Depuis Lascaux, les peintres ont dû faire preuve d’inventivité pour fabriquer leurs pigments. De la cochenille au lapis-lazuli, la nature a contribué à enrichir les musées. Une jeune peintre belge utilise du… café quand d’autres se contentent d’ouvrir des tubes de peinture.

Quand deux regards se croisent, celui d'Amande et celui de la femme des Années folles... (Photo @rdenne-mag)
Amande (Amandine Lambotte) habite à Brûly-de-Couvin. Au bout de son jardin, un ruisseau fait office de frontière entre la France et la Belgique. L’artiste plasticienne est maintenant une habituée des expositions organisées par Solidarock, à Rocroi. La dernière a eu lieu le 22 octobre au bastion du Dauphin.
En 2011, Amandine a aussi exposé à Couvin, au Kfé alternatif, et à la Maison du Tourisme. Après avoir fait un régendat d’arts plastiques à Bruxelles (des études qui permettent en Belgique d’enseigner dans le premier degré du cycle secondaire), la jeune femme a enseigné dans la capitale fédérale pendant deux ans. Puis elle est revenue au pays des rièzes, des sarts et des brulys.
Les Années folles
Son expo rocroyenne était consacrée aux femmes, un sujet qui interpelle beaucoup la peintre belge. « J’ai peint la femme pour le corps, simplement, ce qui représente la féminité », explique-t-elle, « mais aussi pour les Années folles, parce que cette époque me semble avoir célébré l’immense passion de la femme ».
Pour Amandine, les Eve des années 30 ont su garder une part de féminité, malgré leur coupe à la garçonne et leur émancipation. C’est ce qu’elle a voulu représenter dans les toiles présentées au bastion du Dauphin.
Quand on l’interroge sur l’évolution de la place – et de la représentation – de la femme dans la société actuelle, l’artiste est catégorique. « D’un point de vue médiatique, j’en pense beaucoup de mal, parce qu’on ne vit que sur le côté sensuel, charnel », reproche-t-elle. « La femme n’est pas que ça. Elle met au monde. J’ai 25 ans, je suis maman d’un petit bout de trois ans, et c’est magnifique ».
Dans sa besace rocroyenne, Amande avait aussi apporté deux toiles exposées à la maison du Tourisme. Les jeunes femmes représentées y sont énigmatiques, inspirées par les contes et légendes de l’Entre-Sambre-et-Meuse.
Actuellement, la jeune brulysienne se reconvertit en suivant une formation d’agent touristique de conteuse à Couvin. Les Français auront d’ailleurs l’occasion de la découvrir pour sa première prestation d’importance lors du prochain Festival des Légendes, les 14 et 15 avril 2012, à Monthermé.
Pour ses tableaux, elle s’est donc inspirée d’un patrimoine dans lequel foisonnent de manière récurrente des histoires de femmes, de jalousie, de querelles qu’elle a essayé de traduire en peinture.
Clair-obscur
Définir son art est un exercice complexe. « En ce qui concerne le thème et le contenu », analyse la plasticienne, « ce qui caractérise mon travail, c’est ce que j’ai appris à l’école, notamment les techniques. Mais par rapport au contenant, j’expérimente. J’ai innové en mélangeant l’encre de chine et le café ».
Curieux, n’est-ce pas ? En fait, comme bien souvent, les circonstances ont fait la larronne. « Je dessine la nuit », confie Amandine, « parce que le jour je suis à plein temps avec Ewenn, mon petit bonhomme. Je ne peux trouver le temps de l’exprimer que lorsqu’il dort. Comme je bois du café pour tenir le coup, je me suis dit que je pouvais essayer d’en mélanger à l’encre ». C’est ainsi qu’Amande a trempé une première fois son pinceau dans la tasse. Avant… d’y prendre goût. « Ce mélange donne un effet légèrement sépia qui interpelle les visiteurs », assure la jeune femme en riant.
Innovatrice dans l’âme, Amandine Lambotte décide ensuite de tester le café soluble pour ses mélanges. Le résultat lui plaît. « Lorsque l’encre de Chine est sèche », précise l’artiste, l’effet «l’effet est assez mat, tandis que le café reste brillant ».
De temps en temps, Amande peint des paysages. « C’est pareil, j’aime contraster », annonce-t-elle. «Pour moi, le contraste, c’est quelque chose. J’aime le clair-obscur. Mes « maîtres » sont Le Caravage et Georges de La Tour, des peintres des 16ème et 17ème siècles. J’adore ces deux artistes, parce que justement ils mélangent ce qui est réel et ce qui est irréel ».
Le réel, c’est quoi ? Selon Amande, il s’agit d’un élément précis que l’artiste veut photographier ou peindre et qu’il mélange avec ce qui se trouve derrière. « Le clair-obscur ressent bien ça », estime-t-elle. « Enfin, c’est mon avis ». Vous reprendrez bien une petite tasse de clair-obscur ?