saurait accuser Christophe Léonard de ne pas aller jusqu’au bout de ses convictions. Et si la menace d’une victoire de Florian Philippot s’estompe un peu après la publication d’un sondage défavorable au candidat Front National, l’heure est à la mobilisation des abstentionnistes. Ce dimanche 6 décembre, 52,09 % des inscrits ne se sont pas déplacés dans les bureaux de vote régionaux. Un chiffre considérable, qui fausse la réelle représentativité des partis politiques en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine (ACAL),
Conscient des risques d’une victoire FN, mais tout autant attaché à préserver l’expression de la gauche dans la future institution régionale, le parlementaire frondeur appelle à voter Masseret. L’heure étant à la solennité, ce qui représente pour lui un acte militant prend la forme d’une « lettre ouverte aux déçu(e)s et aux abstentionnistes du premier tour ».
Sans doute est-il difficile à Ch. Léonard de devoir admettre la réalité du nouveau paysage électoral. « De fait, reconnaît-il, il n’est plus possible de considérer le vote Front National comme un vote de colère ou de rejet secondaire. Il s’agit aujourd’hui d’un vote d’adhésion. Le choc d’un résultat pourtant attendu et annoncé depuis de longs mois appelle par conséquent chacune et chacun à prendre ses responsabilités. »
Tous responsables
Première d’une liste d’acteurs ayant permis que déferle la vague Bleu Marine, la République doit se prononcer sur la question d’un Front National contraire ou pas « à nos valeurs de Liberté, d’Egalité et de Fraternité », afin de mettre fin à « l’hypocrisie morale et politique qui consiste à le diaboliser par commodité et intérêt électoraliste, tout en lui permettant de présenter des candidat(e)s aux élections et donc d’avoir des élu(e)s, et en lui conférant une respectabilité en le recevant à l’Elysée ou encore en l’associant dernièrement à l’hommage solennel de la Nation aux victimes des attentats du 13 novembre. »
Deuxième personnage à partager les responsabilités de la débâcle, la gauche, qui est « partie divisée dans ce scrutin après avoir dirigé la quasi-totalité des régions depuis de nombreuses années, toutes sensibilités confondues, et dont la politique économique et sociale décidée par son gouvernement depuis 2012 est la cause première de sa fragmentation. Cette division est le facteur déterminant de son échec, comme elle le fut à l’occasion des précédents rendez-vous électoraux, puisqu’elle lui interdit toute dynamique dans les urnes et la condamne à disparaître. »
La droite, enfin, est coupable, notamment à travers son chef qui, ce 8 décembre, à Rochefort (Charente-Maritime) « a mis sur le même plan le vote de gauche et celui du Front National, et qui depuis trop longtemps suit une dérive identitaire et sécuritaire qui épouse les thèses du Front National. »
Selon Ch. Léonard, ce grand écart de la droite classique n’épargnerait pas le département des Ardennes : « [Elle] s’est traduite en mars 2014 au sein du conseil municipal de Charleville-Mézières par l’alliance entre le parti Les Républicains et le mouvement Debout la France, sorte d’appendice idéologique du Front National, et par l’abaissement des critères d’éligibilité pour constituer un groupe politique au bénéfice des représentants locaux du Front National. »
Dérive encore en ce qui concerne « les positions clientélistes tenues par les leaders de la droite ardennaise s’agissant de l’accueil des migrants, ou encore par la désinformation sciemment distillée par la droite départementale sur les questions de sécurité et contre l’action efficace menée par le Ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, depuis les attentats de janvier, alors même que les députés ardennais Les Républicains n’ont pas voté la loi renseignement en mai, ni l’actualisation de la Loi de Programmation Militaire (LPM) en juillet, qui vise pourtant à recruter 11 000 militaires d’ici la fin 2016, y compris au sein du 3ème Régiment du Génie de Charleville-Mézières. »
Quant aux élites économiques et au grand patronat, le député socialiste leur reproche leur incapacité à « tenir leurs engagements sur la création d’emplois alors qu’ils en avaient promis un million ». Il les accuse d’être « uniquement préoccupés par leurs seuls profits et la remise en cause de notre modèle social par principe idéologique. »
Au ban des prévenus, on retrouve aussi les médias, qui évoquent rarement « ce qui va bien dans notre société » et ne valorisent pas « les initiatives individuelles et collectives porteuses d’avenir et d’humanité pour ne retenir trop souvent que ce qui divise et fracture notre société. »
Cibles difficiles à atteindre car invisibles, les abstentionnistes n’en sont pas moins condamnables, « car chacune et chacun d’entre nous est responsable de cette situation, qu’il choisisse de voter ou de s’abstenir. Mais seul(e)s ceux qui déposent un bulletin dans l’urne font un vrai choix. Ne pas voter, c’est perdre sa propre liberté au risque de se la voir confisquer par d’autres. »
Enfin, derniers d’une liste de vilains canards de la démocratie, les électeurs qui « adhèrent aux thèses simplistes du type : ‘Demain, on rase gratis’, portées par le Front National, et [qui] pensent y trouver les solutions immédiates à leurs problèmes sans effort. Malheureusement, ils n’en sont pas moins le jouet des aspirations au pouvoir d’une extrême-droite qui n’apporte que de fausses réponses à de vrais problèmes. »
Réalisme économique
Des problèmes, justement, la France et les Français n’en manquent pas. « La réalité à laquelle nous devons faire face, c’est le chômage et une captation des richesses par quelques-uns qui confine à l’obscénité, c’est la désertification économique et le recul des services publics dans nos territoires, c’est aussi la menace terroriste à l’extérieur comme à l’intérieur de nos frontières, sans oublier les enjeux climatiques qui compromettent l’existence même de notre espèce humaine. »
Pour Ch. Léonard, « répondre à ces défis ne peut résider en la suppression du planning familial, la caporalisation des médias et la censure, l’amalgame musulmans-terroristes (…), comme le propose le programme du Front National, mais bien dans un véritable projet de société, garant du pacte républicain et des valeurs d’Égalité, de Liberté et de Fraternité. »
Quant au front républicain, « qui suppose un minimum de réciprocité sur la base d’un socle politique commun partagé, [il] est devenu au fil du temps un bricolage artificiel à l’efficacité incertaine, réfuté par un peuple qui n’y croit plus, et a été définitivement anéanti par le ni-ni sarkozyste. »
Fort de cette analyse, le député Léonard voit en Jean-Pierre Masseret celui qui, par son maintien, « a décidé avec ses colistiers d’appuyer là où ça fait mal et d’ouvrir une nouvelle voie », vers la société de demain.