Tout aura été tenté pour infléchir la décision d’Electrolux de fermer ou vendre son usine ardennaise. Le Préfet des Ardennes vient d’écrire au directeur Europe du groupe suédois.

Jonas Samuelson annoncera le 11 mars 2013 la décision d’Electrolux concernant l’avenir de l’usine revinoise. Le Préfet des Ardennes lui a adressé un ultime courrier. (DR)
Ça ressemble à un match de boxe, dont les règles seraient faussées. Le dernier round aura lieu le 11 mars prochain, à Bercy, en présence notamment de Jonas Samuelson, auquel Pierre N’Gahane a rappelé l’engagement pris « de réétudier les pistes de production internes à Electrolux porteuses d’avenir pour le site de Revin. »
Alors que le projet niVer est finalisé, proposant des solutions industrielles en interne, le numéro un du département a fait en sorte de mettre toutes les chances du côté des salariés, tout d’abord en rappelant à son interlocuteur les principales mesures mises en place par le gouvernement en faveur des entreprises.
« L’une des nouvelles mesures dont Electrolux tirera profit dès 2014 est le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). En vigueur depuis le 1er janvier 2013, le CICE est un avantage fiscal qui équivaut à une baisse de cotisations sociales, sous la forme d’une réduction de l’impôt. »
Selon une estimation, Electrolux pourrait bénéficier d’environ 660 000 euros d’allègement annuel de charges sociales à partir de 2014, soit plus de 3,3 millions d’euros au cours des cinq années à venir.
La législation européenne relative aux aides d’Etat permet à un grand groupe comme Electrolux d’être éligible à diverses aides publiques pour développer des projets à Revin.
La prime d’aménagement du territoire (PAT) est accordée à des entreprises industrielles ou de services qui investissent dans la production ou bien embauchent. « Pour un grand groupe, il faut soit un investissement de 50 millions d’euros s’il n’y a pas de nouvelles embauches, soit 50 embauches en CDI, à la condition que les emplois soient maintenus au moins cinq ans sur le site. »
Des aides à la formation des salariés peuvent également être envisagées grâce au Fonds National pour l’Emploi (FNE).
Si des projets de recherche, développement et innovation (RDI) sont initiés sur le site, Electrolux sera en mesure de bénéficier de la PAT recherche, développement et innovation, « en cas d’embauche de plus de 20 personnes en CDI ou de la réalisation de plus de 7,5 millions d’euros d’investissements.»
Le groupe pourra également compter sur des aides complémentaires de la Région Champagne-Ardenne, ainsi que sur un abondement au titre du Fonds Européen de Développement Régional (FEDER).
Parmi les aides fiscales possibles, on note le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) et le Crédit d’Impôt Innovation (CII) pour des projets à mettre en place sur le site revinois. Des aides d’Oséo (garanties bancaires, prêts et avances remboursables…) sont également envisageables, en fonction des projets précités.
Si la mise en place de nouvelles productions (installation de machines) contraint les salariés à une sous-activité, des aides à l’activité partielle seront mises en place, de façon à maintenir « les salaires à un niveau acceptable par des allocations publiques.»
Electrolux aurait encore la possibilité de bénéficier d’exonérations d’impôts locaux (Contribution Economique Territoriale) en zone AFR, Revin se trouvant sur une zone d’Aide à Finalité Régionale permanente. Par ailleurs, la Région pourrait lui accorder des aides en cas de création d’emplois.
Une fermeture coûteuse
Après avoir agité la carotte, Pierre N’Gahane a pris en mains le bâton des « coûts », au cas où Electrolux maintiendrait sa décision de fermer le site d’Ardam. Le préfet a détaillé la réglementation relative à la fermeture d’un site industriel en France.
M. Samuelson a été invité à intégrer les « coûts de sortie » dans sa réflexion : « Outre les coûts commerciaux et l’augmentation possible des coûts logistiques (…), je vous indique que la fermeture d’un site induit deux coûts complémentaires pour l’entreprise, encadrés par la loi : le coût environnemental et le coût social.
« Les coûts sociaux sont destinés à financer le plan social (indemnités légales et éventuelles primes extra légales aux salariés), à mettre en place des mesures d’accompagnement du reclassement des salariés afin de leur donner la possibilité d’un rebond professionnel, et enfin à assumer une obligation de revitalisation garantissant la création dans le bassin d’emploi d’autant d’emplois que ceux supprimés dans le cadre du plan social.
« Les coûts environnementaux sont destinés à la remise en état du site, pour d’une part, assurer sa mise en sécurité durable (mise en sécurité, entretien et gardiennage) et d’autre part le dépolluer pour permettre un usage futur par la collectivité publique. (…) »
La facture devrait être salée en ce qui concerne ce dernier poste. En effet, le quartier de La Bouverie a accueilli de nombreuses industries depuis la fin du 19ème siècle, qui ont occasionné diverses pollutions des sols et du sous-sol. Ideal Standard a été soumis aux mêmes règles de dépollution après avoir fermé son usine en avril 2011. De même assure-t-il le gardiennage des lieux.
.Dans sa missive, le préfet conclut en assurant le directeur général d’Electrolux Europe « de l’implication de l’Etat et de l’ensemble de la puissance publique, au plus haut niveau sur votre dossier, dans le passé, le présent et le futur. »
Que vont peser ces mots face au rouleau compresseur des calculettes suédoises ? Même si le pessimisme l’emporte, chacun aura fait sa part de travail. Les membres du projet niVer en proposant des solutions pour concrétiser la pérennité de leur usine au sein du groupe Electrolux. Les autres, en accordant à ce même groupe des aides financières et fiscales pour que la Vallée de la Meuse ne devienne pas un désert vert.