L’après-réunion de Bercy n’a pas été une partie de plaisir pour les politiques. Christophe Léonard peut en témoigner. Le député PS a été agressé verbalement alors qu’il répondait aux questions d’un groupe de salariés.

Les élus ont parfois été pris à partie par des salariés énervés. A gauche, Christophe Léonard, député PS de la 2ème circonscription, a cependant répondu aux questions de ses électeurs. (Photo @rdenne-mag)
Le député fait la Loi. C’est pour cela qu’il a été élu. Mais quand la Loi – ou l’absence de Loi – bafoue le droit des salariés, ces derniers ont parfois du mal à garder leur sang-froid. En fait, deux mondes semblent se côtoyer sans vraiment se connaître.
Pour un élu, si l’hypothèse d’une reprise de l’usine revinoise est un pis-aller par rapport à une fermeture brutale, il n’en est pas de même pour ceux qui travaillent à la chaîne d’assemblage. « Le problème, c’est que lorsque vous leur parlez de repreneur, lance un retraité, les salariés ont peur. Ils ont Oxame en tête. »
Christophe Léonard a beau répondre que l’Etat ne peut pas tout – et surtout pas mettre à mal la propriété privée -, ses interlocuteurs demeurent perplexes. Pour les convaincre d’une avancée du dossier, il risque : « Aujourd’hui, on a fait bouger des lignes. Je ne dis pas que c’est formidable, mais il faut continuer et… ne pas être le dindon de la farce.»
Question de «voilure»
Dans le groupe, tout le monde a bien noté qu’ Electrolux a affirmé qu’il resterait à Revin au-delà de 2016 s’il ne trouvait pas de repreneur. Avec tout le personnel ou après « réduction de la voilure »? « Ce qui a été dit, répond Christophe Léonard, c’est qu’il n’y aurait pas d’investissements à Olawa tant qu’il n’y a pas de repreneur crédible. La traduction de tout ça, c’est que tant qu’il n’y a pas d’investissements à Olawa, on maintient le site de Revin. »
Pas satisfait de la réponse, un salarié revient sur la « voilure ». Christophe Léonard évoque la pyramide des âges, mais le vieillissement de la population des salariés chez Ardam n’induit pas pour le moment une «réduction de personnel» : « Aujourd’hui, il n’y a aucune proposition de départ en retraite anticipée. Tant qu’il n’y a pas de repreneur crédible, c’est pas d’investissements à Olawa, maintien des effectifs et des volumes, arrivée de nouveaux produits. On contrebalance l’érosion des ventes de la Top par de nouveaux produits (…). Electrolux considère qu’il trouvera une solution crédible avant 2016. Un comité central d’entreprise a lieu jeudi. Il faut déjà rester mobilisés jusqu’à cette date (…).»
La Loi contre les délocalisations
Un salarié réclame que l’Etat légifère sur les licenciements boursiers. Il évoque aussi les matières premières qui quittent la France et reviennent chez nous en produits finis. Le député PS rappelle que « le projet de campagne de François Hollande est toujours d’actualité. Il s’agit de pénaliser fortement une entreprise qui décide d’aller à l’extérieur quand le site est rentable comme à Revin. Les coûts de sortie doivent être si élevés que son patron dira : « Je vais y laisser mes fonds de culotte. » Ce sont les pistes qui existent actuellement. C’est en train de se travailler…. » Conscient de l’impatience de ses interlocuteurs, le député lance en guise d’excuse : « Je ne suis pas ministre. »
Mobilisation tardive
En ce qui concerne les difficiles relations des salariés envers les dirigeants du groupe Electrolux, Christophe Léonard prend acte, mais il tacle aussi le manque d’engagement des premiers : « Vous avez un problème de confiance, analyse-t-il, comme l’a d’ailleurs fait Arnaud Montebourg au cours de la table ronde. « Il faut cependant rester mobilisés. » Et d’adresser un reproche : « Le 11 février, nous aurions dû être là. J’ai rencontré à plusieurs reprises les élus de Revin et l’intersyndicale. J’ai dit alors : « Si un jour il faut être là, c’est le 11 février. Dans un « entre-deux », il faut montrer qu’on est mobilisés. » Or les salariés, consultés par l’intersyndicale, n’avaient pas souhaité dans leur majorité se rendre à Paris. Une erreur stratégique.
Selon l’élu, la mobilisation est d’autant plus importante que l’actualité économique et sociale est chargée. « Le dossier de Revin est dans la pile. Il faut se bouger pour que le dossier soit toujours en haut de cette pile. Il faut maintenir la pression sur les parties. »
Montebourg
Les plus curieux aimeraient savoir ce qui a fait a fait basculer la réunion, quels ont été les arguments décisifs.
« À un moment, Montebourg a dit : « Il y a un problème de confiance (…). Il faut rétablir la confiance. La seule façon de le faire, c’est de tomber sur un accord qui oublie 2016, qui aille au-delà. » Tandis qu’un homme s’inquiète des réelles intentions d’Electrolux, qui pourrait chercher à gagner du temps pour imposer « sa » solution, le député de la 2ème circonscription pense plutôt que la décision du groupe de ne pas investir à Olawa est une garantie. «Maintenant, ils disent qu’ils n’investiront pas. Est-ce qu’ils tiendront parole? »